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Une variante génétique influence les choix alimentaires

Cette même variante pourrait inciter les jeunes filles à faire des choix alimentaires plus ou moins sains, selon leur milieu socio-économique en début de vie
Publié: 9 February 2016

Par Katherine Gombay, Salle de Presse

Vos gènes sont-ils responsables de votre excès de poids? Dans une certaine mesure, oui. Enfin, peut-être. Dans certaines circonstances. Bref,- comment faire des petits pas dans la compréhension de l’obésité.

Une équipe dirigée par une chercheuse de l’Université McGill a récemment découvert que, chez les jeunes filles porteuses d’une variante génétique particulière (DRD4 VNTR à 7 répétitions [DRD4-7R]), l’élément qui exerce une influence déterminante sur la consommation de matières grasses n’est pas la variante génétique en soi. C’est plutôt l’interaction entre ce gène et le milieu socio-économique de la jeune fille au début de sa vie qui pourrait déterminer si elle aura une alimentation plus riche en matières grasses OU plus saine que la moyenne, comparativement à des jeunes filles issues du même milieu socio-économique. Environ 20 pour 100 de la population est porteuse de la variante DRD4-7R, gène associé à l’obésité, en particulier chez la femme.

Fait intéressant, cette variante génétique n’a pas le même effet chez les garçons. Nous y reviendrons.

« Chez les jeunes filles issues de familles moins aisées, nous avons constaté que les porteuses du gène DRD4-7R avaient une alimentation plus riche en matières grasses que leurs pairs du même milieu socio-économique, explique Laurette Dubé, chercheuse principale de l’étude et directrice scientifique du Centre McGill de convergence de la santé et de l’économie. Toutefois, nous avons également observé que les jeunes filles porteuses de la même variante génétique, mais issues de familles plus aisées, avaient une alimentation moins riche en matières grasses que leurs pairs du même milieu socio-économique. Il y a donc lieu de croire que le gène n’exerce pas une action directe, mais agit plutôt en rendant le sujet plus sensible à son milieu de vie; selon le cas, son environnement l’amènera ou non à affectionner les matières grasses et, au fil des ans, le conduira ou non vers l’obésité. »

Méthodologie

Les chercheurs ont examiné les journaux alimentaires tenus par les parents de près de 200 jeunes enfants canadiens (âgés en moyenne de quatre ans) de la cohorte de naissance MAVAN de Montréal (Québec) et de Hamilton (Ontario). Ils ont calculé le pourcentage de lipides, de protéines et de glucides que ces enfants consommaient. Ils ont également mesuré l’indice de masse corporelle (IMC) des enfants et ont recherché la présence du gène DRD4‑7R dans leur salive. Enfin, ils ont évalué la qualité du milieu socio-économique des enfants en se fondant sur le revenu familial, également considéré comme un marqueur indirect de l’environnement alimentaire (par exemple, disponibilité de fruits et de légumes ou présence de malbouffe dans le voisinage).

Certaines variantes génétiques rendent le sujet plus sensible à son environnement

Publiée aujourd’hui dans JAMA Pediatrics, l’étude fait suite aux travaux récents d’autres équipes selon lesquels certains gènes, notamment le DRD4‑7R, agiraient à la manière de « gènes de plasticité ». Plus précisément, les porteurs de ces variantes génétiques seraient plus « perméables » à leur environnement, en général, que les sujets qui en sont dépourvus. Résultat : selon le milieu de vie du porteur, le gène augmentera OU diminuera le risque de certains troubles neurocomportementaux.

Sachant que les porteurs du gène DRD4‑7R étaient exposés à un risque accru d’obésité, les chercheurs se sont demandé s’ils n’étaient pas plutôt en présence d’un « gène de plasticité » dont les effets varieraient en fonction de l’environnement.

« Nous avions déjà observé une consommation plus élevée de matières grasses chez les porteuses du gène DRD4‑7R et voulions savoir si le milieu de vie pouvait influer sur cette consommation. Or, il s’avère que oui : la consommation de matières grasses augmentera ou diminuera chez ces jeunes filles selon leur statut socio-économique », déclare la Dre Patricia Silveira, Faculté de médecine de l’Université fédérale du Rio Grande do Sul, Brésil, auteure principale de l’étude menée en collaboration avec l’Université McGill, l’Université de Toronto et l’Université McMaster. « C’est important, parce que jusqu’à maintenant, on tenait le gène pour ʽresponsableʼ du goût pour les matières grasses; or, on sait maintenant que c’est plutôt le milieu de vie dans lequel l’enfant grandit qui devrait être au cœur des préoccupations, puisque c’est lui qui fera varier les effets du gène. »

« Auparavant, nous tenions pour acquis que la variante 7‑R provoquait un gain de poids chez les jeunes porteuses du gène en intensifiant la satisfaction ressentie lors de la consommation de certains aliments. À la lumière des résultats de l’étude, on peut penser que le gène influe effectivement sur les choix alimentaires, mais autrement », précise le Dr Robert Levitan. Ce dernier, cochercheur pour la présente étude et chercheur principale au Centre de toxicomanie et de santé mentale, dirige le programme d’obésité infantile dans le cadre du projet MAVAN et a étudié le gène DRD4 dans diverses populations de femmes adultes mangeant avec excès.

Influence moins nette chez les garçons du même âge

Fait intéressant, les chercheurs ont constaté que cet effet ne touchait que les jeunes filles du groupe à l’étude. Selon eux, cette différence pourrait s’expliquer par les impératifs de l’évolution; en effet, peut-être était-il important que les filles puissent prendre du poids facilement afin de se reproduire malgré des conditions défavorables. Autre hypothèse avancée : à quatre ans, il est peut-être tout simplement trop tôt pour observer de tels effets chez un garçon, la prise de poids ne survenant pas au même moment chez les garçons et les filles de cet âge; il se peut aussi que garçons et filles réagissent différemment à la faim et à la satiété.

« Tout ce que nous pouvons affirmer avec certitude au terme de cette étude, c’est que la variante génétique aura une influence différente sur les choix alimentaires selon le milieu de vie; cependant, nous ignorons COMMENT le gène influe sur les préférences alimentaires », conclut la Dre Silveira.

« Ces résultats font ressortir l’importance d’une démarche personnalisée pour la prévention de l’obésité infantile, fait observer Laurette Dubé. Nous devons tendre vers des démarches ciblées axées sur les populations particulièrement vulnérables tant aux facteurs génétiques qu’aux facteurs environnementaux, sachant que les personnes les plus vulnérables en milieu défavorable en raison d’une prédisposition génétique sont aussi les plus susceptibles de bien réagir à une amélioration de leur milieu de vie. »

Ces travaux ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada et les Instituts nationaux de la santé des États-Unis.

Version intégrale de l’article signé Silveira et coll. dans JAMA Pediatrics : http://archpedi.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=2484697

Les experts ci-après peuvent commenter l’étude (en anglais) :

Prof. Jay Belsky, Dept. d’écologie humaine, University of California, Davis, USA
jbelsky [at] ucdavis.edu

Prof. Dan T A Eisenberg, Dépt. d’anthropologie, University of Washington, Seattle, USA
dtae [at] dtae.net

 

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