Risque accru de stéatose hépatique chez les personnes atteintes du VIH
La stéatose hépatique, ou accumulation de graisses dans les cellules du foie, est l’une des causes les plus fréquentes d’hépatopathie au Canada et dans les pays occidentaux, et l’une des principales indications pour une greffe hépatique. Les chercheurs soupçonnaient déjà que les personnes vivant avec le VIH présentaient un risque accru d’hépatopathie, devenue la première cause de mortalité chez les patients VIH+ nord-américains depuis l’arrivée des traitements antirétroviraux qui ont prolongé leur espérance de vie. Jusqu’à maintenant, en raison du caractère effractif de la biopsie du foie, utilisée traditionnellement pour diagnostiquer la stéatose hépatique, on disposait de peu de données de qualité sur la prévalence et l’incidence réelles de cette affection chez les patients VIH+. Des travaux publiés par des chercheurs de la Faculté de médecine de l’Université McGill en octobre dans le Journal of Hepatology viennent toutefois de changer la donne : l’article révèle les résultats de la première étude à grande échelle démontrant que les personnes vivant avec le VIH présentent en effet un risque accru de stéatose hépatique, même en l’absence d’une co-infection par l’hépatite C.
Les études précédentes avaient été menées chez des personnes affichant des taux élevés d’enzymes hépatiques ou une consommation d’alcool importante qui n’étaient pas représentatives de la population générale des patients atteints du VIH. En outre, le risque élevé d’hépatopathie chez les personnes co-infectées au VIH et à l’hépatite C (VHC) était déjà bien documenté, alors que les données scientifiques sur les patients mono-infectés par le VIH étaient rares. Dans l’étude mcgilloise, intitulée LIVEHIV (pour « Liver disease in HIV »), un outil diagnostique non effractif a été utilisé pour réaliser une étude épidémiologique de la stéatose hépatique chez 726 patients VIH+ suivis au fil du temps.
Au lieu de biopsies effractives, les chercheurs ont opté pour une technique échographique nommée Fibroscan, qui peut quantifier les dommages et l’accumulation de graisses au foie sans douleur ni complications. La cohorte LIVEHIV est un programme unique de dépistage de routine de la maladie hépatique chez des personnes vivant avec le VIH. « Nous avons découvert que la stéatose hépatique touche plus du tiers des personnes vivant avec le VIH », indique la Dre Giada Sebastiani, professeure adjointe au Département de médecine de la Faculté de médecine de l’Université McGill, et auteure principale de l’étude. « De plus, en réalisant un suivi au fil du temps, nous avons déterminé que les patients VIH+ sans co-infection au VHC développaient une stéatose hépatique plus fréquemment et plus rapidement que les patients co-infectés. »
Ces résultats ont des implications importantes, l’étude ayant démontré que les personnes atteintes du VIH peuvent développer une insuffisance hépatique terminale et nécessiter une greffe du foie même en l’absence d’hépatite C. « Les médecins qui suivent des patients atteints du VIH doivent savoir que plus du tiers d’entre eux sont susceptibles de présenter une stéatose hépatique, même s’ils ne sont pas infectés par l’hépatite C », ajoute la Dre Sebastiani, également chercheuse à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. « La stéatose hépatique peut entraîner une cirrhose et des dommages importants au foie, qui étaient beaucoup plus fréquents dans notre cohorte que dans la population générale. Des outils non effractifs comme le Fibroscan peuvent servir à dépister la stéatose hépatique et les maladies du foie chez les personnes vivant avec le VIH, et à promouvoir des choix sains comme la perte de poids et l’activité physique dans le but de prévenir l’insuffisance hépatique terminale. »
« Hepatic steatosis progresses faster in HIV mono-infected than HIV/HCV co-infected patients and is associated with liver fibrosis », Thomas Pembroke, et al, Journal of Hepatology, octobre 2017.
DOI:10.1016/j.jhep.2017.05.011