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Les toxines environnementales mettent-elles en danger les générations futures ?

Selon une étude mcgilloise, l’exposition au DDT peut altérer l’épigénome héréditaire des spermatozoïdes et causer des maladies et handicaps congénitaux
An elderly man in a hat sprays an insecticide on the tops of potatoes.
Publié: 6 February 2024

Dans une étude qui signale de potentielles perturbations de la reproduction et de la santé humaines, aujourd’hui comme pour les prochaines générations, des scientifiques de l’Université McGill, de l’Université de Pretoria, de l’Université Laval, de l’Aarhus Universitet et de la Københavns Universitet concluent que certains contaminants environnementaux, notamment le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), modifient l’épigénome des spermatozoïdes à des sites possiblement transmis à l’embryon.

L’étude, qui s’étend sur une dizaine d’années, explore l’effet du DDT sur l’épigénome des spermatozoïdes de Vendas (Afrique du Sud) et d’Inuits (Groenland et Canada).

Les résultats de l’étude, qui ont été publiés dans Environmental Health Perspectives, démontrent une relation entre l’exposition à long terme au DDT et les modifications à l’épigénome des spermatozoïdes. Lorsque ces altérations touchent les gènes responsables de la fertilité, du développement embryonnaire, du développement cérébral ou de la régulation hormonale, elles sont associées à l’élévation de la fréquence des anomalies congénitales et des maladies (y compris des troubles métaboliques et neurodéveloppementaux).

« Nous avons observé une relation dose-effet entre certaines régions épigénétiques des spermatozoïdes et les niveaux de DDE (produit de dégradation du DDT) dans le sérum. C’est assez probant : plus l’exposition au DDE est forte, plus le taux d’anomalie de la chromatine ou de la méthylation de l’ADN est élevé dans les spermatozoïdes. », explique Ariane Lismer, Ph. D., autrice principale de l’article. Elle a mené cette étude dans le cadre de son programme de doctorat au Département de pharmacologie et de thérapeutique de l’Université McGill.

« Nos résultats montrent que les effets sur l’épigénome de l’exposition à des agents toxiques pourraient favoriser l’émergence de maladies à la génération suivante », affirme Sarah Kimmins, Ph. D., qui a supervisé l’étude en tant que professeure de pharmacologie et de thérapeutique à l’Université McGill et aujourd’hui professeure au Département de pathologie et de biologie cellulaire de l’Université de Montréal. « C’est une grande avancée pour le domaine. Beaucoup d’études ont démontré que les agents toxiques agissent sur l’épigénome des spermatozoïdes animaux, mais pas autant chez l’humain. »

Le paludisme, les changements climatiques et l’« effet sauterelle »

Malgré une interdiction mondiale visant à protéger l’humanité et l’environnement, le gouvernement d’Afrique du Sud jouit d’une autorisation spéciale et utilise le DDT dans sa lutte contre le paludisme. Dans certaines régions, l’insecticide recouvre toutes les surfaces, à l’intérieur des maisons. Les résultats de l’étude mettent en évidence l’urgence de trouver et de mettre en place d’autres méthodes de lutte contre le paludisme et les autres maladies à transmission vectorielle.

D’après Tiaan de Jager, Ph. D., doyen de la Faculté des sciences de la santé et professeur en santé environnementale à la School of Health Systems and Public Health de l’Université de Pretoria, « La réalité, c’est que des personnes, en particulier les jeunes enfants et les femmes enceintes, meurent encore du paludisme. On ne peut pas se permettre de ne pas utiliser de pesticides dans les maisons des régions où la maladie est endémique, puisque le risque de contracter la maladie augmenterait. »

À cause du réchauffement climatique, les populations humaines et animales seraient de plus en plus exposées au DDT. Le polluant peut se déplacer sur de grandes distances, de l’hémisphère sud à l’hémisphère nord, par « effet sauterelle » : il s’évapore en présence d’air chaud et retombe sur les régions froides par avec la pluie et la neige, s’incrustant ensuite dans la chaîne alimentaire de l’Arctique.

La reconceptualisation du rôle des pères

Les observations mettent également en évidence la nécessité de tenir compte des contributions paternelles dans les discussions sur la santé et le développement des enfants. S’il est généralement reconnu que les femmes doivent éviter d’être exposées aux contaminants environnementaux, peu de travaux de recherche ont exploré les effets d’une telle exposition sur les pères.

« On a tendance à penser que le rôle des pères se limite à la fécondation, mais on oublie que la moitié du génome et de l’épigénome des enfants vient d’eux. L’épigénome joue un rôle essentiel dans le bon développement de l’embryon. » explique Janice Bailey, Ph. D., co-autrice de l’article, ancienne professeure de sciences animales à l’Université Laval et maintenant directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.

Si l’étude porte spécialement sur l’exposition au DDT, les scientifiques avancent qu’on peut tout à fait s’imaginer que des perturbateurs endocriniens encore plus ubiquistes, comme ceux que l’on retrouve dans certains produits cosmétiques ou d’hygiène personnelle, peuvent avoir des effets similaires.

À propos de l’Université McGill

Fondée en 1821 à Montréal, au Québec, l’Université McGill figure au premier rang des universités canadiennes offrant des programmes de médecine et de doctorat. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités au Canada et dans le monde. Établissement d’enseignement supérieur renommé à l’international, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans trois campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 39 000 étudiant(e)s, dont plus de 10 400 aux cycles supérieurs. Elle accueille des étudiant(e)s originaires de plus de 150 pays, ses 12 000 étudiant(e)s internationaux(-ales) représentant 30 % de sa population étudiante. Plus de la moitié des étudiant(e)s de l’Université McGill ont une langue maternelle autre que l’anglais, et environ 20 % sont francophones.

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