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Le Réseau de santé des sans-abris émet une directive clinique fondée sur des données probantes

Des changements considérables dans la population itinérante au Canada appellent de nouveaux modes d’intervention et de traitement
Publié: 9 March 2020

D’après le Réseau de santé des sans-abris, regroupement pancanadien d’experts dont font partie des chercheurs de l’Université McGill, il faut adopter une approche collaborative pour assurer une accessibilité aux soins de santé qui mettra fin à l’itinérance au Canada. Les cliniciens peuvent jouer un rôle à cet égard en adaptant leurs interventions conformément à une nouvelle directive clinique exhaustive sur l’itinérance publiée dans le Canadian Medical Association Journal.

La directive vise à informer les cliniciens, mais aussi à encourager la collaboration avec les organismes communautaires et les décideurs politiques pour l’adoption de mesures prioritaires et d’interventions fondées sur des données probantes qui faciliteront la prestation de soins aux sans-abris et aux personnes vivant dans la précarité et à risque d’itinérance.

« Les cliniciens doivent participer à la lutte contre l’itinérance parce qu’ils sont bien placés pour intervenir efficacement », affirme la Dre Anne Andermann, coauteure de la directive, professeure agrégée au Département de médecine de famille et directrice des Soins primaires axés sur la communauté à l’Université McGill. « Nous pouvons commencer par apprendre à adapter notre approche clinique pour répondre aux besoins du patient de façon plus globale, tant du point de vue de sa santé physique et mentale que de ses difficultés sociales. »

La directive émane du Réseau de santé des sans-abris, qui regroupe des cliniciens, des chercheurs, des intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux, ainsi que cinq personnes ayant vécu en situation d’itinérance. Deux étudiants en médecine de l’Université McGill, Sebastian Mott et Victoire Kpadé, sont également coauteurs, et la coordination du projet a été assurée par un comité directeur composé de représentants de partout au pays.

« La question du logement est étroitement liée à la médecine », explique Amanda DiFalco, de l’Institute of Global Homelessness, qui a déjà vécu en situation d’itinérance. « Nous devons intégrer cette directive aux politiques de santé publique et à notre enseignement aux prochaines générations de cliniciens. »

La directive, qui fera l’objet d’une révision tous les cinq ans, recommande des façons de venir en aide aux patients sans-abri ou en situation de logement précaire.

  1. Logements supervisés permanents : Mettre les personnes sans-abri ou en situation de logement précaire en relation avec un coordonnateur de soutien au logement ou un chargé de cas local qui leur présentera des options en matière de logement.
  2. Aide au revenu : Aider les personnes à revenu précaire à trouver et à utiliser des ressources en matière de soutien du revenu.
  3. Prise en charge : Veiller à ce que les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou liés à la consommation d’une substance aient accès à des programmes de santé mentale ou à des services psychiatriques de proximité.
  4. Thérapie par agonistes opioïdes : Faciliter l’accès à une thérapie par agonistes opioïdes auprès d’un service de soins de première ligne ou d’un spécialiste en toxicomanie pour les patients qui font un usage chronique d’opioïdes.
  5. Réduction des méfaits : Trouver le bon mode de prise en charge des personnes présentant des troubles liés à la consommation d’une substance, ou diriger ces personnes vers des services de réduction des méfaits en toxicomanie.

Une population itinérante en mutation

Le portrait de la population des sans-abris a beaucoup changé au cours des 25 dernières années au Canada. Auparavant composée principalement d’hommes d’âge moyen, elle compte de plus en plus de femmes, de jeunes, d’Autochtones, de gens âgés et même de familles. En 2014, on estimait à 235 000 le nombre de sans-abri : 27,3 % de femmes, 18,7 % de jeunes, 6 % d’immigrants ou de migrants récents et un nombre accru de vétérans ou de personnes âgées.

« Plus de deux millions de Canadiens ont vécu des périodes d’itinérance cachée au cours de leur vie, c’est-à-dire qu’ils ont habité temporairement chez des gens ou ont utilisé d’autres moyens pour éviter de dormir dans des refuges ou dans la rue », déclare la Dre Andermann, qui a fondé une clinique locale dans le quartier Côte-des-Neiges, en collaboration avec le Centre de médecine familiale de St. Mary et la cafétéria communautaire MultiCaf.

Itinérance chez les Autochtones

Au Canada, les Autochtones sont huit fois plus à risque que les personnes non autochtones de se retrouver en situation d’itinérance. Pourtant, peu de mesures de lutte contre l’itinérance sont pilotées par des Autochtones.

Afin de pallier ce manque, Jesse Thistle, historien autochtone et professeur à l’Université York, et la Dre Janet Smylie, médecin de famille métis et chercheuse à Unity Health Toronto et à l’Université de Toronto, dirigent l’élaboration d’une directive distincte sur la lutte contre l’itinérance. Les auteurs ont également pu compter sur la participation d’aînés, de chercheurs et de professeurs autochtones, ainsi que de personnes ayant déjà vécu en situation d’itinérance.

On définit habituellement l’itinérance par la précarité en matière de logement, mais dans ce cas, les chercheurs ont abordé l’itinérance autochtone du point de vue d’une dégradation des saines relations liée aux perturbations coloniales. Ils proposent quatre protocoles à l’intention des fournisseurs de soins de santé et de services sociaux qui travaillent auprès des sans-abris autochtones : définir sa situation, keeoukaywin (favoriser les rencontres), faire preuve d’hospitalité et traiter les autres comme s’ils faisaient partie de la famille.

La directive

La directive « Clinical guideline for homeless and vulnerably housed people, and people with lived homelessness experience » émise par le Réseau de santé des sans-abri a été publiée dans le Canadian Medical Association Journal. Elle a été financée par Inner City Health Associates, l’Association médicale canadienne et l’Agence de la santé publique du Canada.

Directive : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.190777
Analyse : http://www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.200199
Baladodiffusion : https://soundcloud.com/cmajpodcasts/190777-guide

L’Université McGill

Fondée en 1821, à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat et se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Institution d’enseignement supérieur de renommée mondiale, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au‑delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au‑delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.

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