Oui à la complexité

Barbara Barth, Ph. D., nous parle de son parcours professionnel et de sa motivation à poursuivre l’étude des neurosciences, à Montréal.

Pourquoi avoir choisi l’Université McGill?

J’ai fait des études en psychologie clinique au Brésil et une maîtrise en psychologie expérimentale sur le biais attentionnel et la nourriture chez les personnes obèses. Mais j’avais l’impression qu’il manquait un volet biologique à ma pratique et à ma recherche. Je me posais beaucoup de questions en lien avec la biologie, mais je n’avais pas la formation pour les englober dans ma pratique. Une fois ma maîtrise terminée, je suis passée de la psychologie aux neurosciences pour le doctorat. Et il n’y a pas meilleur endroit que Montréal pour étudier les neurosciences, surtout avec les infrastructures formidables dont McGill dispose. Ce qui m’a confortée dans ma décision, c’est d’apprendre que la docteure et professeure Patricia Silveira Pelufo, originaire du Brésil tout comme moi, déménageait son laboratoire à McGill. J’ai reçu une bourse du Programme des futurs leaders dans les Amériques pour ma maîtrise et suivi un programme de stagiaire de recherche avec la professeure Silveira, qui m’a invitée, à la fin du programme, à faire un doctorat dans son laboratoire. J’ai accepté, évidemment; ça a été la meilleure décision de ma vie.

 

Vous avez commencé votre carrière en tant que psychologue clinicienne, et êtes maintenant titulaire d’un doctorat du Programme intégré en neurosciences de l’Université McGill. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de parcours?

Ma carrière à titre de psychologue clinicienne a été brève, quoique gratifiante, mais j’ai toujours senti qu’il manquait quelque chose. J’ai fait beaucoup de recherches pendant mes études au baccalauréat, et je n’ai jamais cessé. J’avais l’impression qu’en intégrant le milieu universitaire, je pourrais contribuer davantage à l’avancement du savoir et du domaine. Encore maintenant, je valorise la pratique clinique et il se pourrait que j’y revienne un jour, mais à l’époque, j’avais la chance de m’investir dans une carrière universitaire et dans une formation qui me hisserait parmi les meilleurs scientifiques et me procurerait les outils pour faire évoluer le domaine et traiter de questions plus complexes. Je savais aussi que ce parcours façonnerait mon avenir professionnel. Je pense avoir conservé ma vision clinique tout au long de ma formation. Mes études étaient axées sur les neurosciences et la génomique, mais je ne perdais jamais de vue la pratique.

 

Sur quoi portait votre doctorat?

J’ai étudié les interactions entre gènes et milieu de vie, et leur incidence sur l’apparition de troubles cardiométaboliques et psychiatriques. Nous savons que l’adversité en début de vie a des conséquences à long terme sur le comportement et la cognition, mais aussi que le milieu n’exerce pas la même influence sur tous. C’est pourquoi il importe de comprendre l’interaction entre gènes et milieu. Des études avaient révélé qu’un polymorphisme spécifique du gène du récepteur de la dopamine (DRD4) participe aux comportements alimentaires chez l’enfant. Plutôt que de me pencher sur une seule mutation, je me suis attardée à l’expression du gène dans sa globalité. J’ai découvert que le lien entre l’expression attendue du gène DRD4 dans la région préfrontale chez un individu et la qualité du milieu de vie de ce dernier en bas âge était un facteur prédictif d’alimentation émotionnelle. Cette trouvaille revêt son importance étant donné la comorbidité des maladies cardiométaboliques – comme l’obésité et le diabète – et des troubles psychologiques – comme les troubles de l’alimentation et de la régulation des émotions. Grâce à la biobanque du Royaume-Uni, j’ai étudié l’expression concomitante d’un réseau de gènes et du transporteur de la dopamine dans le striatum, et l’interrelation avec le poids à la naissance comme mesure du milieu de vie en bas âge. J’ai constaté que cette interrelation était un facteur prédictif appréciable de maladies cardiométaboliques et psychiatriques chez les adultes, mais aussi chez les adolescentes et adolescents de la cohorte de l’étude ALSPAC (Avon Longitudinal Study of Parents and Children) exposés à un risque de développer de tels troubles plus tard au cours de leur vie. D’un point de vue plus technique, j’ai également examiné, dans deux articles distincts, la meilleure façon de rendre compte de l’interaction gènes-milieu de vie, tout en analysant les mécanismes biologiques sous-jacents.

 

Quelles sont les conclusions de vos recherches? En quoi peuvent-elles s’appliquer à la santé mentale et au développement cognitif?

Mes recherches ont confirmé que le milieu de vie en bas âge influe grandement sur le développement de l’enfant et que certains enfants pourraient bénéficier plus que d’autres d’une intervention précoce compte tenu de leur constitution génétique particulière. Cela pourrait nous aider à comprendre pourquoi les interventions sont parfois infructueuses, et à intervenir avec plus de souplesse et de discernement de sorte à respecter les différences individuelles – une façon de faire bénéfique pour tous. Ces conclusions sont de niveau translationnel, et révèlent le rôle éventuel de la dopamine, non plus dans des modèles animaux, mais chez l’humain.

 

En quoi le Centre Ludmer a-t-il influencé votre parcours universitaire et professionnel?

Le Centre Ludmer a pour mission de faire la lumière sur le développement du cerveau par la promotion d’approches multimodales en matière de recherche et de collecte de données. Cette mission ne peut être menée à bien par une seule personne : il faut des équipes de recherche stimulées par le progrès, l’innovation et la découverte. Le Centre Ludmer est un acteur de premier plan : il favorise la collaboration et facilite les partenariats transdisciplinaires dans le but de faire progresser la technologie et la recherche. Le Centre se distingue en outre par sa diversité. Comme femme originaire d’Amérique latine, j’ai eu le bonheur d’être accueillie à McGill et de travailler aux côtés de chercheurs et chercheuses extraordinaires, dont la professeure Silveira, originaire elle aussi du Brésil!

 

Quelles sont les ressources ou les occasions uniques que le Centre Ludmer vous a offertes?

J’avais besoin de me propulser à l’avant-scène de la science, ce que McGill et le Centre Ludmer m’ont permis. Parmi les nombreuses occasions qui m’ont été offertes, deux ont eu une influence majeure sur mon horizon de carrière. Premièrement, il y a eu un séminaire avec Sara Mostafavi, fondatrice de GeneMANIA, une plateforme que j’utilise. Cette femme est un modèle pour moi : elle a eu une idée, est allée de l’avant et l’a concrétisée. Non seulement elle m’a inspirée en tant que chercheuse, mais elle a également attisé ma curiosité à l’égard des techniques de pointe.

Deuxièmement, il y a eu un symposium sur l’association des scores polygéniques, de la génétique et de l’imagerie cérébrale. À l’époque, je travaillais à introduire l’analyse en composantes indépendantes parallèle au laboratoire de la professeure Silveira, technique qui associe et fusionne les données de génétique et de neuro-imagerie. Or, le symposium portait précisément sur ce sujet, et toutes les personnes présentes souhaitaient, elles aussi, en apprendre davantage. Ça a été pour moi comme un sceau d’approbation, le feu vert m’indiquant que j’étais sur la bonne voie.

 

Quelle est la prochaine étape? À quoi voulez-vous travailler et où pensez-vous aller?

Je vais faire un postdoctorat dans le cadre du programme Continuum des troubles alimentaires du Centre de recherche Douglas. Je vais colliger des données au moyen de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle auprès de personnes atteintes d’anorexie mentale. Pour ce faire, j’entends mettre à profit toutes les compétences techniques que j’ai acquises au fil des ans.

 

Pensez-vous collaborer avec le Centre Ludmer à l’aube de cette nouvelle étape de votre carrière?

Je serais heureuse de collaborer de nouveau avec l’équipe du laboratoire de la professeure Silveira. J’aurai accès aux données de méthylation de personnes souffrant de troubles alimentaires. Je suis impatiente de voir le type de scores polygéniques qu’il est possible d’obtenir à partir d’échantillons cliniques, qui seront différents des données tirées d’une biobanque. Notre collaboration pourrait contribuer à la création de scores génétiques combinant des données de génotype et de méthylation, et peut-être apporter des réponses à certaines questions liées aux fondements biologiques des troubles alimentaires.

 

Où aimeriez-vous que votre carrière vous mène?

Depuis deux ans, je donne le cours Hormones et comportements au Département de psychologie de l’Université McGill. J’adore interagir avec les étudiantes et étudiants et leur transmettre mon savoir sur un ton engageant afin de les aider à assimiler la matière. C’est un aspect de mon travail qui me plaît vraiment. Mais je me suis également beaucoup investie au fil des ans dans le but de faire carrière comme chercheuse principale. C’est mon rêve, c’est le but que je veux atteindre. L’idéal serait de combiner l’enseignement et la recherche!

 

Le Centre de recherche Douglas a une solide réputation dans le domaine des sciences fondamentales, translationnelles et cliniques. Il semble avoir exercé une influence profonde sur votre cheminement et votre horizon de carrière. Êtes-vous de cet avis?

Je suis passée du milieu clinique à l’étude des neurosciences sans aucune expérience préalable. Pourtant, lorsque j’étais au Centre de recherche Douglas, j’ai compris que je n’avais pas étudié en psychologie clinique pour rien. Je savais que mes connaissances me serviraient dans mes recherches. Au Centre de recherche Douglas, j’ai compris qu’un jour ou l’autre, j’utiliserais tout ce que j’ai appris pour mieux comprendre le cerveau.
 

 

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