Des réfugiés ukrainiens reçoivent du soutien en santé mentale gratuitement grâce à une initiative remarquable

Depuis le début d’octobre, environ 200 bénévoles (psychologues, psychothérapeutes, travailleuses sociales, conseillers, psychiatres et infirmières) offrent des services de consultation à 60 personnes réfugiées

Les Ukrainien(ne)s qui arrivent à Montréal ont réussi à fuir les ravages de la guerre dans leur pays, mais beaucoup doivent encore faire face à d’importantes difficultés, notamment de santé mentale.

« La guerre cause un traumatisme psychologique énorme chez les réfugiés, et le processus d’acculturation s’en trouve compromis, explique Nate Fuks, directeur du Centre de psychologie clinique Virginia‑I.‑Douglas de l’Université McGill. Souvent, ça les empêche de bien s’adapter au nouveau pays. »

Lui-même originaire de Kharkiv, en Ukraine, Nate Fuks a lancé un programme exceptionnel qui offre gratuitement des services de santé mentale aux réfugié(e)s ukrainien(ne)s.

Au début d’octobre, environ 200 bénévoles (psychologues, psychothérapeutes, travailleuses sociales, conseillers, psychiatres et infirmières) ont commencé à offrir des services de consultation à 60 personnes réfugiées. Les séances vont s’échelonner sur au moins douze semaines. « Nous travaillons principalement avec des femmes et des enfants, parce que la plupart des hommes ne sont pas autorisés à quitter le pays », indique l’idéateur du programme.

« Chaque cas est différent : nous traitons un vaste éventail de problèmes comme le stress post-traumatique, les traumatismes complexes ou encore l’adaptation à une nouvelle vie au Canada. Nous accompagnons les gens qui sont aux prises avec des cauchemars, des flash-back, la dépression, l’anxiété ou des pensées obsessives, ou qui pleurent la perte d’un proche ou de leur pays. Nous les aidons à se faire une place dans notre société et à envisager un nouvel avenir. »

Une thérapie adaptée aux enfants

Selon Nate Fuks, le recrutement de thérapeutes pour enfants n’a pas été de tout repos. « Les enfants vivent les traumatismes différemment; ils ont donc besoin d’approches thérapeutiques adaptées. »

À titre d’exemple, mentionnons l’art-thérapie, qui permet aux enfants d’exprimer leurs sentiments par le dessin, le jeu ou la création collective, élément important de cette approche thérapeutique.

« Notre programme accorde beaucoup de place à la création de liens sociaux et au renforcement du sentiment d’appartenance, puisqu’il s’agit d’éléments déterminants dans la gestion des traumatismes ».

On a pris grand soin de programmer les activités d’une façon avantageuse tant pour les enfants que pour les parents. Pendant que les enfants sont en séance d’art-thérapie, les parents peuvent suivre un cours de tai-chi ou de yoga thérapeutique. « Ça leur donne la chance de décrocher un peu. »

À la recherche d’interprètes

La majorité des réfugié(e)s ne parlent ni français ni anglais; les spécialistes en santé mentale doivent donc travailler en tandem avec des interprètes. Comme les expériences vécues sont souvent troublantes, les interprètes risquent de vivre un traumatisme par ricochet, fait remarquer Nate Fuks. On a donc créé un groupe de soutien expressément pour les interprètes.

Malheureusement, il y a en ce moment une pénurie d’interprètes. « Nous cherchons à amasser des fonds pour engager des interprètes professionnel(le)s : à l’heure actuelle, nous avons plus de thérapeutes que d’interprètes », constate l’organisateur, qui invite les gens à consulter la page de sociofinancement et à faire un don.

Engagement communautaire

Les bénévoles en santé mentale ont reçu une formation gratuite sur l’évaluation, les causes, les symptômes et les effets des traumatismes, ainsi qu’une initiation à des approches de pointe fondées sur des données probantes pour le traitement des traumatismes. Ils (elles) ont participé à des ateliers de compétences culturelles et linguistiques et peuvent compter sur le soutien d’un groupe de supervision par les pairs avant et pendant leur travail. Au total, leur formation a duré plus d’une trentaine d’heures réparties sur huit modules, en plus d’une journée complète. Il s’agit-là d’un engagement important, confirme Nate Fuks.

« La formation a eu lieu en septembre, un des mois les plus achalandés du calendrier universitaire, à raison de deux fois par semaine (les mardis et les jeudis) pendant quatre semaines, en plus d’un samedi complet. C’était plutôt exigeant, mais la participation a été remarquable. Nos équipes de bénévoles sont vraiment motivées et nous leur en sommes vraiment reconnaissants. »

Une formation inestimable

Nate Fuks souligne que les bénévoles tirent également parti de cette expérience. « Tout le monde se sent mieux outillé grâce à cette formation approfondie. »

Parmi les bénévoles, on retrouve des étudiant(e)s de l’Université McGill qui suivent une formation clinique aux cycles supérieurs. Grâce à la formation intensive sur les traumatismes reçue en septembre, ils (elles) font déjà des consultations sous la supervision de professionnel(le)s agréé(e)s, qui les observent et leur donnent une rétroaction.

« Les étudiants aux cycles supérieurs ont reçu une formation inestimable et travaillent sous supervision auprès de personnes qui ont vécu des traumatismes. Ce sont des compétences particulières très recherchées. »

Vague de solidarité

Nate Fuks confie avoir lancé cette initiative pour mieux faire face à la situation.

Comme le reste de la planète, il a regardé, impuissant, les bombardements incessants sur sa ville natale durant les premiers jours de l’invasion russe. Son université a été détruite et la maison familiale a échappé de justesse à des tirs de roquettes. Il n’est pas parvenu à convaincre les membres de sa famille de quitter l’Ukraine, mais il a réussi à les faire déménager dans l’ouest du pays.

« C’est extrêmement difficile à vivre. Les premières semaines, j’étais sous le choc, dit-il. Mais j’ai décidé de me concentrer sur une solution constructive. Je canalise toute l’horreur, la peur et le chagrin dans la réalisation de ce projet, et je me sens mieux. »

« Les gens ont été solidaires et se sont mobilisés en grand nombre, poursuit-il. Ils ont donné de leur temps. Ils ont proposé des idées. J’ai reçu un soutien incroyable, tant de mes collègues que des étudiants aux cycles supérieurs au Département de psychologie et des membres de la collectivité. Nous avons constitué une équipe formidable. C’est très émouvant de voir cette vague de solidarité à l’égard du peuple ukrainien, et participer à l’effort, c’est très valorisant. »

Voyez comment vous pouvez appuyer la campagne de sociofinancement.

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