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Dépression chez les 6-18 ans : des tests non fiables

Publié: 2 August 2016

 

Salle de Presse

Les chercheurs déconseillent le dépistage systématique dans cette population

[Text Box: • Pour dépister la dépression chez les enfants et les adolescents, les médecins utilisent généralement de courts questionnaires. • Une étude récente suggère que l’information recueillie au moyen de ces questionnaires n’est pas fiable et pourrait donner lieu à de faux diagnostics de dépression dans cette population.]

Les outils de dépistage de la dépression ne sont pas fiables chez les enfants et les adolescents

Au Canada et aux États‑Unis, on encourage de plus en plus les médecins à dépister la dépression chez les enfants et les adolescents, même si rien n’indique qu’ils en sont atteints. Ce dépistage se fait souvent au moyen de courts questionnaires portant sur les symptômes dépressifs. Or, une étude récente laisse planer un doute sur la fiabilité des données que ces questionnaires permettent de recueillir auprès des jeunes de 6 à 18 ans. Selon les chercheurs, ces outils de dépistage ne conviennent peut-être pas à cette population et pourraient même entraîner des diagnostics erronés.

« Notre étude révèle qu’un dépistage fait au moyen des outils actuellement utilisés, diagnostiquerait à tort une dépression chez de nombreux enfants et adolescents », affirme Brett Thombs, affilié à l’Institut Lady Davis de recherches médicales de l’Hôpital général juif ainsi qu’à la Faculté de médecine de l’Université McGill. Il a récemment signé, à titre d’auteur en chef, un article sur le sujet dans La Revue canadienne de psychiatrie.

Des tests qui laissent à désirer

Les chercheurs ont évalué la qualité des outils actuellement utilisés pour le dépistage de la dépression chez les enfants et les adolescents. Pour ce faire, ils ont répertorié toutes les études dans lesquelles on les avait mis à l’épreuve en comparant les résultats obtenus au moyen de ces instruments aux conclusions d’un entretien diagnostique qui visait à déterminer si l’enfant ou l’adolescent était, oui ou non, en dépression. Au total, ils n’ont trouvé que 17 études répondant à ce critère.

Brett Thombs et ses collaborateurs, notamment l’auteure principale, Michelle Roseman, ont ensuite analysé la méthodologie et les résultats de ces 17 études. Ils ont découvert que la plupart d’entre elles portaient sur des populations trop restreintes pour rendre compte avec justesse de la fiabilité des instruments de dépistage, et qu’elles s’appuyaient sur des méthodes non conformes. Ils ont également constaté l’insuffisance de données probantes permettant l’établissement d’un score seuil (les patients qui obtiennent un résultat supérieur au score seuil sont réputés déprimés, contrairement à ceux dont le résultat est inférieur au score seuil).

Selon l’auteure principale, « pas un seul de ces instruments ne s’est révélé ne serait-ce que minimalement capable de dépister efficacement la dépression chez les enfants et les adolescents sans donner lieu au passage à de nombreux diagnostics erronés ».

Le dépistage de la dépression chez les enfants et les adolescents ne fait pas l’unanimité

La dépression infantile est une maladie invalidante associée à des troubles du comportement et à un mauvais rendement scolaire. Toutefois, le dépistage systématique chez les enfants et les adolescents est source de controverse. Ainsi, il n’est pas recommandé au Royaume-Uni et au Canada, mais le Groupe de travail sur les services de prévention des États-Unis l’a récemment recommandé dans le cadre des soins médicaux de routine chez les adolescents de 13 à 18 ans, mais pas chez les enfants plus jeunes.

Vu les limites des outils actuels, certains enfants pourraient être étiquetés, à tort, comme déprimés. « Ces enfants pourraient recevoir inutilement des médicaments utilisés en psychiatrie et éventuellement néfastes, en plus de voir leur santé mentale faussement mise en doute. » En outre, on pourrait devoir mobiliser des ressources colossales pour déterminer quels enfants souffrent bel et bien de dépression. Or, certaines études donnent à penser qu’ils seraient relativement peu nombreux. « Ces ressources ne seraient alors plus disponibles pour la prise en charge des nombreux enfants et adolescents que l’on sait atteints de graves problèmes de santé mentale et qui ne reçoivent pas les soins que nécessite leur état. »

Selon les chercheurs, des études de grande envergure, bien conçues, et faisant état de résultats pour un large éventail de scores seuils seront nécessaires pour évaluer la fiabilité des outils de dépistage de la dépression chez les enfants.


Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, la Société de l’arthrite, la Fondation Mach-Gaensslen du Canada et une bourse de recherche Murray R. Stalker en médecine familiale.

L’article « Exactitude des instruments de dépistage de la dépression pour détecter la dépression majeure chez les enfants et les adolescents : une revue systématique », par M. Roseman, L. Kloda, N. Saadat, K. Riehm, A. Ickowicz, F. Baltzer, L. Katz, S. Patten, C. Rousseau et B. Thombs, a été publié dans le numéro de mai 2016 de La Revue canadienne de psychiatrie. DOI : 10.1177/0706743716651833

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