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Brillante découverte pour les biomatériaux avancés

Entretien avec les chercheurs du Laboratoire Sleiman
Publié: 9 August 2021

Des chercheurs de l’Université McGill pensent avoir mis au jour une manière d’améliorer la synthèse de biomatériaux qui pourraient jouer un rôle crucial dans l’administration de médicaments, la régénération tissulaire, ainsi qu’en nano-optique et en nanoélectronique.

Dirigée par Hanadi Sleiman, professeure titulaire de chimie à McGill et titulaire de la Chaire de recherche du Canada de niveau 1 en nanoscience de l’ADN, l’équipe a conçu une méthode inspirée par la façon dont les matériaux défectueux se régénèrent et deviennent plus résistants dans la nature. Les chercheurs ont utilisé les radiations émises par l’appareil photo d’un téléphone intelligent pour relâcher les structures basées sur des brins d’ADN et produire ainsi, sur demande, des matériaux semi-synthétiques pour divers usages.

À quelles questions vouliez-vous répondre par votre recherche?

Nous voulions vérifier s’il était possible de concevoir de nouveaux processus chimiques qui copieraient mieux les processus naturels, pour produire des biomatériaux semi-synthétiques aux structures variées et souples, qu’il serait possible d’utiliser en science des matériaux et en génie tissulaire. Dans la nature, les systèmes chimiques se forment, se modifient et fonctionnent grâce à des influx et des transformations d’énergie constants. Dans le cas de tissus comme le collagène, ces processus de conversion énergétique produisent des fibres dotées de diverses propriétés, dont l’élasticité et la robustesse varient. À l’inverse, les fibres créées artificiellement par le biais de procédés de fabrication statiques ne présentent pas ces comportements dynamiques, ce qui rend la régulation de leurs propriétés difficile.

Aux fins de l’étude, nous avons tenté d’assembler des fibres d’ADN supramoléculaire avec une petite molécule photosensible pour induire une dynamique entre les deux structures, en créant un procédé comparable aux procédés naturels qui contrôlent les fonctions des tissus biologiques. L’ADN est un matériau de construction de choix pour produire de nouvelles structures de fibres, car il s’assemble de manière prévisible et il est capable de reconnaître les molécules. La structure même de l’ADN est dynamique, ce qui en fait un candidat idéal pour produire des matériaux biocompatibles aux propriétés ajustables.

Qu’avez-vous découvert?

Quand on mélange ces composants à température ambiante, ils s’assemblent pour former de triples hélices d’ADN qui se combinent en fibres à l’échelle du micron. Ces fibres s’interconnectent et créent de vastes réseaux enchevêtrés. Les défauts structurels de ces architectures en limitent l’utilité en science des matériaux et en génie tissulaire appliqués.

Pour corriger ce problème, nous avons utilisé un système photochimique permettant de réguler l’assemblage des structures d’ADN et nous avons conçu un procédé qui consiste à démêler et séparer les fibres grâce aux radiations issues de l’appareil photo d’un téléphone intelligent, puis à séquestrer chaque brin d’ADN dans un ADN bicaténaire à haute énergie. Quand on éteint l’appareil photo, les brins d’ADN quittent lentement leur chambre de stockage à haute énergie et leurs fibres se réassemblent.

Nous avons découvert que pendant la phase de relâchement qui suit la séquestration sous haute énergie, les fibres, au lieu de se s’emmêler de nouveau, se recombinent en s’alignant parallèlement les unes aux autres, en générant des « nanocâbles » épais dotés de propriétés mécaniques améliorées et d’une meilleure stabilité thermique.

Notre procédé photochimique altère l’assemblage qui va mener à la polymérisation. Les fibres formées grâce à notre stratégie présentent moins de défauts structurels que celles qui se sont formées sans activation du cycle. Nos fibres, plus « parfaites », ont moins tendance à se ramifier et ont plus tendance à s’assembler le long de leur axe de polymérisation, et ce faisant, à former des câbles résistants et organisés.

En quoi cette découverte est-elle importante ?

Une des avancées que représente notre recherche est la conception de nouvelles méthodes de caractérisation (établies en collaboration avec le laboratoire du professeur Gonzalo Cosa) pour comprendre l’assemblage au niveau de la fibre. Jusqu’à maintenant, on utilisait généralement des techniques de fluorescence au niveau des molécules simples pour étudier les systèmes biologiques. Notre étude marque un tournant, car nous sommes les premiers à avoir observé directement les mécanismes de polymérisation supramoléculaire et à avoir utilisé l’analyse optique pour étudier l’hétérogénéité des polymères.

Nous pensons que ces nouvelles méthodologies seront largement applicables à l’étude des matériaux biologiques ou synthétiques et qu’elles permettront de bien mieux comprendre les mécanismes naturels de contrôle des tissus fonctionnels, ce qui permettra aux scientifiques de produire des matériaux plus dynamiques et adaptables à divers besoins.

Quand nous repérons des imperfections dans un matériau, nous pouvons désormais le désassembler et le réassembler pour en corriger la structure. Nous créons ainsi des biomatériaux plus robustes qui peuvent servir de base structurelle à la croissance cellulaire, à la régénération tissulaire et à l’organisation des nanomatériaux.

L'étude

L’article « A dissipative pathway for the structural evolution of DNA fibres », par Hanadi Sleiman et coll., 2021, a été publiée dans Nature Chemistry.


L’Université McGill

Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.

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