Réchauffement climatique : Un phénomène naturel?
Une analyse des données de température depuis 1500 permet d’écarter la possibilité que le réchauffement climatique à l’ère industrielle ne soit qu’une fluctuation naturelle du climat de la Terre, révèle une nouvelle étude réalisée par Shaun Lovejoy, professeur de physique à l’Université McGill.
Cette étude, publiée en ligne le 6 avril 2014 dans la revue scientifique Climate Dynamics, représente une nouvelle approche visant à déterminer si le réchauffement climatique à l’ère industrielle résulte essentiellement d’émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion de combustibles fossiles par l’homme. Plutôt que de recourir à des modèles informatiques complexes pour estimer les effets des émissions de gaz à effet de serre, le professeur Lovejoy a analysé des données historiques afin d’étudier l’hypothèse concurrente : le réchauffement observé au cours des cent dernières années serait attribuable à des variations naturelles de la température à long terme.
« Cette étude portera un dur coup à ceux qui s’obstinent à nier l’existence des changements climatiques d’origine anthropique», affirme le professeur Lovejoy. « Leurs deux arguments les plus convaincants – le réchauffement serait d’origine naturelle, et les modèles informatiques ne sont pas fiables – sont directement réfutés par cette analyse, ou ne peuvent y être appliqués. »
Dans le cadre de son étude, le professeur Lovejoy a eu recours à une méthode statistique afin de déterminer la probabilité que le réchauffement climatique observé depuis 1880 soit attribuable à une variabilité naturelle. Sa conclusion : l’hypothèse du réchauffement naturel peut être écartée « avec un seuil de confiance supérieur à 99 % et, vraisemblablement, supérieur à 99,9 % ».
Afin d’évaluer la variabilité naturelle en regard d’une importante ingérence de l’homme, le professeur Lovejoy a eu recours à des « reconstructions climatiques avec multiples indicateurs » conçues par des scientifiques au cours des dernières années afin d’estimer les températures historiques, ainsi qu’à des techniques d’analyse des fluctuations issues de la géophysique non linéaire. Ces reconstructions climatiques tiennent compte d’une variété d’indicateurs que l’on trouve dans la nature, comme les anneaux de croissance des arbres, les carottes glaciaires et les sédiments lacustres. Les techniques d’analyse des fluctuations permettent en outre de comprendre les variations de température sur une grande gamme d’échelles de temps (ex., quelques secondes à quelques millions d’années).
En ce qui a trait à l’ère industrielle, l’analyse du professeur Lovejoy portait sur le dioxyde de carbone résultant de la combustion de matériaux fossiles, un bon indicateur de l’ensemble des influences climatiques attribuables à l’homme – un choix justifié par le lien étroit entre l’activité économique mondiale d’une part et l’émission de gaz à effet de serre et la pollution particulaire d’autre part. « Cette approche novatrice permet de tenir compte implicitement des effets de refroidissement de la pollution particulaire qui demeurent mal quantifiés dans les modèles informatiques », ajoute le chercheur.
Bien que cette nouvelle étude ne fasse aucun usage des puissants modèles informatiques utilisés couramment par les scientifiques pour estimer l’importance des futurs changements climatiques, les résultats obtenus par le professeur Lovejoy viennent compléter efficacement ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Son étude permet de prédire, avec un intervalle de confiance de 95 %, que le doublement du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère entraînerait un réchauffement climatique de l’ordre de 1,9 à 4,2 degrés Celsius. Cet intervalle est conforme à celui du GIEC, qui prédit que la température augmenterait de 1,5 à 4,5 degrés Celsius si la concentration en dioxyde de carbone doublait, mais il est plus précis.
« La température moyenne a connu d’importantes fluctuations depuis 1880, de l’ordre de 0,9 degré Celsius environ », affirme le professeur Lovejoy. « Cette étude montre que la probabilité que ce changement soit attribuable à une fluctuation naturelle du climat de la Terre se chiffre à moins d’un pour cent et se situe plus vraisemblablement à moins d’un pour mille. »
« Bien que le rejet statistique d’une hypothèse ne puisse généralement pas être utilisé pour conclure à la validité d’une hypothèse concurrente, dans bien des cas ‒ dont celui-ci ‒ le rejet d’une hypothèse accroît considérablement la vraisemblance de l’autre. »
Scaling fluctuation analysis and statistical hypothesis testing of anthropogenic warming, S. Lovejoy, Climate Dynamics, publié en ligne le 6 avril 2014.
Liens vers l'étude:
http://link.springer.com/search?query=10.1007%2Fs00382-014-2128-2
Lien vers le site web de Professeur Lovejoy, incluant des Questions/Réponses et des graphiques en lien avec l'étude: