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La mémoire des spermatozoïdes

Une découverte met en lumière un mécanisme de transmission de l’expérience paternelle à l’enfant utilisant un autre vecteur que l’ADN
Publié: 24 March 2021

On sait depuis longtemps que l’ADN des parents est le principal déterminant de la santé et des maladies chez l’enfant. Le patrimoine génétique ne constitue toutefois qu’une partie de l’équation, puisqu’il a été démontré que le mode de vie du père, comme l’alimentation, le surpoids et le niveau de stress, avait des répercussions sur la santé de sa progéniture. L’épigénome, ensemble de marqueurs biochimiques héréditaires associés à l’ADN et aux protéines de liaison de l’ADN, est le responsable tout indiqué. Toutefois, personne n’était parvenu jusque-là à déterminer la manière dont l’information se transmettait lors de la fécondation ni à repérer les mécanismes et les molécules spermatiques impliqués dans le processus.

Dans une nouvelle étude publiée récemment dans la revue Developmental Cell, des chercheurs de l’Université McGill ont repéré les mécanismes responsables de la transmission de l’information environnementale par l’entremise de molécules épigénétiques contenues dans les spermatozoïdes; une avancée importante dans le domaine. Cette découverte fait progresser les connaissances scientifiques sur l’hérédité des expériences de vie paternelles, et pourrait ouvrir de nouvelles pistes d’études au sujet de la transmission et de la prévention des maladies.

Une nouvelle façon d’envisager l’hérédité

« Cette étude a mis en lumière un mécanisme épigénétique permettant aux spermatozoïdes de mémoriser les données liées à l’environnement (alimentation) du père et de les transmettre à l’embryon. C’est une grande découverte! », explique Sarah Kimmins, auteure en chef de l’étude et titulaire d’un doctorat et de la Chaire de recherche du Canada en épigénétique, reproduction et développement. L’article s’appuie sur quinze années de recherches réalisées par son groupe. « Cette étude est remarquable en ce sens qu’elle offre une perspective très différente des connaissances dont nous disposions au sujet de l’hérédité et de la maladie – que l’on pensait dépendre seulement de l’ADN –, en ajoutant à la liste des vecteurs de transmission les protéines présentes dans les spermatozoïdes. Elle laisse entrevoir la possibilité que ces protéines pourraient nous aider à comprendre et à prévenir certaines maladies. »

« Nous étions aux anges lorsque les premiers résultats sont apparus, car personne n’était parvenu jusque-là à déterminer les mécanismes responsables de la transmission de ces caractéristiques environnementales héréditaires des spermatozoïdes à l’embryon, ajoute Ariane Lismer, doctorante et auteure principale de l’article. En raison du faible nombre de cellules disponible pour faire une analyse épigénomique, travailler à l’échelle moléculaire de l’embryon a été très compliqué. Ces résultats ont donc été très gratifiants, et on les doit entièrement aux nouvelles technologies et aux outils utilisés pour l’étude de l’épigénétique. »

La modification des protéines spermatiques a une incidence sur la progéniture

Pour comprendre comment l’information influençant le développement est transmise aux embryons, les chercheurs ont manipulé l’épigénome spermatique en soumettant des souris mâles à un régime pauvre en folates, puis en observant les conséquences sur certains groupes de molécules présentes dans les protéines liées à l’ADN. Ils ont alors découvert que le régime alimentaire avait entraîné une modification des molécules appartenant aux groupes méthyles – associées aux histones, protéines jouant un rôle essentiel dans la compaction de l’ADN dans les cellules –, laquelle s’est traduite par une altération de l’expression génétique dans les embryons et des anomalies de la colonne vertébrale et du crâne à la naissance des souriceaux. Ce qui est incroyable, c’est que les modifications observées au niveau des groupes méthyles des histones spermatiques avaient été transmises lors de la fécondation et étaient demeurées dans l’embryon en formation.

« Les prochaines étapes consisteront à déterminer s’il est possible de réparer les altérations délétères auxquelles ont été soumises les protéines séminales (histones). Nous avons réalisé de nouvelles recherches qui appuient cette hypothèse, renchérit Sarah Kimmins. Nous espérons qu’en élargissant notre compréhension de ce qui relève du patrimoine épigénétique, cette étude ouvrira de nouvelles pistes en matière de prévention de maladies, qui amélioreront la santé de la population. »

L’article « Histone H3 lysine 4 trimethylation in sperm is transmitted to the embryo and associated with diet-induced phenotypes in the offspring », par Ariane Lismer et coll., a été publié dans la revue Developmental Cell.
https://doi.org/10.1016/j.devcel.2021.01.01

La recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.

 



L’Université McGill

Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé partout dans le monde, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiants originaires de plus de 150 pays, ses 12 800 étudiants internationaux représentant 31 % de sa population étudiante. Au-delà de la moitié des étudiants de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 19 % sont francophones.

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