Un stage qui débouche sur un emploi au sein d’une organisation humanitaire lauréate d’un prix Nobel

Kate Sinclair travaille pour le Programme alimentaire mondial des Nations Unies au Sri Lanka tout en terminant son doctorat en nutrition humaine

Kate Sinclair est entrée au Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies au Sri Lanka par la petite porte.

En août 2018, elle entame un stage de six mois dans le cadre de son doctorat en nutrition humaine à l’Université McGill. Deux ans plus tard, elle est conseillère en nutrition mondiale au bureau du PAM au Sri Lanka et soutient l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de nombreux programmes liés à la nutrition, notamment la distribution de repas dans les écoles, l’enrichissement du riz, la gestion des connaissances et le développement de la résilience.

La jeune femme était loin de se douter que ses travaux lui vaudraient, ainsi qu’à son équipe, de recevoir le prix Nobel de la paix. Pourtant, à la fin de l’année dernière, elle et ses 20 000 collègues du PAM œuvrant aux quatre coins du monde ont été nommés lauréats du prix Nobel de la paix de 2020.

Décerné en décembre lors d’une cérémonie virtuelle, le prix a récompensé l’agence des Nations Unies, basée à Rome, « pour ses efforts de lutte contre la faim, pour sa contribution à l’amélioration des conditions de paix dans les zones touchées par des conflits et pour son rôle moteur dans les actions visant à empêcher l’utilisation de la faim comme arme de guerre et de conflit ».

« C’est un immense honneur pour tous les membres du PAM que de recevoir le prix Nobel, déclare Kate Sinclair, qui a suivi la cérémonie depuis le Sri Lanka. Nous vivons tous ce gage de reconnaissance avec beaucoup d’humilité. »

Les premiers arrivés sur certaines des pires scènes de désolation au monde

Le PAM, plus importante organisation humanitaire au monde, offre une aide alimentaire dans les situations d’urgence. Ses membres sont souvent les premiers à arriver sur le terrain pour distribuer des denrées alimentaires de base aux victimes de guerres, de conflits civils, de sécheresses, d’inondations, de tremblements de terre, d’ouragans, de mauvaises récoltes et de catastrophes naturelles. Environ deux tiers de l’activité du PAM sont consacrés à l’aide aux personnes en proie à de graves crises alimentaires causées, pour la plupart, par des conflits, le risque de malnutrition étant trois fois plus élevé dans les zones de conflit que dans les pays en paix. En 2019, le PAM est venu en aide à 97 millions de personnes dans 88 pays.

Kate Sinclair discusses the paddy harvest with colleagues in Batticaloa, Sri Lanka
Kate Sinclair (à gauche) discute de la récolte de paddy avec des collègues à Batticaloa, Sri Lanka

Le prix du Comité Nobel norvégien « reconnaît que la voie de la paix passe par l’alimentation et récompense le travail du personnel du PAM, qui consacre sa vie à apporter nourriture et assistance à près de 100 millions d’enfants, de femmes et d’hommes affamés dans le monde », indique Kate Sinclair.

Un parcours qui a débuté à l’Université McGill

C’est à McGill qu’a débuté le parcours qui mènera Kate Sinclair au Sri Lanka.

La raison pour laquelle la jeune femme s’est intéressée en premier lieu à l’École de nutrition humaine de McGill est qu’outre l’obtention du diplôme, son programme de maîtrise en diététique appliquée donnait également droit au permis d’exercice de la profession.

« Ce n’est qu’après avoir suivi le cours de nutrition en santé publique enseigné par le Pr Hugo Melgar‑Quiñonez, [titulaire de la bourse de recherche Margaret‑A.‑Gilliam en sécurité alimentaire à l’Institut Margaret‑A.‑Gilliam pour la sécurité alimentaire mondiale] durant ma première session d’études, que je me suis prise d’intérêt pour son travail et que j’ai décidé de faire une thèse. Cela m’a permis de travailler sur un projet de recherche plus approfondi, explique l’humanitaire. Hugo est aujourd’hui mon directeur de thèse. Sa passion et son optimisme ont largement contribué à attiser mon intérêt grandissant pour la sécurité alimentaire mondiale, la nutrition et le milieu universitaire. »

Explorant cet intérêt naissant pour la sécurité alimentaire mondiale, Kate Sinclair, qui a grandi à Red Deer, en Alberta, a effectué plusieurs projets de recherche à l’étranger, notamment une étude sur de petits exploitants agricoles en Haïti et une autre sur l’insécurité alimentaire et l’autonomie des femmes en Colombie.

« Les travaux de recherche que j’ai réalisés à McGill m’ont appris énormément de choses, tant sur le plan professionnel que personnel, confie-t-elle. Ces expériences m’ont préparée à mon travail au PAM à plusieurs égards. Elles m’ont appris à m’adapter à différents contextes et à travailler avec des personnes d’horizons différents. »

Faire beaucoup avec peu

Le PAM est entièrement financé par des dons. Le PAM au Sri Lanka est un « petit bureau de pays à revenu intermédiaire », qui doit gérer au quotidien le manque de ressources, explique Kate Sinclair. « Toutefois, notre équipe est des plus innovante et dynamique, et nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement, ce qui nous permet souvent de faire beaucoup avec peu. »

Mais avec la COVID‑19, c’est « une tout autre paire de manches ».

Au Sri Lanka, son équipe suit l’évolution de la situation de près; elle adapte les programmes existants pour continuer d’aider les personnes dans le besoin, et travaille main dans la main avec le gouvernement pour répondre aux demandes dès qu’elles émergent.

À la mi-mars, le gouvernement sri-lankais a fermé les écoles pour freiner la propagation du virus. Du même coup, de nombreux enfants se sont vu soudainement priver des repas gratuits qu’ils recevaient dans le cadre du programme national de cantines scolaires, programme bien établi et soutenu par le PAM.

School-aged children receiving their mid-day meal as part of the National School Meal Menu, Sri Lanka
Enfants d'âge scolaire recevant leur repas du midi dans le cadre du programme national de cantines scolaires au Sri Lanka

« Face à la fermeture prolongée des écoles et à l’interruption du programme de cantines scolaires, le PAM et le gouvernement australien ont travaillé, avec le ministère de l’Éducation et d’autres partenaires gouvernementaux, à la mise en place d’une solution de rechange visant à offrir des rations à emporter pour assurer la sécurité alimentaire des enfants jusqu’à ce que le programme national de cantines scolaires reprenne », indique Kate Sinclair.

La sécurité alimentaire : un sujet complexe qui appelle des actions à différents niveaux

Malgré les progrès formidables de la recherche dans les domaines de la production, du stockage et de la transformation des aliments, de la sécurité alimentaire, de la nutrition et de la santé, la sécurité alimentaire demeure un enjeu mondial important. « Le nombre total de personnes souffrant de la faim dans le monde n’a cessé de reculer entre 2000 et 2015; de récentes estimations démontrent toutefois que ce chiffre est désormais à la hausse pour la première fois en quinze ans », poursuit-elle.

Il s’agit d’un sujet complexe qui appelle des actions à différents niveaux. Selon elle, des investissements doivent être faits dans l’ensemble du système alimentaire, notamment afin d’en améliorer l’efficacité et de réduire le gaspillage alimentaire. « Nous devrons impérativement renforcer les moyens de subsistance et la résilience des petits exploitants agricoles, et particulièrement de ceux qui sont vulnérables aux catastrophes naturelles récurrentes et aux changements climatiques. Les politiques agricoles et les incitatifs joueront alors un rôle essentiel. »

Et puis, il y a la guerre.

Lors de la remise du prix Nobel de la paix au PAM, le Comité Nobel norvégien a expliqué que le lien entre la faim et les conflits armés était un cercle vicieux. « La guerre et les conflits peuvent engendrer de l’insécurité alimentaire et de la faim; mais la faim et l’insécurité alimentaire peuvent également mener à la recrudescence de conflits latents et au recours à la violence. Pour en finir avec la faim, nous devons d’abord venir à bout des guerres et des conflits armés ».

Visionner la vidéo tournée en 2018, à l’époque où Kate Sinclair effectuait son stage au PAM au Sri Lanka.

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