Propulser la chimie verte partout dans le monde

Des chercheurs de McGill et de Yale animent des ateliers de formation dans le monde entier grâce au soutien d’une agence de l’ONU

La chimie verte a à peine 25 ans. Cette période a suffi pour que la volonté de créer des produits chimiques plus sûrs et des processus industriels plus durables soit acceptée, et rentable. D’après certaines estimations, le marché annuel mondial des produits de la chimie verte, des ressources renouvelables aux polymères écologiques, pourrait atteindre 100 milliards de dollars d’ici 2020.

Jusqu’à présent, la chimie verte, dont l’objet est de réduire le plus possible l’utilisation et la production de substances dangereuses, était principalement en vogue dans les pays développés. Avec la recherche qui l’alimente, ce domaine en pleine croissance commence à peine à s’étendre au-delà de l’Amérique du Nord et de l’Europe de l’Ouest. Ce mouvement peut-il prendre son essor dans d’autres régions, moins riches?

Des experts des universités McGill et Yale tentent de faire en sorte que ce soit le cas, avec le soutien de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Ces derniers mois, les chercheurs ont animé des ateliers à l’intention de participants provenant des milieux universitaire et industriel dans une demi-douzaine de pays, du Brésil et de la Colombie à la Serbie et à l’Afrique du Sud. Lors de ces ateliers, ils ont fourni des boîtes à outils de techniques permettant à leurs auditeurs de former d’autres personnes à leur tour.

« Le transfert des connaissances universitaires sur le terrain permet de faire germer des idées menant à des solutions concrètes, explique Audrey Moores, professeure de chimie à l’Université McGill, qui a animé l’atelier de Prétoria. Par exemple, les membres de l’industrie minière d’Afrique du Sud ont montré beaucoup d’intérêt lorsque j’ai évoqué des techniques de traitement mécanique des minerais aboutissant à leur transformation chimique. Ils n’avaient jamais entendu parler de cette possibilité avant parce que les recherches commencent juste à émerger au sein de la communauté scientifique. »

Pour les participants, l’attrait de la découverte de technologies plus durables ne réside pas seulement dans la volonté de réduire les impacts environnementaux, mais aussi dans les avantages financiers potentiels à long terme d’un virage écologique, même si, parfois, il n’existe pas de solution immédiate ou simple à certains problèmes précis.

« L’un des problèmes environnementaux les plus importants en Afrique du Sud est la provenance de notre énergie, que nous tirons principalement de la combustion du charbon », explique Rhoanda Jansen van Rensburg, une consultante de Prétoria. « La découverte de gisement de gaz naturel comme substitut abordable au charbon pourrait contribuer à la réduction des émissions de carbone, ce qui aurait toutefois des répercussions néfastes sur la main-d’œuvre du secteur de l’extraction du charbon. »

Tous s’entendent cependant pour dire que l’initiation d’un dialogue entre les chercheurs du domaine de la chimie verte et les acteurs de l’industrie constitue un pas dans la bonne direction.

Faire germer de nouvelles idées

 

En Serbie, l’un des principaux problèmes environnementaux est la pollution causée par l’industrie minière. À Belgrade, lors de l’atelier animé par Tomislav Friščić, professeur à McGill, les participants ont réfléchi collectivement à l’utilisation de micro-organismes pour la dépollution de l’environnement et l’amélioration de la séparation et de l’exploitation des minéraux comme le cuivre, le plomb et le zinc.

« Après d’intenses discussions, nous avons fini par mieux comprendre les possibilités technologiques et économiques existant dans la région et les meilleurs moyens de les mettre à profit », explique Tomislav Friščić.

En à peine une semaine, les formateurs de McGill ont présenté les deux tiers d’un semestre de cours en chimie verte aux participants. Pour les formateurs comme pour les participants, l’expérience a été intense, enthousiasmante et parfois même éprouvante : elle a donné lieu à des échanges d’opinions assez francs.

« Quand on réunit les acteurs de l’industrie et les universitaires, il faut un certain temps avant que la pollinisation croisée des idées ne se fasse », précise Karolina Mellor, qui travaille pour le Center for Green Chemistry and Green Engineering à Yale. C’est elle qui a créé les grandes lignes et le matériel des ateliers, qu’elle a tous coanimés. « De tels ateliers ne servent pas uniquement à fournir du contenu. Ils offrent l’occasion à des gens qui ont des intérêts communs de se rassembler pour bâtir une communauté autour de la chimie verte. »

Comme les pays en développement ne sont souvent pas encombrés d’une vieille infrastructure (comme des lignes téléphoniques omniprésentes), la présentation de techniques novatrices peut aussi déclencher des changements rapides dans l’industrie « puisqu’ils ont le champ libre pour bâtir à neuf », remarque Chao-Jun Li, le professeur de chimie de McGill qui a animé l’atelier en Colombie. « Un peu comme cela s’est fait pour l’adoption du téléphone cellulaire dans les pays d’Afrique ou en Inde. »

Au cours de l’année prochaine, il est prévu de rassembler les renseignements sur l’éventail complet des techniques et technologies de la chimie verte afin d’offrir aux participants aux ateliers des outils qu’ils pourront consulter par la suite.


 

 
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