Deux natifs de Grosse-île, une des deux petites communautés anglophones des Îles-de-la-Madeleine (un archipel de huit petites îles appartenant au Québec et situé à peu près à mi-chemin entre la Terre-Neuve et l’Île-du-Prince-Édouard), croient profondément que les liens familiaux et communautaires sont essentiels pour la survie de leur communauté tissée serrée..
Kim Clark et Kerry Dickson mentionnent la présence d’excellentes ressources de soins à domicile par l’intermédiaire de leur CLSC local de l’Est (les CLSCs sont des centres de santé communautaires au Québec), qui offrent des services essentiels et qui ont permis à leurs parents de rester à domicile en fin de vie et leurs ont surtout permis de les accompagner jusqu’à leur mort.
Avec une population d’environ 400 habitants dont la majorité sont des descendants d’immigrants irlandais et écossais et dont certains ont comme héritage commun des naufrages ou des quarantaines dues à la variole et au cholera dans les années 1880, Grosse-Île, où tout le monde se connait, contient un restaurant, une station-service, un dépanneur et une école pour les niveaux primaire et secondaire avec un total de 36 élèves.
Le père de Kim Clark, Byron Clark, était un personnage plus grand que nature bien connu à non seulement à Grosse-Île, mais partout aux Îles-de-la-Madeleine. En plus de trente ans de carrière comme agent des pêches, il a fondé et dirigé la Coopérative des Pêcheurs du Cap Dauphin, a joué de l’orgue à l’église Holy Trinity, a occupé le poste de maire et a été le propriétaire et le directeur du seul cinéma en ville. Décrit comme un bâtisseur de communauté et un passionné d’histoire autodidacte, il collectionnait des photos et des documents historiques qui témoignaient de la vie aux Îles-de-la-Madeleine de 1793 jusqu’à 1900.
Une figure d’autorité aux Îles, il a écrit huit livres sur l’histoire locale et a reçu un prix du Réseau du patrimoine anglophone du Québec en 2006. Son livre intitulé « The Pictou-Magdalen Islands Run 1874-1960 » raconte l’histoire fascinante des bateaux qui naviguaient entre Pictou (Nouvelle-Écosse) et l’archipel des Îles-de-la-Madeleine entre 1874 et 1960. Cliquez ici pour entendre l’entrevue.
Après avoir été diagnostiqué avec une forme agressive de cancer des poumons, Byron Clarke a choisi de rester à domicile le plus longtemps possible. Selon sa fille Kim, ceci était possible grâce aux soins à domicile qu’il recevait de l’équipe du CLSC (médecin, infirmières, inhalothérapeute) pour une durée de quatre mois précédant son décès. Kim, une enseignante à temps plein et fille unique a décidé de travailler à temps partiel et de déménager chez son père afin de prendre soin de lui avec l’aide de son mari. Les infirmières de soins à domicile venaient régulièrement; une fois par semaine ou plus selon le besoin (parfois jusqu’à quatre fois par jour pour gérer les complications de la pneumonie), puis quotidiennement à la dernière étape de vie de son père. Pour Kim, la relation avec les infirmières a évolué de relation client-infirmier jusqu’à devenir une amitié.
« Sans le soutien des infirmières à domicile, mon père n’aurait pas pu mourir chez lui. Les soins qu’il a reçus étaient exceptionnels. Lorsque je sentais qu’il y avait un problème, je contactais Nancy ou Lysanne, les infirmières à domicile. Elles étaient extraordinaires. On avait également accès aux infirmières à domicile du CLSC et à un médecin à domicile. »
Kerry Dickson avait promis de garder sa mère, Irene Dickson, à domicile jusqu’à la fin de sa vie. Grâce à l’aidante familiale fournie par le CLSC, ainsi que l’aide de l’équipe de soins à domicile qui se déplaçait selon les besoins, Kerry a pu tenir sa promesses. L’aidante familiale restait avec la mère de Kerry pendant les jours de semaine, ce qui permettait à ce dernier de continuer à travailler dans son salon de coiffure. Kerry prenait le relais les soirs et les fins de semaine.
« Avoir les services d’une aidante familiale a facilité notre vie. J’étais en mesure de travailler et de garder certains aspects de ma vie. L’aidante familiale avait un grand sens des responsabilités et ma mère l’appréciait. Nous avions eu beaucoup de chance… Toute l’équipe de soins à domicile était vraiment bonne et ma mère les appréciait également… Une des infirmières avait l’habitude de venir et dire à ma mère, ‘Irene, ton infirmière préférée est là!)’ ». L’équipe était très encourageante. Grosse-Île est une petite île : soit tu connais les gens, soit tu as entendu parler d’eux ou de leurs oncles, tantes, etc. C’est sûrement pour ça qu’on prend soin les uns des autres. »
Kerry a été en mesure de travailler jusqu’aux derniers jours qui ont précédés le décès de sa mère. Avec Valerie, l’aidante familiale, ils ont pu accompagner Irene jusqu’à son décès.
« Notre aidante familiale Valerie était parmi nous lorsque ma mère est décédée. Pendant ses derniers jours, ma mère avait du mal à respirer; Valerie s’assoyait alors sur le lit près d’elle et l’aidait à s’adosser sur un oreiller pour mieux respirer. C’est ainsi qu’elle est morte : dans les bras de Valerie alors que moi je lui tenais la main et lui parlais. C’est comme ça que se sont déroulés les derniers jours de vie de ma mère. Je revenais du travail, je lui tenais la main et je lui racontais toutes les histoires de mon travail comme j’avais l’habitude de faire après le diner. Elle était dans l’incapacité de parler à cette étape, mais elle me serrait la main. Si c’était à refaire, je le referais. »
Tout comme Byron Clark, Irene Dickson était bien connue et bien appréciée à Grosse-Île. Irene était travaillante et avait beaucoup de talent : elle pouvait presque tout faire. Elle avait commencé comme enseignante dans une école à une seule pièce, puis elle a élevé six enfants et dirigé une ferme et autres commerces. Elle était également impliquée dans son église et dans sa communauté tout au long de sa vie, où elle organisait des diners pour femmes et des concerts locaux de charité. Qualifiée d’« artisane », elle piquait des courtepointes, tissait des tapisseries sur canevas et des carpettes qui décorent plusieurs maisons des Îles.
Après le décès de la mère de Kerry, la nièce de ce dernier a utilisé les robes de nuit d’Irene pour confectionner une courtepointe colorée à sa mémoire.
Kim et Kerry s’entendent pour dire que les soins à domicile leur ont permis de garder leurs êtres chers à la maison et que si c’est à refaire, ils le referaient, car le cadeau de mourir chez soi est une preuve d’amour.
« Le médecin de soins à domicile l’a bien exprimé : ‘le cadeau de rester à domicile et d’y mourir entouré d’êtres chers est le meilleur cadeau qu’on peut recevoir.’ Donc si c’était à refaire, je le referais sans aucune hésitation. »