Maison du Père

À la Maison du Père : des soins palliatifs pour ne pas oublier personne

Entretien avec ​Monsieur François Boissy, Président-Directeur Général de la Maison du Père
 

Monsieur Boissy, parlez-moi un peu de la Maison du Père.

La Maison du Père a pignon sur rue depuis plus de 50 ans à Montréal. Depuis les cinquante dernières années, elle est un refuge pour les hommes sans-abri. Elle offre plus de 1000 repas chauds par jour, des soins d’hygiène et un vestiaire pour les couvrir de chaleurs humaines. Notre mission va au-delà du service de gîte. Nous fournissons de l’appui pour les sortir de l’itinérance par des programmes de réinsertion et d’accompagnement social. En temps normal, la Maison offre un hébergement d’urgence à 194 personnes, tout en encourageant une réinsertion sociale. Présentement, elle a dû réduire le nombre de lits à 96 étant donné de la pandémie. Par l’hébergement d’urgence, nous sommes impliqués dans les lits à l’hôpital Royal-Victoria pour les personnes en attente d’un résultat pour la COVID-19. Pour plusieurs hommes en situation d’itinérance, la Maison du Père représente un point d’ancrage, un lieu sécuritaire où l’être humain peut retrouver sa dignité. Elle facilite aussi le maintien en logement à près de deux cents autres itinérants avec un accompagnement personnalisé dans des logements sociaux.

Pour répondre aux besoins particuliers des itinérants qui vivent une forme de vieillissement prématuré, une résidence de personnes âgées accréditée leur est offerte. Ainsi, la résidence pour aînés J.A. DeSève a ouvert ses portes en 1988 pour les personnes de 55 ans et plus. À coût modique, elle permet à quelque quatre-vingt-sept aînés de bénéficier d’un hébergement à long terme dans une chambre privée, pour ceux ne pouvant plus se loger seuls. La majorité des résidents souffrent d’une maladie mentale (70%) ou d’une maladie chronique (83%) et n’ont pas de réseau familial ou social pour les soutenir. Notre personnel assure le service de fiducie (prise en charge financière) et les services administratifs (déclaration de revenu, préparation de testament et préarrangements funéraires pour une fin de vie digne.

Avec nos 113 employés réguliers et plus de 125 bénévoles, nous offrons le couvert et le gîte mais surtout un suivi psychosocial pour une reprise en mains. La pandémie a eu un impact sur le nombre de nos bénévoles. Nous avons perdu 75% de nos bénévoles en raison de leur âge ou leur état de santé. La Maison du Père est en recrutement de personnel et de bénévoles. Malgré la pandémie, la sécurité et la santé de nos bénéficiaires sont au cœur de notre action. Ainsi, nous avons déployé une clinique de dépistage de la COVID-19 sur les lieux pour faciliter leur prise en charge.
 

En quelques mots, quels sont les services que vous offrez à cette clientèle?

Sur une base quotidienne, nous accueillons près de 225 personnes par jour. Sur une année, nous aidons plus de 1550 différentes personnes qui représentent autant d’accompagnements individualisés. Plus qu’un refuge, nous sommes un centre de référencement. Avec nos services d’accompagnement en logement, nous faisons le suivi à l’extérieur de nos murs dans la recherche de logement et d’un travail. Nous suivons ainsi environ 250 personnes en suivi à long terme.

Argon, est le premier chien d’assistance à travailler pour le bien-être des personnes itinérantes. Il fut formé par la Fondation Mire. Il désamorce les crises, réconforte les hommes en détresse, favorise les échanges avec les intervenants et permet à plusieurs usagers de sortir de leur isolement.

Il y a tellement de programmes pour aider nos personnes. Il y a le comptoir service bancaire pour que les personnes puissent encaisser leur chèque au début du mois. Au niveau civique, des bureaux de scrutin pour élections municipales et fédérales et des cliniques d’impôt sont des services importants pour garder leurs droits comme citoyens. Les services cliniques, telle la vaccination, sont amenés à la proximité des personnes en itinérance. Nous sommes partenaires avec la SARCA qui les encadrent dans leur parcours pour faciliter un retour aux études et une reconnaissance de leurs acquis. Des services juridiques les soutiennent dans leurs démarches de régularisation de leur statut par la prise d'ententes de travaux compensatoires ou de paiement. Pour travailler en amont, il y a aussi des projets avec la police pour éviter la judiciarisation des personnes itinérantes.

Le retour à l’emploi fait aussi partie de la réinsertion sociale. Les intervenants de la Maison du Père les accompagnent pour la préparation de leur curriculum vitae, de leur entrevue, etc. Ils offrent des conseils pour la recherche d’emploi. Le Vestiaire et les services de coiffure sont un complément à cette démarche. Pour les soutenir financièrement, le programme PAAS Action, en partenariat avec Emploi-Québec, permet aux bénéficiaires de recevoir une allocation gouvernementale. Nos collaborations avec les organismes communautaires leur permettent d’acquérir une expérience de travail par des contrats ponctuels.

Les personnes en situation d’itinérance ont des barrières d’accès aux services de santé : tel que le maintien de leur carte RAMQ, le respect des rendez-vous médicaux et l'adhésion aux traitements. Le service de soins de santé de proximité de la Maison du Père sait composer avec cette complexité. Avec une unité de huit places pour la convalescence, leurs soins se sont adaptés à leur réalité. Notre équipe clinique s’assure le bilan de santé de tous les participants au programme de réinsertion sociale et coordonne leur référencement vers les ressources appropriées. Ayant une connaissance fine des besoins de cette clientèle, la Maison du Père offre un accompagnement personnalisé. Les intervenants doivent être flexibles pour répondre aux problématiques de toxicomanie et de santé mentale.
 

Parlant de soins de santé, comment les soins palliatifs se sont développés à la Maison du Père?

L’origine du projet est venue par le témoignage de nos résidents. En discutant de leur parcours avec ces hommes, nous nous sommes rendu compte que l’accompagnement se terminait abruptement lors de leur hospitalisation pour les soins palliatifs. En fin de vie, ils se retrouvaient hospitalisés, coupés du réseau de soutien que nous leur offrions. Certains hommes refusaient même l’hospitalisation pour ne pas mourir seuls à l’hôpital et préféraient un maintien dans leur milieu de vie. Nous avons des bénévoles qui font le suivi à l’hôpital mais ce n’était pas suffisant.

S’inspirant des maisons de soins palliatifs existantes, nous avons bâti ce projet en collaboration avec les partenaires de la communauté : la Société des soins palliatifs du Grand Montréal et le département d’oncologie du CHUM. Avec ce dernier, nous avons des conversations pour faciliter le congé de l’hôpital dans nos deux chambres de soins palliatifs.

 

En plus de notre personnel clinique, nous avons des bénévoles formées en soins palliatifs et de fin de vie. Notre personnel s’attarde à la gestion de symptômes mais aussi à la réunification avec les membres de la famille. Parmi nos premières histoires, une bénévole s’est assise auprès d’un bénéficiaire et lui a demandé des informations sur sa famille. Par la suite, elle a fait des recherches et elle a organisé des rencontres en virtuel. Ces accompagnements ont été très touchants pour la personne en fin de vie, sa famille et le personnel.

Comme la majorité des hommes que nous accompagnons sont sans famille ou réseau social aidant, la Maison du Père voit aux arrangements funéraires. Au cours d'une année, les Trinitaires célèbrent près de 35 funérailles avec une cérémonie dans la chapelle. À la Maison du Père, personne ne doit partir oubliée.

Pour toutes ces raisons, c’est pourquoi qu’en 2016, elle a ajouté deux chambres de soins palliatifs à son offre de services. Nous offrons aux hommes la possibilité d’être maintenus le plus longtemps possible dans leur milieu de vie naturel, auprès des gens qu'ils aiment, afin qu'ils puissent mourir dans la dignité, au même titre que tous les Canadiens.
 

Je vous remercie de votre temps. Un dernier mot pour conclure?

Nous encourageons les gens à donner de leur temps ou à faire un don. L’itinérance à Montréal est l’affaire de tous. Lorsque vous donnez à la Maison du Père, vous aidez une communauté de soutien qui est au cœur de la ville. Merci de nous soutenir dans notre mission pour aider les hommes en situation d’itinérance. Nous sommes le filet social pour tant d’hommes. Nous sommes heureux de les accompagner tous les jours mais aussi en fin de vie.

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