Nos cellules immunitaires n’auraient pas la dent sucrée
On estime actuellement à 1,5 million le nombre d'espèces de champignons sur terre, mais un seul, connu sous le nom d’Aspergillus fumigatus, est responsable des aspergilloses humaines.
L’aspergillose est une maladie dévastatrice qui peut tuer jusqu’à 90 % des patients dont le système immunitaire est affaibli ou qui sont atteints d’une maladie pulmonaire. Jusqu’à présent, les chercheurs étaient incapables d’expliquer la virulence de ce champignon, mais une découverte récente, réalisée par une équipe de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), explique pourquoi cet organisme serait plus dangereux que ses congénères. Les résultats de l'étude, qui a été publiée dans la revue PLOS Pathogens, pourraient changer la donne en ce qui a trait aux traitements des patients atteints d’aspergillose invasive.
«Nous avons découvert qu’A. fumigatus développait une armure de sucre qui le protège des attaques des neutrophiles c’est-à-dire nos globules blancs et qui ont pour rôle de lutter contre les maladies, dit le Dr.Donald Sheppard, directeur de la division des maladies infectieuses du CUSM et professeur au département de médecine et de microbiologie et au département d’immunologie de l’Université McGill.C’est une découverte importante, puisque nous ne savions pas jusqu’à présent pourquoi A. fumigatus se montrait si virulent chez certains patients, et nous sommes désormais en train de développer des médicaments qui agiraient contre cet armure de sucre.»
Réactions allergiques et infections des poumons à la clé
L’aspergillose est maladie due à un champignon du genre Aspergillusis qui est constitué de nombreuses espèces. Présent à l'intérieur comme à l'extérieur, la plupart des gens inspirent des spores de ce champignon quotidiennement sans tomber malades. Cependant, les personnes dont le système immunitaire est affaibli ou qui sont atteintes d’une maladie pulmonaire sont plus vulnérables aux problèmes de santé attribuables à l’espèce prédominante A. fumigatus. Ce type de champignon peut causer divers problèmes de santé comme des réactions allergiques, des infections pulmonaires et des infections sévères d’autres organes.
L’équipe du Dr. Sheppard a décidé d’explorer les caractéristiques qui favorisaient l’infection par A. fumigatus par rapport à celles des espèces d’Aspergillus moins pathogènes. Puisqu’ils avaient déjà identifié un sucre dans la paroi cellulaire, le GAG (le galactosaminogalactane), essentiel pour permettre à A. fumigatus de déjouer le système immunitaire de son hôte, les chercheurs ont voulu voir si des différences dans la production de GAG avaient un impact sur la capacité des espèces d’Aspergillus à provoquer des maladies. Ils ont réussi à rendre la souche d’A. fumigatus plus virulente en la manipulant pour lui faire synthétiser plus de GAG.
Comment les champignons échappent aux pièges
« Nous avons également observé que, grâce à son enrobage de sucre, A. fumigatus pouvait éviter les pièges tendus par les neutrophiles», explique le Dr. Sheppard. Les neutrophiles tuent les envahisseurs au moyen d’un réseau de pièges extracellulaires (NETs) composé d’ADN et de protéines. Les NETs servent à tuer les agents pathogènes envahissants, tels que les bactéries, mais cet enrobage de sucre semble protéger A. fumigatus.
« En effet, l’armure de sucre repousse les NETs et les empêche de s’accrocher, car les peptides -des petites molécules présentes à la surface des NETs et du GAG - sont chargés positivement et se repoussent mutuellement, ajoute le Dr. Sheppard. Maintenant que nous avons démontré que le GAG est essentiel dans le développement d’une infection pulmonaire aiguë par A. fumigatus, le fait de cibler cette armure de sucre serait une approche antifongique efficace chez certains patients. »
Financement
Cette étude était soutenue en partie par le fonds d’opération de Fibrose kystique Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada et la subvention R01AI073829 des National Institutes of Health des États-Unis. DCS était soutenu par un prix de chercheur-boursier du Fonds de recherche du Québec – Santé. MJL était soutenu par une bourse d’études de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.