Charles Taylor, lauréat du Prix Templeton
Le philosophe mcgillois est le premier Canadien à remporter cette distinction convoitée
Le professeur de l’Université McGill Charles Taylor, philosophe canadien le plus réputé mondialement et autorité reconnue à l’échelle internationale en ce qui a trait aux questions entourant les défis liés à la conciliation des dimensions sociales laïques et spirituelles, a remporté le Prix Templeton pour l’année 2007.
Le Prix Templeton, qui récompense le progrès de recherches ou de découvertes dans le domaine des réalités spirituelles, est accompagné de 800 000 livres sterling (environ 1,5 million de dollars US). Il s’agit du plus important prix en argent remis à un individu. Le nom du lauréat a été annoncé le 14 mars, lors d’une conférence de presse tenue au Church Centre for the United Nations par la Fondation John Templeton, qui décerne ce prix depuis 1973.
La valeur du Prix Templeton est établie dans le but d’excéder celle du prix Nobel, conformément aux convictions du mécène. En effet, l’inventeur et philanthrope britannique Sir John Templeton croyait que l’exploration et les découvertes spirituelles étaient d’importance égale ou supérieure à celle des réalisations de l’humain. Le duc D’Édimbourg présentera officiellement le prix – dont Charles Taylor est le premier lauréat canadien – lors d’une cérémonie privée qui aura lieu au Palais de Buckingham, le 2 mai prochain. Parmi les récipiendaires des années précédentes, mentionnons le révérend Billy Graham, Aleksandr Solzhenitsyn et Mère Teresa.
« C’est un immense honneur pour moi que d’avoir été choisi comme lauréat du Prix Templeton. Je crois que l’objectif visé par Sir John Templeton est, à notre époque, d’une importance exceptionnelle et d’une pertinence confirmée. Il nous faut abolir les barrières qui séparent la culture scientifique et les disciplines des domaines des études universitaires, d’une part, et de la spiritualité, d’autre part. Cela a été l’un des objectifs premiers de mon approche intellectuelle et sa reconnaissance me remplit à la fois de joie et d’humilité », a exprimé le Pr Taylor au moment de l’annonce.
Âgé de 75 ans, Charles Taylor a joint les rangs du Département de sciences politiques de l’Université McGill en 1961, et de son Département de philosophie en 1973. Au cours de sa carrière de philosophe et d’intellectuel public qui s’est échelonnée sur une période de 45 années, le Pr Taylor a produit quelques-uns des ouvrages occidentaux les plus déterminants sur la moralité, l’identité des individus et des groupes, de même que sur la culture politique de la modernité. Titulaire d’un baccalauréat (1952) de l’Université McGill, M. Taylor a poursuivi des études à l’Université d’Oxford à titre de boursier Rhodes, et y a obtenu un baccalauréat (1955), une maîtrise (1960), ainsi qu’un doctorat en philosophie (1961). À l’Université d’Oxford, il a étudié sous la supervision d’Isaiah Berlin et de G. E. M. Anscombe. De son ancien étudiant, le Pr Berlin a dit « quoique l’on puise penser de ses principales convictions, celles-ci contribuent immanquablement à élargir les horizons de celui qui lit ses travaux, qui assiste à ses conférences ou qui discute avec lui ».
Charles Taylor a succédé à Isaiah Berlin au poste de professeur titulaire de la Chaire Chichele de théorie sociale et politique à l’Université d’Oxford et a œuvré pendant plusieurs années comme professeur de sciences politiques et de philosophie à l’Université McGill. Lauréat du prix Léon-Gérin du Québec en 1992, il a été nommé compagnon de l’Ordre du Canada en 1995 et grand officier de l’Ordre national du Québec en 2000. Auteur d’au-delà d’une douzaine d’ouvrages et d’une série d’essais publiés, Charles Taylor a prononcé de nombreuses conférences. Il enseigne le droit et la philosophie à l’Université Northwestern, à Evanston, en Illinois, et est professeur émérite du Département de Philosophie de l’Université McGill.
Le mois dernier, à la suite d’incidents dans le cadre desquels les habitudes religieuses et culturelles de nouveaux arrivants se sont confrontées aux coutumes québécoises, le premier ministre Charest a décidé de nommer Charles Taylor à titre de coprésident d’une commission chargée d’explorer ces questions et d’encadrer la tenue d’un débat entourant l’accommodement raisonnable des minorités religieuses et culturelles de la province.
« Les discussions auxquelles le Québec participe à l’heure actuelle ont également lieu dans de nombreuses sociétés occidentales. Il est extrêmement important qu’elles se tiennent de façon raisonnée et dans un cadre exempt de stéréotypes et d’hostilité. Je crois que la Commission nous permettra de canaliser le débat et de favoriser l’échange, tout en évitant de créer des scissions, comme cela a été le cas ailleurs », a mentionné le Pr Taylor au moment de sa nomination. Des consultations sont prévues à l’automne 2007, aux quatre coins de la province.
Au cours de sa carrière, Charles Taylor a soutenu que le fait de respecter exclusivement des points de vue laïques ne peut mener qu’à des résultats morcelés et erronés. Le Pr Taylor a décrit l’adoption d’une telle approche comme paralysante et freinant la transmission de points de vue cruciaux, susceptibles de venir en aide à une communauté mondiale de plus en plus exposée à des affrontements en matière de culture, de moralité, de nationalité et de religion. L’ouvrage le plus connu du Pr Taylor, Les sources du moi - La formation de l’identité moderne (1989), est une réflexion à caractère philosophique portant sur l’histoire et l’individu. Né à Montréal d’une mère francophone et d’un père anglophone, Charles Taylor attribue son intérêt pour de telles questions au fait d’habiter depuis son enfance une ville biculturelle et d’avoir entrepris sa carrière à McGill.
« McGill est un lieu où existe une forme exceptionnelle de multiculturalisme, où œuvrent des gens des quatre coins du monde. C’est une institution qu’ont choisie des étudiants qui auraient fort bien pu étudier ailleurs, mais qui savent qu’ici, leurs questions seront entendues. Mes étudiants et mes professeurs m’ont amené où je suis; ce sont leurs questions qui m’ont incité à emprunter de nouvelles directions », a souligné le Pr Taylor.
Charles Taylor habite Montréal, avec son épouse Aube Billard, une historienne de l’art. Il vit présentement à Evanston, en Illinois. Le Pr Taylor a indiqué qu’il utiliserait le Prix Templeton pour faire avancer ses études sur la relation du langage et de la signification linguistique en rapport avec l’art et la théologie, et pour élaborer de nouveaux concepts associant les sciences humaines aux sciences biologiques.
Site Web :
La Fondation John Templeton