Soins palliatifs et dignité pour les sans-abris

Beaucoup d’entre nous ne peuvent pas imaginer qu’un grand nombre de sans-abris ou de personnes mal logés et ayant besoin de services essentiels se trouvent dans les grandes villes du Canada, y compris Ottawa. Il est également difficile de concevoir que la population des sans-abris augmente chaque année, et qu’il y a de plus en plus de personnes vulnérables pour qui « le foyer » le plus stable et le plus chaleureux est un refuge. Qu’arrive-t-il à cette population fragile quand elle se trouve en fin de vie?

Aux dires de Lynn Landis, la directrice des services de santé à la Mission d’Ottawa, il faut offrir aux sans-abris des services qui répondent à leurs besoins spécifiques. Ces personnes souffrent souvent de comorbidités complexes et chroniques, ont un taux élevé de mortalité et meurent plus jeunes que la population en général. En raison d’un ensemble de problèmes en fin de vie (physiques, psychosociaux, dépendances, maladies liées à des traumatismes), les sans-abris ne cadrent souvent pas avec un milieu de soins traditionnel.

Le modèle de soins palliatifs multidisciplinaires à la Mission d’ Ottawa consiste en « un cercle de soins » qui offre un support médical et psychosocial conçu pour répondre aux besoins des sans-abris. Il s’agit de comprendre ces besoins spécifiques et y répondre en traitant avec dignité les membres les plus vulnérables de la société.

Les soins palliatifs dans un refuge demeurent encore une initiative pionnière et le modèle à la Mission d’Ottawa est une source d’inspiration pour d’autres refuges. Jusqu’en 2018, la Mission d’Ottawa était le seul refuge au Canada à offrir des soins palliatifs.

“Notre population a mené une vie de lutte contre la maladie mentale, la dépendance et a besoin d’un type de soins différent, de personnes compréhensives qui la traitent, surtout en fin de vie, avec la dignité et le respect qu’elle mérite. Nos clients ont mené une vie difficile avec une famille soit dysfonctionnelle ou de laquelle ils sont séparés. Notre rôle est d’assurer ce cercle familial à leur dernière heure. Quand je parle de dignité, je veux dire que nous offrons plus qu’un soin médical. Nous offrons un cercle affectueux et attentionné, nous recrutons des bénévoles afin d’accorder à chaque client un soin en tête à tête, pour lui parler, lui assurer une présence en ses derniers moments et briser son isolement».

La Mission offre depuis 40 ans un soutien exhaustif (un refuge, de la nourriture, des soins médicaux, un soutien à l’emploi) à des femmes et à des hommes sans-abris. Toutefois, le programme des soins palliatifs n’a vu le jour qu’en 2001, lorsque plusieurs clients du refuge ont souffert du SIDA. Or, suite à un cas navrant où un des clients réguliers est mort dans un hôpital contrairement à sa volonté, à celle du personnel de l’hôpital et à celle de la Mission, Diane Morrison, la directrice de l’époque, a constaté l’échec de ce système et fut motivée à travailler en collaboration avec un nouveau partenaire de la Mission, Ottawa Inner City Health, à créer les services de soins palliatifs

« À l’époque de la crise du SIDA, plusieurs clients du refuge souffraient énormément de cette maladie. Un des nos clients typiques était hospitalisé pour des soins de fin de vie. Il avait des comportements difficiles à contrôler comme fumer dans son lit d’hôpital, tirer son intraveineuse et insulter le personnel soignant. Il défiait tout le monde et le personnel infirmier avait beaucoup de difficulté à prendre soin de lui. Il ne voulait pas se trouver à l’hôpital, il avait même essayé de s’enfuir mais devait revenir en raison de son état de santé. Notre directrice générale, Diane Morrisson, a alors acheté un lit d’hôpital, l’a fait installer dans la chapelle et notre équipe a pris soin du client. Mais quand son état s’est détérioré et sa mort était imminente, il a été retransféré à l’hôpital où il est mort deux semaines plus tard. Mme Morrisson affirma alors ‘ Plus jamais nous ne revivrons cette situation’. La Mission fit équipe avec Ottawa Inner City Health, un organisme créé à la même période, pour offrir des soins médicaux aux sans-abris et aux membres vulnérables de la communauté, et c’est ainsi que nous avons collaboré à la création de l’hospice. »

L’hospice de la Mission d’Ottawa a entamé ses services en 2001 avec 4 lits. Aujourd’hui, il est constitué d’une unité de 3 étages avec 7 lits chacun, et où chaque étage est destiné à différents niveaux de soins variant des soins palliatifs chroniques, où les clients ont un certain niveau d’autonomie et de mobilité, aux derniers soins de fin de vie où une observation rigoureuse est requise.

Sur une base quotidienne, un(e) infirmier(e) autorisé ainsi que trois intervenants formés en santé mentale et en dépendance sont disponibles pour apporter du support efficace aux infirmier(e)s et aux clients. Les bénévoles jouent également un rôle important à différents niveaux, y compris le soutien psychologique.

En plus des services de soins palliatifs, la Mission d’Ottawa célèbre un service commémoratif pour chaque client décédé. Ce service est offert à la famille, aux amis ainsi qu’au personnel de la Mission.

«Cette population, nos clients, a connu beaucoup de traumatisme et de difficulté dans la vie. Quand le voyage arrive à son terme et où on se sent le plus isolé, nous intervenons pour leur offrir un temps de soins, de non-jugement et de dignité. Il est primordial pour nous selon nos principes de prendre soins des plus démunis. Constater l’engagement de nos partenaires et leur volonté de s’unir pour prodiguer un excellent service et un cercle de soins, me pousse à espérer voir nos services reproduits partout pour aider les personnes qui ont connu les plus grands défis de la vie.

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