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Des partis pris « sexistes » nuiraient à l'obtention de bourses de recherche par les chercheuses

Selon une étude du CMAJ, les chercheuses ont été moins nombreuses que leurs homologues masculins à recevoir des subventions, en raison d’un parti pris potentiel
Publié: 23 April 2018

L’évaluation par les pairs en recherche est-elle objective? Il y a lieu de se poser la question. En effet, selon une étude du Canadian Medical Association Journal (CMAJ), les chercheuses qui ont présenté des demandes de subvention au principal bailleur de fonds du Canada dans le domaine de la santé ont été moins nombreuses que leurs homologues masculins à recevoir des subventions, en raison d’un parti pris potentiel. Cette étude révèle également que les caractéristiques des pairs examinateurs peuvent aussi avoir une incidence sur le résultat de la demande.

Les demandeuses de subventions qui n’en avaient jamais reçues auparavant ont obtenu des notes moins élevées, et étaient donc moins susceptibles d’être subventionnées.

Entre 2012 et 2014, 11 624 demandes ont été présentées aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) au titre du concours du Programme ouvert de subventions de fonctionnement. Les deux tiers (66 %) des demandeurs de subventions étaient des hommes et 69 % d’entre eux étaient âgés de 40 ans et plus. Presque les deux tiers des demandes (64 %) avaient trait à des projets dans le domaine de la science fondamentale, et les autres demandes portaient sur des projets dans le domaine de la science appliquée (recherche clinique : 16,6 %; services de santé : 8,1 % ; et santé de la population : 11,3 %).

Les chercheurs qui ont réalisé l’étude en question se sont penchés sur les caractéristiques des pairs examinateurs, comme le sexe, les taux de succès antérieurs quant aux demandes de subvention, l’expérience, le domaine scientifique, les conflits d’intérêts, etc. Ils ont conclu que ces caractéristiques faisaient intervenir un parti pris dans l’examen des demandes de subvention par les pairs. Ce parti pris entraînait l’attribution de notes moins élevées, pouvant classer la demande dans la fourchette des dossiers non admissibles à une subvention.

L’investissement annuel des IRSC dans la recherche dans le domaine de la santé se chiffre à environ 1 milliard de dollars en 2018.

Une influence indue sur les évaluations de demandes

Dans des études antérieures, les éléments de preuve relatifs aux partis pris étaient contradictoires; toutefois, peu d’études se sont penchées sur les caractéristiques des examinateurs, afin de vérifier si elles pouvaient potentiellement fausser les demandes.

« Les résultats de cette étude confirment l’existence de bon nombre des partis pris dont nous soupçonnions l’influence dans l’examen des demandes de subvention de fonctionnement effectué par des pairs. L’étude a également permis d’identifier les caractéristiques importantes que présentent les pairs examinateurs, qui doivent être prises en compte dans le traitement des demandes », écrit l’auteure principale de l’étude,  Robyn Tamblyn, directrice scientifique de l’Institut des services et des politiques de la santé des IRSC, professeure à l’Université McGill et scientifique senior à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, à Montréal, au Québec. « En mesurant et en contrôlant l’excellence scientifique du demandeur, nous sommes en mesure d'examiner comment le demandeur, la demande et les caractéristiques de l’examinateur peuvent influer indûment sur l’évaluation des demandes de subvention de fonctionnement. »

Les chercheurs ont également conclu que l’expertise de l’examinateur influait sur la notation de la demande. En effet, les examinateurs dont l’expertise était considérable attribuaient une note plus élevée aux demandeurs ayant auparavant obtenu une subvention qu’aux demandeurs ayant moins d’expérience.

« Nous avons constaté que des notes plus faibles étaient attribuées aux demandes portant sur des projets en science appliquée. Nous avons également observé des iniquités entre les sexes; on favorisait les demandes présentées par des hommes qui avaient auparavant obtenu des subventions, alors que ces demandes étaient équivalentes à celles des femmes qui présentaient une demande, plus particulièrement dans le domaine des sciences appliquées, écrivent les auteurs. Des facteurs comme les conflits d’intérêts des examinateurs, le fait que les examinateurs étaient tous de sexe masculin, le fait que les examinateurs avaient tous une vaste expertise et le fait que les examinateurs évoluaient exclusivement dans le même domaine scientifique que le demandeur influaient de manière favorable sur la notation de la demande. »

Les facteurs énumérés ci-dessus laissent entendre que la formation des examinateurs, un changement de politique et l’exercice d’une certaine forme de surveillance peuvent contribuer à éliminer les partis pris.

« Les conclusions de l’étude sont importantes, car le fait d’obtenir moins de subventions ralentit l’avancement professionnel des femmes. Cette situation diminue également les possibilités de publication et d’autres formes de collaboration, autant de critères liés au développement de carrière », explique Rosemary Morgan, de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, à Baltimore, au Maryland, dans un commentaire sur les travaux de l’équipe. « Pour comprendre ce qui explique le phénomène, nous devons reconnaître que le sexisme existant dans le processus d’évaluation des demandes de subventions est une manifestation d’un parti pris historique et systématique au sein du milieu universitaire. »


L’étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).

L’étude intitulée Assessment of potential bias in research grant peer review in Canada  a été publiée le 23 avril 2018.

Commentaire  de l'étude: http://www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.180188

 

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