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Au cœur des stratégies de navigation des bactéries

De la santé environnementale à la prévention de la propagation des maladies infectieuses, les applications sont nombreuses
Publié: 4 June 2021

Bactéries à la croisée des chemins
PHOTO : Université McGill

Voir aussi : extrait vidéoD’après Dan Nicolau, chercheur principal, le plus difficile n’a pas été de produire les vidéos – bien que la tâche n’ait pas été facile –, mais bien d’arrêter de les regarder.

Pour les bactéries qui se déplacent, la vie ne tient qu’à un fil. Leur capacité à trouver des nutriments, à échapper à leurs prédateurs et à se multiplier dépend de l’efficacité de leurs déplacements dans leur habitat microscopique, qu’il se trouve dans le tissu d’un animal ou d’une plante, dans des déchets ou dans une autre matière. Dans un article récemment publié par PNAS, une équipe de chercheurs dirigée par l’Université McGill décrit un certain nombre de facteurs qui influent sur la façon dont cinq espèces de bactéries, très différentes les unes des autres, sillonnent des environnements microfluidiques semés d’embûches. Cette meilleure compréhension de l’exploration de l’espace par les bactéries et de leurs « stratégies » de déplacement pourrait être utile dans une foule d’applications : diagnostic de maladies infectieuses et protection de la santé, mise au point de dispositifs en génomique ou en informatique biologique, ou réalisation de diverses activités agricoles, industrielles et environnementales.

Les chercheurs ont filmé les mouvements de cinq espèces de bactéries dans divers milieux microfluidiques allant d’espaces plutôt ouverts à des canaux tortueux. Ils ont ainsi réussi à mieux comprendre les facteurs qui entrent en ligne de compte dans les « stratégies » de déplacement des bactéries à la recherche d’espace.

Foire aux questions avec l’auteur en chef, le professeur Dan Nicolau du

Département de bioingénierie de l’Université McGill

Q – Quelles « stratégies » les bactéries utilisent-elles pour se déplacer dans leur environnement?

R – En observant les déplacements des bactéries dans des canaux microfluidiques de formes et de tailles diverses, nous avons constaté que les bactéries avaient recours à des « algorithmes » de circulation très différents de ceux auxquels nous nous attendions. Contrairement à ce que nous pensions, ces algorithmes ne sont pas dictés par la complexité de l’architecture bactérienne, mais plutôt par l’espace que les bactéries explorent. Nous avons découvert que la forme et la taille des canaux dans lesquels les bactéries circulent jouent un grand rôle. En général, les bactéries ne font pas demi-tour, sauf si l’étroitesse des canaux ne leur laisse pas le choix.

Les bactéries ont recours à des « techniques de déplacement » naturelles très différentes selon les espèces, mais leurs stratégies de recherche d’espace sont déterminées par leurs ratios géométriques, notamment le ratio entre la largeur du corps cellulaire et la longueur du flagelle (filament attaché au corps cellulaire dont certaines bactéries se servent pour se déplacer).

Malgré leurs différences, toutes les espèces observées ont réussi à passer par des canaux étroits (par rapport à leur taille) et, bien sûr, par des chemins plus larges. Toutefois, dans les canaux sinueux de largeur moyenne, les bactéries ne pouvaient pas se laisser guider par les parois ni circuler librement. Elles ne savaient alors plus quelle méthode employer pour leurs déplacements et se retrouvaient coincées, peu importe l’algorithme qui commande leur recherche d’espace.

Q – À quoi cette information peut-elle servir?

R – Du point de vue des maladies, tant chez les humains que chez les animaux ou les plantes, les données recueillies nous aideront à mieux comprendre comment les bactéries colonisent les espaces restreints. Nous utiliserons notamment cette information pour déterminer les risques d’infection auxquels des espèces animales sont exposées en raison des stratégies de navigation et d’exploration particulières de certaines bactéries.

En génomique bactérienne, discipline qui joue un rôle important dans l’étude et le traitement des maladies infectieuses ainsi que dans la prévention de leur propagation, la compréhension des « algorithmes » utilisés par diverses espèces de bactéries facilitera la création de structures géométriques permettant d’emprisonner une seule espèce dans des échantillons – d’eau ou de liquides organiques humains, par exemple – qui contiennent une multitude de populations bactériennes.

En informatique biologique, pour créer des ordinateurs alimentés par des bactéries qui ne font pas d’erreurs, il faut absolument savoir quels algorithmes les bactéries utilisent pour se déplacer.

L'étude « Patterns of bacterial motility in microfluidics-confining environments », par Viola Tokárová et coll., a été publié dans PNAS.

DOI : https://doi.org/10.1073/pnas.2013925118

La recherche a été financée par la Defense Advanced Research Projects Agency, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Fonds Nouvelles frontières en recherche du Canada, la Fondation pour la science tchèque et le programme Future Fellowship de l’Australian Research Council.


L’Université McGill

Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.

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