Une équipe du Groupe de conception de logements à coûts minimaux (GCLCM) de l’École d’architecture se voit décerner l’un des prestigieux Prix nationaux de design urbain pour l’unicité de son projet de revalorisation de matériaux usagés dans le village nordique de Kuujjuaq : il s’agissait de concevoir et de construire un pavillon de sports extérieurs afin de mettre en valeur un espace public central. L’annonce en a été faite le 18 octobre dernier.
Le projet Hackathon 2017 de Kuujjuaq a remporté le Prix de design urbain dans une petite ou moyenne communauté. « Ce projet a mis à profit une approche de suprarecyclage collaboratif qui permet de réduire la quantité de déchets du dépotoir ainsi que la consommation d’énergie, tout en célébrant la culture régionale du bricolage créatif afin de construire une structure publique accueillante », écrit l’Institut royal d’architecture du Canada.
Le projet a été mené par Vikram Bhatt, le directeur du GCLCM, David Harlander, qui terminait à l’époque du Hackathon une maîtrise en architecture et Susane Havelka, qui venait d’obtenir un doctorat en architecture. Le Hackathon de Kuujjuaq a été réalisé grâce au soutien financier du projet du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada intitulé Habiter le Nord québécois, de l’École d’architecture Peter Guo-hua Fu de l’Université McGill et du village de Kuujjuaq.
La construction et ses défis
La construction de bâtiments dans une communauté éloignée comme celle de Kuujjuaq pose de nombreux défis. Il n’y a aucune route d’accès depuis le sud du Québec et les coûts du transport des matériaux de construction sont plus du double de ce qu’ils sont ailleurs dans la province. Les étés sont de courte durée, et la saison de construction est plus brève. De plus, la communauté n’a accès ni à l’équipement essentiel, ni à de la main-d’œuvre qualifiée.
Plus de 60 résidents de Kuujjuaq ont travaillé de concert avec une équipe interdisciplinaire de designers du Groupe de conception de logements à coûts minimaux de McGill lors du Hackathon afin de surmonter ces défis par la revalorisation créative de matériaux trouvés dans le dépotoir du village. En cinq jours, les participants ont conçu et construit une structure communautaire extérieure visant à améliorer l’attrait des activités récréatives.
Selon les organisateurs du projet du Groupe de conception de logements à coûts minimaux, « le Hackathon constitue un précédent qui incitera les gouvernements, les écoles et les architectes à adopter une approche fondée davantage sur la collaboration au regard de l’établissement de politiques et du leadership en design dans le nord du Canada. Il a permis de mettre en valeur la riche culture du bricolage créatif déjà très présente au Nunavik. »
D’une superficie de 75 mètres carrés, le nouveau pavillon de sports extérieurs toutes saisons se situe entre une patinoire et un terrain de baseball. En plein cœur du village, il en accueille régulièrement les événements publics extérieurs. Ce lieu comprend désormais des gradins extérieurs qui créent un abri derrière le terrain de baseball, un abri pour la patinoire, une scène de spectacle entre la patinoire et le terrain de baseball et une tour dotée d’un projecteur d’où il est possible d’annoncer les événements au public.
Le Hackathon de Kuujjuaq illustre le rôle de la culture de revalorisation créative collaborative dans l’aménagement urbain des villages nordiques. Tout à fait dans l’esprit des « hacks », qui ont prouvé que la réutilisation et le recyclage de pièces mises au rebut et de technologies existantes permettent d’améliorer considérablement la vie quotidienne, les participants ont tellement fouillé dans le dépotoir du village à la recherche de matériaux réutilisables que ce dernier est désormais surnommé le « Canadian Tire » des lieux.
Tout un état d’esprit
Dans leur évaluation, les juges ont fait l’éloge de l’ingéniosité du projet, qui, selon eux, démontre que « l’état d’esprit de détournement de matériaux de leur fonction primaire et de suprarecyclage occupe une place légitime dans la conversation sur l’espace public ».
Ils poursuivent en disant que « cette collaboration fructueuse entre les étudiants de McGill et les résidents du village nordique de Kuujjuaq promeut et incarne des projets qui sont essentiels à la fois pour l’embellissement graduel des communautés et pour l’amélioration de la connaissance des défis auxquels les Premières Nations du Canada doivent faire face, particulièrement en matière de cadre bâti. »
« Les matériaux et autres éléments recyclés constituent la matière première d’un projet qui repose davantage sur la bonne volonté que sur l’investissement financier. De toute évidence, ce n’est pas un antidote aux conditions de vie d’une population appauvrie, mais une manifestation inspirante d’un espace public décent, particulièrement pour les jeunes. »
Les Prix nationaux de design urbain sont remis dans le cadre d’un programme biennal canadien de récompenses mis en œuvre en 2006 par l’Institut royal d’architecture du Canada, l’Institut canadien des urbanistes et l’Association des architectes paysagistes du Canada. Ce programme met en valeur l’excellence en design urbain et sensibilise le public à l’importance du rôle du design urbain pour la durabilité et la qualité de vie au sein des villes canadiennes, en plus de reconnaître les contributions de personnes, d’organismes, d’entreprises et de projets.