Un rêve de recherche arctique

À la suite d’une formation hivernale en Norvège, une doctorante envisage sous un nouveau jour ses travaux sur les glaces de mer flottantes et sur les courants océaniques

Imaginez un endroit où les ours polaires sont aussi nombreux que les gens et où les rênes gambadent dans les rues comme les écureuils le font à Montréal. Bienvenue au Svalbard, archipel norvégien situé à tout juste 1 000 kilomètres du pôle Nord. Imaginez maintenant que vous vous rendiez là-bas dans le cadre de vos études à McGill.

C’est exactement ce qu’a vécu Lizz Webb, doctorante au Département des sciences atmosphériques et océaniques, qui a passé une semaine au Svalbard plus tôt cette année pour suivre la formation de l’École d’hiver sur les interactions entre l’atmosphère, l’océan et les glaces de mer (Winter School on Atmosphere-Ocean-Sea Ice Interaction Processes). Lizz s’intéresse aux effets de la présence de glaces de mer flottantes sur de grands courants océaniques qui régulent le climat de la planète. La formation hivernale, organisée par la Norwegian Research School on Changing Climates in the Coupled Earth System (CHESS), correspondait parfaitement à ses champs d’intérêt et lui offrait une chance incomparable d’étudier l’objet de ses recherches dans un cadre interdisciplinaire et dans une partie du monde extraordinaire.

« Tout mon travail se fait sur ordinateur, dans un bureau, et jamais en Arctique, déclare-t-elle. La visite des lieux en personne plutôt que sur un écran m’a ouvert de toutes nouvelles perspectives. »

Attention, ours polaires

Lizz a emprunté l’un des itinéraires « les plus courts » – via Reykjavik et Oslo – mais il lui aura tout de même fallu environ 32 heures pour se rendre au Svalbard à partir de Toronto. Et dès son arrivée à l’aéroport de Longyearbyen, elle a aperçu l’animal emblématique de la région.

« Il y avait un ours polaire en peluche au centre du carrousel à bagages. Je me suis dit “J’ai vu un ours, c’est super!” », ajoute l’étudiante, sourire en coin.

Aux alentours de Longyearbyen, principale agglomération du Svalbard, les risques de rencontre avec un vrai ours polaire sont si élevés que personne ne s’éloigne de la ville sans un fusil ou un autre moyen de faire fuir un ours affamé.

Les yeux rivés sur le point de bascule

Lizz Webb approche un renne à Longyearbyen
Lizz Webb approche un renne à Longyearbyen. Crédit : Bimochan Niraula

Pour ses recherches, la doctorante combine ses connaissances en mathématiques appliquées et sa passion de l’eau. Son projet de doctorat porte sur le gyre de Beaufort, gigantesque tourbillon d’eau qui engloutit une quantité exceptionnellement grande d’eau douce provenant de la fonte de glaces de mer et du ruissellement continental dans une région océanique bordée par le Canada, l’Alaska et la Russie.

« Le sens de rotation du gyre de Beaufort change habituellement tous les cinq à sept ans, explique l’étudiante, mais le dernier changement a eu lieu il y a plus de 20 ans. »

« Actuellement, le gyre contient plus d’eau douce que tous les Grands Lacs réunis. S’il venait à libérer ne serait-ce que 5 % de cette eau, nous assisterions à un phénomène similaire à celui qui s’est produit dans les années 1970. Connu sous le nom de “grande anomalie de salinité”, cet événement a donné lieu à des hivers très rudes dans le nord de l’Europe et a eu des répercussions sur les pêches et sur la salinité des océans partout dans le monde. »

Les changements climatiques jouent probablement un rôle dans l’accumulation anormale d’eau douce dans le gyre de Beaufort. La fonte des glaces de mer attribuable au réchauffement des températures est l’un des facteurs de cette accumulation et, selon les scientifiques, la fonte de la glace terrestre pourrait également perturber les courants océaniques.

« Certaines personnes pensent que la rotation du gyre n’a pas changé de sens à cause de l’immense quantité d’eau douce provenant de la calotte glaciaire du Groenland. On présume que la quantité excessive d’eau douce qui se déverse dans le nord de l’océan Atlantique a désactivé le mécanisme responsable de l’inversion du sens de rotation du gyre de Beaufort. »

Les travaux de Lizz s’inscrivent dans une grande étude scientifique axée sur les mécanismes qui pourraient causer un changement du sens de rotation du gyre et provoquer un déchargement massif d’eau douce. Ses recherches portent principalement sur les glaces de mer flottantes et sur la résistance qu’elles exercent sur le gyre. Ce sujet retient de plus en plus l’attention des scientifiques qui examinent les facteurs influant sur les quantités d’eau douce absorbées et rejetées par le gyre.

« Jusqu’ici, les études ont porté sur ce qui se passe à la surface, précise la doctorante. Je m’intéresse également à l’effet qu’ont les glaces de mer flottantes sur la colonne d’eau. »

Les recherches de Lizz Webb portent sur l'effet de la glace flottant sur les courants océaniques

Une perspective interdisciplinaire précieuse

Lizz Webb fait partie des 31 doctorantes et doctorants d’Europe et d’Amérique du Nord qui ont eu la chance de participer à l’École d’hiver du Svalbard cette année et, ainsi, de travailler avec des spécialistes du domaine pendant une semaine. Les étudiantes et étudiants ont assisté à huit heures de cours par jour et ont présenté leurs propres projets lors de séances de communication par affiches. Cette expérience a rappelé à Lizz l’importance d’une approche interdisciplinaire dans l’étude d’un système complexe comme celui qui l’intéresse.

« J’ai eu accès à des personnes qui sont habituellement très difficiles à joindre, et des spécialistes de différents domaines touchant l’Arctique ont commenté mon projet de recherche. »

« En recherche, c’est très facile de se concentrer sur un aspect qu’on maîtrise. Cette formation m’a rappelé à quel point il était important de voir les choses sous différents angles. »

Soutien à McGill

Lizz tient à remercier ses directeurs de recherche, Bruno Tremblay et David Straub, qui l’ont incitée à s’inscrire à l’École d’hiver. Noémie Planat, doctorante au sein du groupe de recherche du Pr Tremblay, était également du voyage.

Environ la moitié des dépenses de Lizz ont été couvertes par une bourse de participation à des activités savantes, remise par la Faculté des sciences pour encourager les membres du corps professoral, les étudiantes et étudiants ainsi que les membres du personnel à partager leurs connaissances avec leurs pairs à l’occasion de conférences universitaires. Les Bourses de participation à des activités savantes (SECA) sont l’une des nombreuses formes de soutien offertes aux membres de la communauté mcgilloise qui souhaitent parfaire leur apprentissage au Canada ou à l’étranger. Les étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs désireux de suivre une formation à l’étranger peuvent notamment poser leur candidature à une bourse de mobilité.


Consultez le site Web du Bureau des études supérieures et postdoctorales pour tout savoir sur les Bourses de mobilité pour les étudiants aux cycles supérieurs et sur les nombreuses autres aides financières.

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