Pourquoi les lions ne sont-ils pas plus nombreux?
Pourquoi les lions ne sont-ils pas plus nombreux? Ian Hatton, PhD en biologie de McGill, s’est aussi posé cette question quand il a commencé à étudier le pourcentage prédateurs-proies dans des douzaines de parcs de l’est et du sud de l’Afrique, la réponse, dans ce cas, n’avait rien à voir avec des chasseurs humains isolés.
Pourquoi les lions ne sont-ils pas plus nombreux? Ian Hatton, PhD en biologie de McGill, s’est aussi posé cette question quand il a commencé à étudier le pourcentage prédateurs-proies dans des douzaines de parcs de l’est et du sud de l’Afrique, la réponse, dans ce cas, n’avait rien à voir avec des chasseurs humains isolés. Ces parcs offrent aux lions une profusion de proies savoureuses. On pourrait supposer que les populations de lions de chaque parc augmentent en fonction de l’abondance des proies à leur disposition. Au contraire, M. Hatton et l’équipe dirigée par McGill ont découvert que de manière systématique, dans les milieux surpeuplés, les proies se reproduisent moins que dans les milieux où elles sont inférieures en nombre. En outre, ils ont observé le même modèle dans un grand éventail d’écosystèmes différents.
Ce constat étonnant suggère que les écosystèmes sont régis par une structure et une fonction organisationnelles que l’on n’avait pas encore reconnues jusqu’ici. Même si les biologistes savent depuis longtemps que des lois mathématiques ordinaires régissent les fonctions de l’organisme, par exemple le métabolisme et la croissance, aucune étude n’a jamais prouvé que des lois semblables prévalent à un tout autre niveau : celui des écosystèmes du monde. Certains scientifiques laissent déjà entendre que nous pourrions bien avoir découvert une nouvelle loi de la nature.
Un pur hasard que cette découverte.
Congés scolaires
« J’ai fréquenté l’école secondaire au Zimbabwe et passé mes vacances dans les parcs nationaux du pays, de dire M. Hatton, auteur principal de l’étude qui vient d’être publiée dans Science. Au début de mon doctorat en biologie à McGill, je voulais y retourner et comparer des colonies entières d’animaux africains dans des écosystèmes protégés, pour observer le lien de nombreux carnivores avec leurs proies herbivores à l’échelle d’un territoire. J’ai donc recueilli toutes les données de recensement des populations animales que j’ai pu trouver concernant les parcs de l’est et du sud de l’Afrique. »
Quand M. Hatton et ses collègues ont commencé à examiner les chiffres et à faire de rapides calculs, dénombrant toutes les populations de carnivores (lions, hyènes, léopards, etc.) et d’herbivores (buffles, zèbres, impalas, etc.) de ces parcs, ils ont découvert un modèle très inattendu et régulier. Dans chaque parc étudié, il semblait exister une corrélation nette entre prédateurs et proies. Mais ce n’était pas le modèle simple qu’ils s’attendaient à trouver.
Des calculs étonnants
« Jusqu’à maintenant, on présupposait qu’en présence d’un très grand nombre de proies, il y avait nécessairement autant de prédateurs, affirme M. Hatton. Toutefois, en examinant les chiffres, nous avons plutôt découvert que dans les écosystèmes luxuriants, des deltas des fleuves et rivières ou des forêts tropicales, le ratio entre prédateurs et proies est nettement inférieur. Cela tient au fait qu’avec le surpeuplement, les espèces de proies engendrent une moins grande progéniture par individu. En effet, le taux de reproduction des proies est limité de manière à freiner l’abondance de prédateurs. »
Après avoir observé ce modèle dans un milieu, les chercheurs ont commencé à analyser les données sur les pyramides alimentaires, et la relation entre prédateurs et proies dans des écosystèmes aussi variés que ceux de l’océan Indien, de l’Arctique canadien et de la savane africaine. Au cours des années suivantes, ils ont analysé les données recueillies sur les plantes et les animaux dans plus de 1 000 études des 50 dernières années portant sur un grand éventail d’écosystèmes herbagers, lacustres, forestiers et océaniques du monde.
Dans tous ces différents milieux, ils ont découvert qu’il existe une constance surprenante dans la relation prédateurs-proies. Ce constat a confirmé qu’au lieu que le nombre de prédateurs augmente pour correspondre au nombre de proies disponibles, le taux de reproduction des proies est inférieur, ce qui à son tour limite l’abondance de prédateurs. « Ce constat n’a cessé de nous étonner, affirme M. Kevin McCann, du Département de biologie intégrée de l’Université Guelph, l’un des coauteurs de l’étude. C’est un modèle tout simplement étonnant. »
Une nouvelle loi de la nature?
Ce que les chercheurs ont également trouvé fascinant, c’est que les modèles de croissance observés dans des écosystèmes entiers, où de grands nombres de proies semblent se reproduire naturellement en nombre inférieur, ressemblent de près aux modèles de croissance des individus. « Les physiologues savent depuis longtemps que le taux de croissance décroît avec la taille de l’animal, affirme le coauteur, M. Jonathan Davies. Chez l’éléphant, la croissance des cellules est 100 fois plus lente que chez la souris. »
« La découverte qu’il existe des lois d’échelle au niveau de l’écosystème est particulièrement captivante, ajoute le coauteur Michel Loreau, du Centre national de recherche scientifique en France. L’aspect le plus fascinant, c’est qu’elles reviennent à tous les niveaux de l’organisation, de l’individu à l’écosystème et pourtant, une loi d’échelle au niveau de l’écosystème ne peut pas s’expliquer par ses contreparties au niveau individuel. Il semble que des processus fondamentaux refont surface à tous les niveaux de l’organisation, mais nous ne comprenons pas lesquels, ni pourquoi. »