Des scientifiques découvrent la cause d’un trouble neurologique rare chez l’enfant
Mathilde est venue au monde avec des joues potelées et une chevelure auburn. Mais c’était un bébé très malade. Elle a été transférée, une journée de janvier 2013, à l’Unité de soins intensifs néonatals de l’Hôpital de Montréal pour enfants du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). La petite taille de la tête de Mathilde préoccupait particulièrement les médecins. Elle a subi des examens neurologiques et, malheureusement, il y avait quelque chose d’anormal. Son cerveau ne s’était pas développé correctement et sa substance blanche (ou myéline, substance qui protège les neurones) était anormale.
Les médecins ont confirmé qu'elle souffrait d’une forme non-identifiée de leucoencéphalopathie génétique; maladie génétique affectant à la fois les cellules nerveuses et la substance blanche. Mathilde est décédée à l'âge de deux mois et demi, entourée des personnes qui l'aimaient le plus.
Grâce à une équipe internationale de chercheurs dirigée par le Rady Children’s Institute for Genomic Medicine (RCIGM) à San Diego, la Dre Geneviève Bernard de l’Institut de recherche du CUSM (IR-CUSM) et de l’Université McGill a pu confirmer le diagnostic médical pour Mathilde : elle est décédée d'un trouble lié au gène VARS, qui cause une condition neurodéveloppementale extrêmement rare. Les travaux de cette équipe, récemment publiés dans la revue Nature Communications, ouvrent la voie au développement de traitements potentiels pour cette maladie neurodégénérative.
Les chercheurs ont effectué des tests génétiques poussés sur des échantillons de sang provenant de sept enfants, évalués par des médecins de San Diego, de Montréal et du Caire, qui souffraient de troubles neurodéveloppementaux. Ces tests ont mené à la découverte de mutations du gène VARS, pour lequel on n’avait encore jamais établi de lien avec une maladie chez l’humain.
« Les enfants que nous avons évalués faisaient des crises d’épilepsie et présentaient des anomalies évidentes à la résonnance magnétique du cerveau, a expliqué Joseph Gleeson, M.D., directeur du Département de génétique neurodéveloppementale au RCIGM et professeur de neurosciences et de pédiatrie à la Faculté de médecine de l’Université de Californie à San Diego. Malgré le fait qu’il n’existe actuellement aucun traitement pour cette maladie, les résultats sont importants, car ils constituent une première étape pour orienter la recherche vers des traitements ciblés. »
Les mutations génétiques identifiées dans l’étude sont à l’origine d’un défaut enzymatique responsable de la production de protéines contenant l’acide aminé appelé valine, essentiel à la santé cellulaire. Les variations génétiques qui endommagent ces types d’enzymes sont associées à diverses maladies humaines, dont la microcéphalie-neuropathie et la leucodystrophie.
Dans cette étude, l’équipe a découvert que l’activité enzymatique était grandement réduite dans les cellules des jeunes patients. Ces conclusions portent à croire que ces enfants malades pourraient bénéficier de traitements visant à soutenir la fonction de cette enzyme, favorisant ainsi la production de protéines dans le cerveau.
Chez un grand nombre d’enfants présentant des maladies génétiques rares, la cause de leur maladie n’a jamais été identifiée. Cet élément limite la capacité des médecins à développer des plans de traitement précis.
Le séquençage de l’exome et du génome entier a été effectué. Ces tests visent à trouver dans le code génétique des sujets participant à l’étude les erreurs dans le gène qui est à l’origine de la maladie. Le RCIGM et le Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill ont été des précurseurs dans l’utilisation du séquençage du génome entier pour diagnostiquer rapidement des maladies pédiatriques rares et pour fournir une orientation quant à la gestion de ces maladies sur le plan médical.
« Tout comme nous l’avons fait pour les jeunes patients de cette étude, il est important de continuer à tirer profit des nouvelles technologies utilisant la génétique pour comprendre ce qui se passe chez les enfants atteints de maladies rares. Le fait d’avoir une réponse permettant d’expliquer ce qui rend leur enfant aussi malade aide les familles à composer avec cette situation difficile, ajoute l’une des coauteurs, Geneviève Bernard, M.D., M.Sc., FRCPC, neuropédiatre à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et chercheuse au Programme en santé de l'enfant et en développement humain de l’IRCUSM.
« Le diagnostic nous a apporté des réponses », explique Gabriel, le père de Mathilde. Étant donné que la maladie de leur fille était rare, les parents de Mathilde ont également accepté de prendre part à de nouvelles recherches sur cette condition. « Cela faisait du bien de savoir que notre fille pourrait aider d’autres enfants et la communauté scientifique en général. »
L’évaluation des patients ainsi que les tests génétiques effectués aux fins de l’étude commentée ici ont été faits au Rady Children’s Hospital-San Diego, à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et au National Research Center du Caire. Des centres de recherche d’Amsterdam, de Hong Kong, du Qatar et de l’Égypte ont également joué un rôle de soutien pour ce qui est de confirmer les effets biologiques de la mutation dans le gène VARS.
« Dans le cas de maladies ultra-rares comme celle dont il est ici question, la collaboration entre de nombreux centres de recherche est cruciale pour confirmer que les changements identifiés dans le code génétique peuvent être les mêmes chez de nombreux enfants présentant des symptômes cliniques similaires », déclare une des coauteures de l’étude, Jennifer Friedman, M.D., neurologue au Rady Children’s Hospital et professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Californie à San Diego.
« Une telle coopération et un tel jumelage des patients jouent un rôle crucial dans l’identification de nouveaux gènes et dans l’établissement de diagnostics chez des sujets géographiquement dispersés atteints de la même maladie rare », ajoute la Dre Friedman.
Les chercheurs espèrent poursuivre leurs travaux, afin d’évaluer si la prise de compléments alimentaires contenant de la valine ou une thérapie génique peuvent contribuer à restaurer la protéine altérée dans le cerveau des enfants atteints de cette maladie rare.
“Biallelic mutations in valyl-tRNA synthetase gene VARS, are associated with a progressive neurodevelopmental epileptic encephalopathy”, par J. Friedman et coll. a été publié dans Nature Communications.
l’Institut de recherche du CUSM