Un antidiabétique pourrait « révolutionner » les traitements anticancéreux
Une découverte inattendue sur les lymphocytes T pourrait potentialiser les traitements anti-infectieux et anticancéreux
Des chercheurs de l’Université McGill et de l’Université de Pennsylvanie ont découvert qu’un antidiabétique largement utilisé peut stimuler le système immunitaire et potentialiser l’effet des vaccins et traitements anticancéreux. Les résultats de leur étude seront publiés dans le numéro de Nature du 3 juin.
Cette découverte est signée du Dr Russell Jones, professeur adjoint au Centre Goodman de recherche sur le cancer et au Département de physiologie de la Faculté de médecine de McGill, ainsi que de Yongwon Choi, Ph.D., professeur de pathologie et de médecine biologique et de la chercheure postdoctorale Erika Pearce, Ph.D., de l’Université de Pennsylvanie. Cette équipe de chercheurs a en effet découvert que la metformine, un antidiabétique très largement prescrit, augmente l’efficacité des lymphocytes T du système immunitaire et par voie de conséquence, l’efficacité des vaccins antiviraux et anticancéreux.
Les globules blancs du système immunitaire connus sous le nom de lymphocytes T se souviennent des pathogènes mis en cause lors d’infections ou de vaccinations antérieures, ce qui leur permet d’assurer une réponse plus rapide et plus efficace en cas de réinfection. Cette « mémoire immunologique » fait l’objet de recherches intensives depuis plusieurs années mais jusqu’à présent, les mécanismes cellulaires qui la sous-tendent n’avaient pas été complètement élucidés. Aujourd’hui, les chercheurs affirment qu’ils peuvent utiliser les traitements antidiabétiques pour manipuler la réponse des lymphocytes T et accroître la réponse du système immunitaire aux infections et au cancer.
« Plusieurs des gènes qui interviennent dans la régulation du diabète jouent aussi un rôle dans la progression du cancer », explique le docteur Jones. « Un grand nombre de données laisse par ailleurs penser que les diabétiques sont davantage sujets à certaines formes de cancer. Néanmoins, notre étude est la première à suggérer qu’en ciblant les mêmes voies métaboliques jouant un rôle dans le diabète, on peut altérer positivement la capacité de réponse du système immunitaire ».
« Nous avons découvert par hasard que la manière dont les lymphocytes T métabolisent ou brûlent les acides gras après le pic infectieux est essentiel dans l’établissement de la mémoire immunologique », ajoute Erika Pearce. « Nous avons utilisé la metformine, qui agit sur le métabolisme des acides gras, pour renforcer ce processus et avons démontré de manière expérimentale chez la souris que la metformine renforce la mémoire des lymphocytes T, tout en conférant l’immunité protectrice d’un vaccin anticancéreux expérimental ».
Il est rare que le cancer et le diabète soient évoqués sur un même plan. Pourtant, de récentes études ont mis au jour des points communs entre ces deux maladies, notamment en ce qui concerne le contrôle des voies métaboliques (ou réactions chimiques fondamentales au niveau des cellules). Ces données récentes laissent en effet penser qu’il existe un nouveau lien commun entre le dérèglement des voies métaboliques dans le cancer et le diabète et leur rôle dans la fonction immunitaire. Ces résultats suggèrent que des traitements antidiabétiques courants qui agissent sur le métabolisme cellulaire pourraient renforcer la mémoire des lymphocytes T et stimuler le système immunitaire. Cela pourrait se traduire par de nouvelles stratégies en matière de vaccination et de traitement anticancéreux.
« Ces résultats sont totalement inattendus, mais ils pourraient revêtir une grande importance et révolutionner les stratégies actuelles concernant les vaccins thérapeutiques et prophylactiques », souligne Yongwon Choi.