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Changements climatiques au Québec : Une plus grande diversité des espèces et le besoin de repenser nos modèles de conservation

Les parcs nationaux et provinciaux sont-ils en voie de devenir des refuges de biodiversité d’importance continentale?
Publié: 15 May 2018

Selon une équipe de chercheurs, les changements climatiques contribueront, de manière paradoxale, à une nette augmentation de la diversité des espèces présente dans les aires protégées du Québec, en faisant ainsi parmi les plus importants refuges de biodiversité du continent. Les scientifiques ont eu recours à la modélisation de niches écologiques pour calculer les variations éventuelles dans la présence de 529 espèces dans environ le tiers des aires protégées du sud du Québec, dont la superficie était inférieure à 50 km2 dans presque tous les cas. Or, les résultats de leur étude nous permettent de croire que d’ici cinquante à quatre-vingts ans (soit entre 2071 et 2100), près de la moitié des aires protégées du sud de la province pourraient afficher un taux de renouvellement des espèces supérieur à 80 %.

Ces chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski, du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, et de l’Université McGill croient que la hausse du nombre d’espèces d’oiseaux, d’amphibiens, d’arbres et de plantes vasculaires à fleurs pourrait varier de 12 % à 530 %, selon la région. Il s’agit de la première étude visant à examiner de manière aussi approfondie les effets éventuels des changements climatiques sur la biodiversité dans un vaste réseau de régions nordiques protégées.

Faut-il repenser les modèles de conservation?

L’équipe de recherche prévoit qu’en raison de l’ampleur et de la rapidité du renouvellement des espèces, il sera nécessaire de repenser les modèles de conservation actuels, car la préservation du portrait de la biodiversité observée aujourd’hui dans nos parcs nationaux sera impossible. Voici ce qu’en disent les chercheurs :

  1. Plutôt que de tenter de préserver la biodiversité actuelle dans nos parcs nationaux, nous devrions peut-être mettre en œuvre une stratégie de conservation plus efficace visant à maintenir la résilience écologique ainsi que la diversité des caractéristiques et des conditions physiques.
  2. Les gestionnaires des aires protégées auront possiblement des décisions difficiles à prendre, compte tenu du nombre grandissant de nouvelles espèces immigrantes qui colonisent les régions nordiques. Si les écosystèmes traditionnels subissent de profondes modifications, les gestionnaires pourraient devoir compter sur des populations autosuffisantes d’espèces non indigènes dans certaines aires protégées. Cela dit, la présence d’espèces immigrantes pourrait avoir des effets négatifs sur la structure et le fonctionnement de l’écosystème.
  3. L’attribution d’un statut de conservation à des espèces rares ou récemment naturalisées pourrait être une question épineuse, étant donné la précarité d’un grand nombre d’espèces nordiques. Cela dit, on devrait juger de la valeur de conservation des nouvelles espèces rares dans une perspective continentale à long terme plutôt que dans une perspective nationale à court terme.
  4. On devra veiller à préserver et à rétablir la connectivité entre les habitats des aires protégées afin de permettre l’ouverture d’éventuels corridors de migration. Ainsi, les espèces éviteront de se retrouver coincées durant des dizaines, voire des centaines, d’années en raison d’un retrait rapide de la bordure sud du territoire et d’une lente progression vers la bordure nord.

Les chercheurs précisent toutefois que la hausse possible du nombre d’espèces ne devrait pas détourner l’attention du risque d’extinction d’espèces indigènes, qui pourraient ne plus disposer des conditions nécessaires à leur existence dans les aires protégées qu’elles peuplent actuellement. Le modèle géographique de la perte relative d’espèces susceptible de se produire donne à penser que plusieurs d’entre elles se trouvent dans les aires protégées les plus au sud du Québec et dans celles des latitudes plus élevées, où l’extinction de quelques espèces locales seulement peut entraîner de lourdes conséquences au sein de communautés écologiques tout entières.

Pour des images téléchargeables : https://www.mcgill.ca/newsroom/node/40177/

Cette étude a été financée par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) du Québec, Canards illimités Canada, le gouvernement du Canada, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, le Consortium sur la climatologie régionale et l'adaptation aux changements climatiques Ouranos et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

Lire l’article intégral intitulé « Northern protected areas will become important refuges for biodiversity tracking suitable climates », par Dominique Berteaux et coll. : https://www.nature.com/articles/s41598-018-23050-w - DOI : 10.1038/s41598-018-23050-w

 

 

 

 

 

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