Nous ne sommes pas condamnés à un sombre avenir
Il est plutôt rare d’entendre les scientifiques de l’environnement parler de l’avenir avec optimisme. Mais c’est exactement ce que fait un groupe de chercheurs de divers pays. Depuis deux ans, ils répertorient des initiatives locales constructives en tous genres dans diverses parties du globe. Ces projets vont du contrôle des radiations au Japon aux dîners santé dans les écoles de la Californie, en passant par les patrouilles de lutte contre le trafic d’oisillons des colonies de macareux moines à Terre-Neuve. Ces chercheurs sont convaincus que certains aspects de ces projets peuvent être mis à profit, seuls ou en combinaison, pour la construction d’un avenir meilleur et plus durable.
Parmi plus de 500 projets présentés dans le site Web qu’ils ont créé (Good Anthropocene), les chercheurs en ont analysé 100. Ils ont ensuite dégagé les tendances qui ressortent des projets menés à l’échelle locale et qui, à leur avis, peuvent contribuer à la création d’un avenir plus juste et plus durable.
Les chercheurs ont ainsi identifié six grands thèmes.
1. Agroécologie – Ces projets, généralement fondés sur une approche socioécologique, visent à accroître la capacité de production alimentaire des terres agricoles. Par exemple, au Japon, dans le cadre de l’initiative Satoyama, des résidents des villes et des habitants des zones rurales ont uni leurs efforts pour relancer l’exploitation de terres agricoles sous-utilisées en les soutenant financièrement et également grâce à des séjours impliquant des bénévoles.
2. Urbanisme vert – Ces projets visent à améliorer la qualité de vie en région urbaine. Dans le projet New York City’s Highline Park, on a planté des espèces végétales indigènes sur le parcours d’anciennes voies ferrées pour aménager des espaces urbains accessibles à tous et conjuguant art, éducation et loisir.
3. Savoir de demain – Ces projets mettent à profit le savoir et l’éducation comme outils de transformation des sociétés. Par exemple, en Afrique du Sud, le projet Greenmatter porte sur l’acquisition de compétences de niveau universitaire axées sur la conservation de la biodiversité.
4. Transformation urbaine – Ces projets ont pour but de créer de nouveaux types d’interactions socioécologiques autour de l’espace urbain. Ainsi, le village de Sukhomajri dans l’Himalaya est devenu célèbre dans les années 1980 pour sa mobilisation en vue de stopper l’envasement du lac Sukhna, ainsi que pour la collecte des eaux de pluie et le processus de transformation du village.
5. Avenir équitable – Ces projets sont axés sur la prise de décisions plus équitables. Ainsi, la ville de l’avenir Lüneburg 2030+, projet de développement de la ville de Lunebourg, en Allemagne, vise à créer un endroit plus durable où la vie est meilleure et plus juste. Ce projet a été élaboré conjointement par l’Université Leuphana, orientée vers la durabilité, par le gouvernement local de la ville hanséatique de Lunebourg, par des ONG et des entreprises locales, et par les citoyens eux-mêmes.
6. Avenir durable – Ces projets sont des mouvements sociaux ayant pour but d’offrir un avenir plus juste et plus durable. Aux États-Unis, le projet Farm Hack a été fondé en 2010 par des fermiers et des organisateurs qui utilisent Internet pour échanger des idées nouvelles sur la production alimentaire et la conception d’outils novateurs destinés à accroître la résilience d’une agriculture durable et d’économies rurales. L’un des outils conçus dans le cadre de ce projet est une laveuse à légumes racines actionnée par une bicyclette.
« Ce projet m’enthousiasme au plus haut point, parce qu’il constitue un changement de paradigme important chez les scientifiques de l’environnement, qui commencent à envisager les choses positivement », se réjouit Elena Bennett, professeure à l’École d’environnement de l’Université McGill et auteure principale d’un article sur le sujet publié aujourd’hui. « En tant que scientifiques, nous avons tendance à nous concentrer sur les problèmes. Or, non seulement les responsables de ce projet répertorient des solutions durables imaginées aux quatre coins du monde, mais ils prennent le temps de se demander ce que ces solutions ont en commun. C’est tout un changement d’optique! »
« Il s’agit aussi d’abandonner l’attitude d’universitaires qui regardent les choses d’en haut et définissent des concepts », ajoute la Pre Bennett. « Nous avons encouragé les personnes participant au projet à établir les critères qui définissent un ʽbon projetʼ, en partie parce que nous voulions éviter d’envisager les choses uniquement de notre point de vue de Nord-Européens ou de Nord-Américains. Nous voulions recueillir un large éventail d’idées sur ce que les gens attendent de l’avenir. »
Les chercheurs invitent les personnes qui prennent part à divers types de projets de durabilité n’importe où dans le monde à consulter le site Web Seeds of a Good Anthropocene et à y présenter leur projet.
Seeds of a Good Anthropocene est une collaboration dirigée par l’Université McGill au Canada, par le Stockholm Resilience Centre de l’Université de Stockholm en Suède et par le Centre for Complex Systems in Transition (CST) de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud. Cette collaboration fait partie de l’initiative Bright Spots – Seeds of a Good Anthropocene, projet financé par FutureEarth.
Cette étude a été financée par Future Earth, The Swedish Research Council Formas, le Stockholm Resilience Centre (Suède), le Program on Ecosystem Change and Society, ecoSERVICES, le programme SwedBio et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).
L’article « Bright spots: seeds of a good Anthropocene », par Elena Bennett et coll., a été publié en ligne dans Frontiers in Ecology le 5 octobre 2016. Doi : 10.1002/fee.1309.
Personnes-ressources :
Elena Bennett
Université McGill, Département des sciences des ressources naturelles et École d’environnement
elena.bennett [at] mcgill.ca
Katherine Gombay
Université McGill, Relations avec les médias
katherine.gombay [at] mcgill.ca
514-398-2189
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