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Il faut contrôler la consommation débridée, selon Speth

Publié: 24 October 2008

La saison de la grippe est à nos portes, mais selon le militant environnementaliste James Gustave Speth, un fléau bien pire nous guette, l'opulenza, une souche virale de consomanie qui pourrait se révéler fatale pour notre planète si nous ne la contrôlons pas.

Invité à prononcer la Conférence Beatty 2008 devant une salle comble au Centre Mont-Royal le 18 octobre 2008, le doyen de la Faculté de foresterie et d'études environnementales de l'Université Yale a affirmé que le capitalisme débridé est la principale cause de la dégradation de l'environnement et que nous sommes parvenus au point où la capacité de la planète à héberger la vie est sérieusement compromise.

Mais la roue du capitalisme ne tourne pas d'elle-même et Speth dresse la liste des complices de ce crime environnemental : les puissantes entreprises dont le but suprême est d'amasser des profits sans égard aux effets de leur activité sur la nature; la poursuite des investissements dans des technologies peu ou prou respectueuses de l'environnement; l'incapacité systématique des marchés à prendre en compte les coûts environnementaux à moins d'y être obligés par les gouvernements; les gouvernements serviles envers les entreprises; la consommation débridée, aiguillonnée par des techniques de publicité et de marketing perfectionnées; tous ces facteurs ont contribué à porter le capitalisme et la consommation à des niveaux de frénésie dangereux.

« Il a nous a fallu toute notre histoire pour amener l'économie au niveau de 7 trillions où elle se situait quand j'étais enfant, dans les années 1950 », confie-t-il. « Mais combien de temps faut-il maintenant pour hausser d'autant la valeur de l'activité économique? Moins d'une décennie. » 

« Nous avons créé une immense machine économique dont la raison d'être profonde est le profit et la croissance et qui est presque complètement dépourvue de préoccupation pour la nature et la société », poursuit-il. « Sans contrôle, cette machine est impitoyable et rapace. »

Mais, selon Speth, il faudra rien de moins qu'une révolution pour mettre ce monstre en cage. Il faudra d'abord que les gens remettent en question le "fétiche de la croissance". » L'accumulation insouciante de biens et de propriétés doit être freinée par une nouvelle conception des marchés où les prix refléteraient l'impact environnemental véritable des produits. « Le pollueur doit payer. »       

En second lieu, nous devons évoluer vers un stade « post-croissance » plus aimable caractérisé par de meilleurs soins de santé et une meilleure éducation pour tous, des semaines de travail plus courtes et des vacances plus longues. Citant le philosophe John Stuart Mill, Speth déclare que nous devons retourner au futur et recommencer à nous consacrer à l'avènement d'un « meilleur art de vivre. »  

« Le matérialisme est toxique pour le bonheur », affirme-t-il. « Nous devons aspirer à autre chose que ce mode de vie hyperactif où nous nous épuisons comme sur un tapis roulant. »

Bien qu'il s'empresse d'ajouter qu'il ne sait pas comment nous pouvons y parvenir, Speth avance que le changement résultera probablement d'une série d'événements catalyseurs. Il faudra un puissant mouvement populaire ou une prolifération de mouvements qui briseront le moule actuel et galvaniseront les gens. Il faudra une crise ou l'apparence d'une crise imminente, et des dirigeants qui n'auront pas peur de parler de sacrifices et de renoncement au luxe; des dirigeants capable "d'articuler un nouveau récit." À la question : « Un tel dirigeant existe-il? », Speth, laissant percer son penchant électoral, répond : « Attendez novembre. »

« Notre meilleur espoir de changement réside dans l'union de ceux qui se soucient de l'environnement, de ceux qui sont épris de justice et d'équité et de ceux qui aspirent à construire une solide démocratie politique », confie-t-il. « L'union de ces courants créera une force puissante et progressiste. Nous devons nous rappeler que nous appartenons tous à une communauté de foi partagée. Nous logeons tous à la même enseigne. Nous vivrons ou périrons ensemble. »   

À la fin de sa conférence, Speth s'est adressé directement aux étudiants dans l'auditoire et les a invités à passer à l'action.

« Ce monde est le vôtre. Mettez-vous à l'oeuvre avant qu'il ne soit trop tard. S'il y a une période dont vous devez vous inspirer, c'est celle des années 1960 et du mouvement pour les droits civils. Il y a eu alors des gens qui ont lutté, qui ont pris des risques. Quarante ans plus tard, je crois que le temps est venu de mettre nos pas dans ceux de Martin Luther King. »

« L'enjeu est trop grand pour rester dans les coulisses. »

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