Vaincre les réticences face à la vaccination

Ne pas parvenir à vacciner suffisamment de personnes, ce serait comme tomber juste avant de franchir la ligne d’arrivée d’un marathon. Six études de McGill proposent des stratégies pour surmonter les obstacles

Après avoir réalisé un exploit monumental, à savoir mettre au point et faire approuver non pas un, mais plusieurs vaccins contre la COVID-19 en moins d’un an, nous en sommes maintenant à la vaccination, sans doute la phase la plus cruciale de la pandémie jusqu’à présent. « La distribution efficace et équitable de ces vaccins constitue notre meilleur espoir d’en finir avec la pandémie », affirme le Dr Don Sheppard, directeur du Département de microbiologie et d’immunologie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill ainsi que de l’Initiative interdisciplinaire en infection et immunité de McGill (MI4).

Il serait fâcheux de ne pas parvenir à vacciner suffisamment de personnes pour atteindre l’immunité collective, soit le seuil auquel le virus ne trouve plus assez d’hôtes pour se propager. Ce serait comme tomber juste avant de franchir la ligne d’arrivée d’un marathon. Il existe pourtant des obstacles importants à la vaccination, qu’il s’agisse des défis logistiques associés à la distribution ou de la résistance du public ancrée dans les mentalités.

« MI4 a lancé un appel de propositions à l’automne dans le but d’élaborer des stratégies pour surmonter ces obstacles dans un contexte réel », explique le Dr Sheppard. Grâce aux efforts de financement de la Fondation du CUSM, de l’unité Avancement universitaire de McGill et de la Fondation de l’Hôpital général juif, qui sont fières de voir leurs chercheurs dynamiques et leurs communautés collaborer sous l’égide de MI4, six études ont été sélectionnées et ont reçu des subventions de MI4 pouvant atteindre 100 000 $ chacune.

Quand on pense à ce que le monde a vécu au cours de la dernière année, il semble inconcevable que quiconque soit réticent à adopter une solution potentielle. Pourtant, des études suggèrent que plusieurs restent sceptiques face à la vaccination. Des recherches publiées l’automne dernier ont montré que seulement 39 % des Canadiens se feraient vacciner dès qu’un vaccin serait offert, alors que cette proportion était de 46 % en juillet.

Processus accéléré, pas raccourci

L’une des raisons qui expliquent cette réticence est l’insécurité liée à la vitesse à laquelle ces vaccins ont été mis au point. Les vaccins mettent généralement entre 10 et 15 ans à arriver sur le marché. Dans les années 1960, le vaccin contre les oreillons a haussé la barre puisqu’il a été créé en à peine quatre ans. Mais la propagation rapide de la COVID-19 et le nombre vertigineux de décès ont aidé à accélérer considérablement la mise au point de plusieurs vaccins. « De nombreux aspects du processus d’approbation, comme les examens administratifs, ont commencé tôt afin que le processus ne soit pas retardé, et des usines ont été construites pour la production à grande échelle du vaccin alors que celui-ci était encore en cours d’élaboration, explique le Dr Sheppard. Il est important que les gens comprennent que “processus accéléré” ne veut pas dire “raccourci”. »

Malheureusement, les mensonges se propagent plus rapidement que la vérité. C’est encore plus vrai aujourd’hui, car les fausses informations peuvent être transmises sur les réseaux sociaux d’un seul clic. « La réticence face aux vaccins découle, dans une large mesure, du manque de confiance envers les institutions sociales, dont la science elle-même », soutient Ian Gold, professeur de philosophie et de psychiatrie à l’Université McGill et directeur de l’un des nouveaux projets de MI4. L’objectif de l’étude du Pr Gold est de surmonter la réticence des gens grâce à l’élaboration d’une stratégie basée sur la confiance qui augmenterait les taux de vaccination. La Dre Inés Colmegna, professeure agrégée à l’Université McGill en poste à la Division de rhumatologie du CUSM, cherche pour sa part à dissiper les craintes et les idées fausses similaires en adaptant des stratégies élaborées lors des campagnes de vaccination contre la grippe.

Les autres études de MI4 financées par la nouvelle initiative visent des groupes démographiques précis. Une étude menée par le Dr Zeev Rosberger, professeur agrégé aux départements d’oncologie, de psychiatrie et de psychologie de l’Université McGill et chercheur à l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif, a pour objectif d’encourager les comportements altruistes chez les 20 à 40 ans, un groupe relativement peu à risque. Le Dr Moshe Ben-Shoshan, professeur adjoint en pédiatrie à l’Hôpital de Montréal pour enfants, dirige une étude centrée sur les enfants, tandis que le Dr Abhinav Sharma, professeur adjoint à l’Université McGill en poste à la Division de cardiologie du CUSM, s’efforce d’encourager la vaccination des patients atteints de maladies cardiovasculaires et d’autres personnes à haut risque.

Le dernier des six projets nouvellement financés vise à faire la lumière sur la propagation du coronavirus dans les établissements correctionnels du Canada – un secteur auquel on a accordé trop peu d’attention. « Les prisons sont des milieux collectifs très semblables aux établissements de soins de longue durée, où le virus peut se propager facilement parmi les détenus, les gardiens, le personnel de soutien et les collectivités environnantes », explique la Dre Nadine Kronfli, chercheuse principale et professeure adjointe à l’Université McGill en poste à la Division des maladies infectieuses du CUSM. « Bien que les taux de vaccination aient été historiquement bas dans les prisons canadiennes, des études ont montré que les programmes de vaccination peuvent augmenter ces taux s’ils sont associés à une intervention éducative ». La Dre Kronfli déterminera la forme que doit prendre cette intervention éducative pour être efficace, notamment qui devrait transmettre l’information. Certaines données semblent indiquer que les infirmières ou les pairs des détenus seraient les mieux placés pour jouer ce rôle dans les établissements pénitentiaires.

Chacune de ces études durera seulement six mois; des données concrètes et exploitables pourront ainsi être recueillies, ce qui permettra d’améliorer le programme de vaccination du Canada cette année et d’aider à mettre fin à la pandémie. Comme l’explique le Pr Gold : « Ces vaccins contre la COVID-19 ont fait beaucoup de chemin depuis les laboratoires où ils ont été mis au point, mais cet effort ne permettra pas d’endiguer la pandémie s’ils ne se rendent pas dans les bras des gens. »

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