Nouvelles

Puits de pétrole et de gaz abandonnés : risques pour l’environnement et vocations possibles

Vers une gestion encadrée de millions de puits inactifs
A pressure valve on an old rusty oil rig
Publié: 20 June 2023

Des chercheuses de l’Université McGill sont à la tête d’une équipe internationale dont l’objectif est de définir un cadre qui aidera les décideurs politiques, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, à déterminer les stratégies à privilégier pour la fermeture définitive des puits de pétrole et de gaz abandonnés.

Ces puits inactifs posent un risque environnemental puisqu’ils sont susceptibles de contaminer les sources d’eau, de détériorer les écosystèmes et d’émettre du méthane et d’autres polluants atmosphériques nocifs.  Cependant, si on les scellait, ils pourraient servir à divers usages bénéfiques pour l’environnement, comme le stockage souterrain de dioxyde de carbone et d’hydrogène ou la production d’énergie géothermique.

Un tableau incomplet et une enveloppe insuffisante

Il existe des centaines de milliers de puits pétroliers et gaziers orphelins aux États-Unis, au moins 400,000 au Canada, et des dizaines de millions dans le monde. Comme les anciens propriétaires de ces puits sont introuvables ou ne sont pas en mesure de les nettoyer, la responsabilité du colmatage revient généralement aux gouvernements, qui manquent parfois d’information pour agir efficacement.

En novembre 2021, dans le cadre de sa loi bipartite sur les infrastructures, le gouvernement américain a consacré 4,7 milliards de dollars US à la fermeture définitive de puits orphelins sur son territoire.

« Ce montant peut sembler élevé; pourtant, nous croyons que le coût du colmatage des puits abandonnés répertoriés aux États-Unis dépassera cette somme de 30 à 80 %, si ce n’est pas plus », soutient Mary Kang, professeure adjointe au Département de génie civil de l’Université McGill et auteure principale d’un article publié aujourd’hui dans la revue Environmental Research Letters. L’article présente des risques environnementaux posés par les puits inactifs et diverses stratégies potentielles de remise en état des lieux. On y précise également l’information qu’il reste encore à recueillir. « Notre estimation des coûts ne tient évidemment pas compte des nombreux puits orphelins non répertoriés, c’est-à-dire des puits dont on ne connaît ni l’emplacement exact ni la profondeur.  Étant donné que des dizaines de milliers de puits seront colmatés d’ici quelques années, il faut rapidement définir un cadre et des ensembles de données de surveillance environnementale afin d’établir un ordre de priorité. »

Plus de 4,5 millions d’Américains habitent près d’un puits pétrolier ou gazier non colmaté

Afin de mieux comprendre les répercussions à grande échelle de ces installations laissées à l’abandon et d’éclairer les gouvernements dans l’établissement de politiques, l’équipe de recherche a analysé des informations sur plus de 80 000 puits répertoriés aux États-Unis tout en examinant des données sur les ressources naturelles et des données socioéconomiques et environnementales. Il existe des centaines de milliers d’autres puits orphelins partout au pays.

Les scientifiques ont découvert que plus de 4,6 millions d’Américains – soit environ 13 % de la population, parmi lesquels il y a surreprésentation des Latino-Américains et des Autochtones – vivaient dans un rayon d’un kilomètre de l’un des quelque 80 000 puits orphelins répertoriés aux États-Unis. L’équipe a également constaté que plus d’un tiers des installations abandonnées se situaient à environ un kilomètre d’un puits privé d’eau souterraine. Toutefois, les données sur les risques pour la santé associées aux puits orphelins sont généralement insuffisantes pour tirer des conclusions, selon les auteurs.

« Des études récentes font état de dangers que les puits abandonnés représentent pour la santé humaine et pour la qualité de l’air et de l’eau sur le territoire américain. Cependant, la littérature à ce sujet n’est pas assez abondante pour nous permettre de quantifier les risques », ajoute Seth Shonkoff de PSE Healthy Energy.

Passage au vert : énergie éolienne, stockage souterrain de gaz et exploitation des ressources géothermiques

Le sous-sol est une richesse naturelle à part entière, et les usages que l’on peut faire des réservoirs souterrains non contaminés par les hydrocarbures sont déjà multiples. Par exemple, les scientifiques ont constaté que la plupart des puits orphelins répertoriés (91 %) se situaient dans des zones où la formation géologique offre un potentiel de stockage en profondeur du dioxyde de carbone, de l’hydrogène et du gaz naturel, pourvu que les normes de sécurité soient respectées. En outre, l’équipe de recherche laisse entendre qu’au lieu de remettre un terrain dans son état d’origine, on pourrait y implanter des installations de production d’énergie éolienne, étant donné que près de 75 % des puits orphelins se trouvent dans des zones à fort potentiel éolien. Ou encore, on pourrait se tourner vers la géothermie : environ 33 % des puits abandonnés sont situés dans des régions jugées comme plutôt propices à une telle exploitation, notamment au Dakota du Nord, et 1 % dans des États qui s’y prêteraient extrêmement bien, comme c’est le cas de l’Utah, du Colorado et de la Californie.

« Cette analyse met en lumière la nécessité de trouver les puits inactifs, souvent situés à proximité du lieu d’habitation de millions d’Américains, de déterminer leur niveau de priorité, de les colmater et de remettre le sol en état. Elle fait également ressortir l’ampleur de la tâche à accomplir pour comprendre et atténuer les répercussions environnementales, dit Adam Peltz, directeur et avocat principal au Environmental Defense Fund. Nous assistons à une multiplication des programmes de colmatage financés dans le cadre de la loi bipartite sur les infrastructures. Cette étude fournit donc un aperçu sans précédent de la nature des puits orphelins répertoriés à un moment crucial. Elle met également en évidence l’importance du projet de loi Abandoned Well Remediation Research and Development Act (AWRRDA), à l’étude au Congrès, qui pourrait accélérer la recherche permettant de trouver et de remettre en état des centaines de milliers de puits abandonnés, partout sur le territoire américain, qui ne sont toujours pas répertoriés. »

L’article

« Environmental risks and opportunities of orphaned oil and gas wells in the United States », par Mary Kang et coll., a été publié dans la revue Environmental Research Letters.


L’Université McGill

Fondée en 1821, à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat et se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Institution d’enseignement supérieur de renommée mondiale, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans trois campus, 12 facultés et 14 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 39 000 étudiants, dont plus de 10 400 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 000 étudiants internationaux représentant 30 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 20 % sont francophones.

Abonnez-vous aux communiqués

Salle de presse de McGill

Compte Twitter de McGill

Back to top