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Une étude jette la lumière sur une horloge génétique

Un partenariat international permet d’observer un mécanisme de découpage du temps intervenant dans la formation des vertèbres

Comment les embryons mesurent-ils le temps? 

Publié: 13 November 2012

Au fur et à mesure qu’ils se développement, les embryons de vertébrés forment les vertèbres selon un processus séquentiel régi par le temps. Les scientifiques ont déterminé que ce processus, appelé segmentation, est soumis au fonctionnement d’une horloge régie par l’oscillation de l’activité de certains gènes dans les cellules embryonnaires. Mais le phénomène à l’origine du fonctionnement de cette horloge n’a pas encore été complètement élucidé.   

Un nouveau partenariat interdisciplinaire entre des physiciens et des chercheurs en génétique moléculaire a permis aux scientifiques de mieux comprendre ce système biologique crucial de découpage du temps. Fruit d’une collaboration entre le professeur Paul François, de l’Université McGill, et la professeure Sharon L. Amacher, de l’Université d’État de l’Ohio, l’étude – qui a fait l’objet d’un article publié dans la revue scientifique Developmental Cell – jette la lumière sur le mécanisme de cette horloge en apportant des preuves visuelles et en temps réel de son fonctionnement à l’échelle des cellules individuelles.

Si de précédentes études avaient permis d’observer le phénomène d’oscillation dans des tissus embryonnaires murins, les chercheurs de McGill et de l’Université d’État de l’Ohio ont été en mesure de l’observer et de l’analyser au sein de cellules individuelles. Pour ce faire, ils ont modifié génétiquement le poisson zèbre, un poisson d’eau douce dont le corps est presque transparent au cours des premiers stades de son développement, ce qui facilite l’observation de ses caractéristiques anatomiques. Les chercheurs ont eu recours à un marqueur fluorescent chez le poisson transgénique et conçu des logiciels pour surveiller la concentration d’une certaine protéine « cyclique », dont la production augmente ou diminue en fonction de l’expression des gènes intervenant dans le fonctionnement de l’horloge moléculaire.

On sait que les cellules voisines communiquent entre elles au moyen d’un système de messagerie appelé « signalisation Notch ». Dans le cadre de leurs travaux sur le poisson zèbre, les chercheurs ont interrompu ce réseau de communication intercellulaire afin d’observer l’effet de cette intervention sur le mode d’oscillation au sein de cellules individuelles et de leurs voisines. 

Les travaux ont permis de constater que les concentrations cycliques de protéines dans les cellules individuelles du poisson zèbre continuaient d’augmenter et de diminuer, sans interrompre leur oscillation. Cependant, une fois la voie de transmission intercellulaire bloquée, les oscillations entre les cellules voisines n’étaient plus synchronisées. En d’autres mots, les horloges cellulaires continuaient de fonctionner, sans être à l’unisson. Cette découverte confirme que la voie de transmission du signal Notch assure la synchronisation des cellules – un rôle crucial, puisque ces dernières doivent agir de concert pour former les vertèbres.

L’observation d’embryons normaux de poissons zèbres a également permis aux chercheurs de démontrer que les cellules désynchronisent leurs oscillations lors de la division cellulaire pour se synchroniser de nouveau avec leurs voisines afin de former collectivement les vertèbres.

« Chez l’humain, les anomalies de la voie de transmission du signal Notch sont associées à la dysostose spondylocostale, terme qui regroupe un ensemble de troubles congénitaux du développement tels que la scoliose et le nanisme tronculaire causés par des malformations des côtes et des vertèbres », précise la professeure Amacher. « Des études telles que la nôtre pourraient ouvrir la voie à de nouveaux traitements ciblant diverses maladies. Dans l’organisme, de nombreuses cellules – comme les cellules souches et les cellules cancéreuses – sont vraisemblablement pourvues de systèmes oscillatoires qui dictent la réponse aux signaux environnementaux. En élucidant le mode de fonctionnement de ces horloges moléculaires, nous pourrons comprendre comment intervenir pour les modifier et, ainsi, faire varier le nombre de cellules oscillatoires qui répondent aux signaux de différentiation afin de faire progresser la recherche sur la biologie des cellules souches et du cancer, ainsi que le génie tissulaire.    

« La formation de la colonne vertébrale est très importante, car tout le reste en dépend », précise le professeur François, dont la formation de physicien lui a permis de mettre au point les outils informatiques nécessaires à l’analyse des séquences vidéo sur les embryons de poissons zèbres. Les travaux du professeur François portent principalement sur la modélisation des propriétés physiques et de l’évolution des réseaux génétiques – un domaine né de la fusion de la biologie et de la physique au cours des dernières années à la suite du séquençage du génome humain et d’une meilleure compréhension des processus intracellulaires par la communauté scientifique.  

Le professeur François a collaboré avec Émilie Delaune, boursière postdoctorale qui a mis au point l’outil d’imagerie et réalisé toutes les expériences à l’aide de ce dernier, et Nathan Shih, étudiant aux cycles supérieurs. La professeure Amacher, Émilie Delaune et Nathan Shih ont réalisé leurs travaux à l’Université de Californie à Berkeley. Émilie Delaune travaille maintenant à l’École normale supérieure de Lyon, en France.

Ces travaux de recherche ont été financés par l’Association française contre les myopathies, une bourse internationale « sortante » Marie-Curie, un Prix Pew, les Instituts nationaux de santé, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Regroupement québécois pour les matériaux de pointe.

 

 

 

 

 

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