Le succès d’une transplantation rénale : une question d’âge et de sexe?
« C’est la première étude qui se penche sur les différences de risque de rejet après une greffe d’organe, selon le sexe et l’âge du receveur », dit l’auteure principale de l’étude, la Dre Beth Foster, qui est chercheuse à l’IR-CUSM et néphrologue-pédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM. « Les études précédentes n'ont pas révélé de différences notables dans le succès de greffes entre les deux sexes, mais elles concernaient exclusivement des adultes, dont la plupart étaient plus âgés. Nous avons voulu vérifier si les différences attribuées au sexe dans la survie du greffon dépendent de l’âge. »
Les chercheurs ont évalué les dossiers de près de 160 000 receveurs de transplantation rénale dans la base de données du registre scientifique des receveurs d’organes (The Scientific Registry of Transplant Recipients en anglais), qui inclut tous les receveurs d’organes aux États-Unis. Les chances de succès de la transplantation ont été évaluées en fonction de l’âge et du sexe du receveur et du donneur.
«Nous avons constaté que lorsque le donneur d’organe était de sexe masculin, le risque de rejet de la greffe était plus fort pour les femmes que pour les hommes, tout âge confondu », explique Fanny Lepeytre, première auteure de cette étude et chercheuse postdoctorante au CRCHUM pour ce projet. « Cependant, nous avons aussi remarqué que lorsque le donneur était une femme, seules les femmes receveuses âgées de 15 à 24 ans avaient des moins bons résultats que leurs homologues masculins. En fait, les femmes receveuses d’organes âgées de 45 ans et plus avaient un taux de survie de greffon légèrement supérieur aux hommes du même âge lorsque le donneur était une femme. »
Le rôle des hormones sexuelles dans le succès des greffes
Ces résultats font émerger de nouvelles questions sur l’effet des hormones sexuelles sur le système immunitaire chez les receveurs de greffe.
« Certaines recherches, réalisées en dehors du domaine de la transplantation, ont montré que l’hormone sexuelle femelle, l’œstrogène, a tendance à activer le système immunitaire, alors que l’hormone sexuelle masculine, la testostérone, a tendance à le réprimer, explique la Dre Foster, également professeure agrégée de pédiatrie à l'Université McGill. Chez les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans, le taux d’œstrogène est au niveau le plus élevé. Le fait qu’elles présentent un risque de rejet plus important que les hommes ou les femmes de tout autre groupe d’âge suggère que l’œstrogène serait en cause. Cela pourrait expliquer pourquoi les femmes âgées de 45 ans et plus, qui sécrètent moins de cette hormone, ont un plus faible risque d’échec après une greffe. »
Les chercheurs soulèvent une autre explication. Il est possible que les hormones sexuelles influencent le mode d’action des traitements antirejet, rendant ces derniers moins efficaces chez les femmes que les chez hommes.
Cette étude observationnelle met en lumière les lacunes des connaissances concernant l’influence du sexe biologique, du genre et de l’âge sur le système immunitaire, la transplantation, et les soins de santé de manière générale.
« Nous devons essayer de mieux comprendre quels sont les facteurs biologiques et sociaux qui influencent le succès d’une greffe, dit la Dre Foster. Aujourd’hui, quand vient le temps d’allouer un organe pour une transplantation, nous traitons les femmes, les hommes, les filles et les garçons de la même manière. Une meilleure compréhension des variables en jeu pourrait potentiellement nous aider à mettre au point des stratégies immunosuppressives spécifiques à l’âge et au sexe, pour améliorer les transplantations en réduisant les risques de rejet de l’organe greffé. »
Au sujet l’étude : l’étude intitulée Association of Sex with Risk of Kidney Graft Failure Differs by Age a été publiée dans le Journal of the American Society of Nephrology et co-écrit par Fanny Lepeytre, Mourad Dahhou, Xun Zhang, Julie Boucquemont, Ruth Sapir-Pichhadze, Heloïse Cardinal et Bethany J. Foster.
Pour en savoir plus, consultez l’étude. DOI: 10.1681/ASN.2016121380
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