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Un herbicide d’emploi courant nocif pour la biodiversité

Des chercheurs étudient la résilience des écosystèmes d’eau douce contaminés par le Roundup
LEAP experimental ponds in Gault Nature Reserve. Photo credit: Vincent Fugère
Image par Photo credit: Vincent Fugère.
Publié: 3 March 2020

L’un des herbicides à base de glyphosate les plus utilisés dans le monde, Roundup, peut entraîner une perte de biodiversité et fragiliser ainsi les écosystèmes face à la pollution et aux changements climatiques, affirment des chercheurs de l’Université McGill.

En raison de l’utilisation très répandue du Roundup en agriculture partout dans le monde, on s’inquiète des effets de cet herbicide sur la santé et l’environnement. Depuis les années 1990, l’usage du glyphosate a explosé en raison de l’avènement des semences génétiquement modifiées résistantes à cet herbicide, dites Roundup Ready. « Les agriculteurs pulvérisent leurs champs de maïs et de soya pour les désherber et augmenter leur production, et le glyphosate finit par se répandre dans l’environnement par lessivage. Ainsi, on a trouvé des traces de cet herbicide dans des rivières de la Montérégie, au Québec », indique Andrew Gonzalez, professeur de biologie à l’Université McGill et titulaire de la Chaire en biologie de la conservation Liber Ero.

Pour évaluer l’effet du glyphosate sur les écosystèmes d’eau douce, les chercheurs ont exposé des populations de phytoplancton (des algues) à l’herbicide dans des bassins expérimentaux. « Ces espèces minuscules, situées tout en bas de la chaîne alimentaire, sont importantes pour l’équilibre d’un écosystème lacustre et sont l’une des principales sources de nourriture d’animaux microscopiques. Nos expériences nous permettent d’observer en temps réel le processus d’acquisition de la résistance au glyphosate dans les écosystèmes d’eau douce », explique le chercheur postdoctoral Vincent Fugère.

Les écosystèmes s’adaptent… au détriment de la biodiversité

Les chercheurs ont constaté que les écosystèmes d’eau douce modérément contaminés par l’herbicide résistaient davantage à ce dernier lors d’une exposition ultérieure à très forte dose, un peu comme s’ils avaient fait l’objet d’une « vaccination évolutive ». Les chercheurs voient là ce que les scientifiques appellent le « sauvetage évolutif », phénomène qui, jusqu’à tout récemment, n’avait été testé qu’en laboratoire. Grâce à des expériences de l’équipe d’Andrew Gonzalez, on savait déjà que le sauvetage évolutif pouvait, grâce à une évolution rapide, prévenir l’extinction d’une population entière gravement contaminée par un pesticide.

Les chercheurs soulignent toutefois que la résistance à l’herbicide s’est construite au détriment de la diversité du plancton. « Nous avons noté une réduction appréciable de la biodiversité dans les populations contaminées par le glyphosate. Cette perte pourrait avoir de profondes répercussions sur le fonctionnement des écosystèmes et amoindrir leur capacité d’adaptation à de nouveaux polluants ou facteurs de stress. C’est préoccupant, d’autant plus que la pollution et les changements climatiques font peser une menace grandissante sur de nombreux écosystèmes », prévient le Pr Gonzalez.

Comme le font remarquer les chercheurs, on ne sait pas encore exactement comment l’évolution rapide confère à ces écosystèmes aquatiques une résistance à l’herbicide. Mais d’ores et déjà, les scientifiques savent que dans des champs copieusement arrosés de glyphosate, certains végétaux ont acquis une résistance génétique à cet herbicide. Les analyses génétiques que réalise actuellement l’équipe nous en apprendront davantage.

L’étude

L’étude « Community rescue in experimental phytoplankton communities facing severe herbicide pollution », par Fugère V., Hébert M.-P., Costa N. B., Xu C. C. Y., Barrett R. D. H., Beisner B. E., Bell G., Fussmann G. F., Shapiro B. J., Yargeau V. et Gonzalez A., a été publiée dans la revue Nature Ecology & Evolution. DOI : https://doi.org/10.1101/467324

Les auteurs remercient les organismes suivants pour leur appui financier : Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies, Chaires de recherche du Canada (R. D. H. B., A. G., B. J. S.), Centre de la science de la biodiversité du Québec et Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie. La Fondation canadienne pour l’innovation et la Chaire en biologie de la conservation Liber Ero ont procuré à A. G. les fonds nécessaires à la construction du mésocosme LEAP.

L’Université McGill

Fondée en 1821, l’Université McGill accueille des étudiants, des professeurs et des employés d’exception de partout au Canada et du monde entier. Année après année, elle se classe parmi les meilleures universités du Canada et du monde. Établissement d’enseignement supérieur de renommée mondiale, l’Université McGill exerce ses activités de recherche dans deux campus, 11 facultés et 13 écoles professionnelles; elle compte 300 programmes d’études et au-delà de 40 000 étudiants, dont plus de 10 200 aux cycles supérieurs. Son adhésion au développement durable ne date pas d’hier : il remonte à des dizaines d’années et se déploie à l’échelle tant locale que planétaire. Comme en témoignent les énoncés de durabilité qu’elle a signés, l’Université souhaite contribuer à façonner un avenir où l’être humain pourra s’épanouir dans le respect de la planète.

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