Viser le leadership : la vision de Lynne McVey quant à l’avenir et à l’influence mondiale des infirmières sur les soins de santé

Lynne McVey nous fait part de ses réflexions sur les soins infirmiers, la façon dont les infirmières peuvent transformer les politiques de santé, ce qui l’a nourrie au cours des 25 années passées dans l’administration des services de santé, et sa vision de l’avenir des soins infirmiers.

« Bienveillantes », « compatissantes », « fiables », « vaillantes » – voilà quelques-uns des mots souvent entendus lorsqu’on décrit les infirmières et la profession infirmière. Il n’y a là rien de surprenant, quand on sait que les membres du personnel infirmier ont été désignés comme les professionnels de la santé les plus respectés au pays deux ans de suite, selon Insights West polling.
 

Si vous demandez l’avis de Lynne McVey, présidente-directrice générale adjointe du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, il y a d’autres mots qu’elle voudrait voir associer plus souvent à la profession infirmière, comme « leader », « PDG » et « décisionnaire ». Pour Mme McVey, les infirmières peuvent – et doivent – prendre la place qui leur revient dans les hautes sphères de l’administration et de la politique en santé. Prodiguant 90 % de tous les services de santé aux plus de sept milliards de personnes dans le monde, les infirmières sont vraiment prêtes à occuper des postes de responsabilité et de décision, et à y exceller.

À l’occasion de la Semaine nationale des soins infirmiers au Canada, qui débute le 7 mai, Lynne McVey nous fait part de ses réflexions sur les soins infirmiers, la façon dont les infirmières peuvent transformer les politiques de santé, ce qui l’a nourrie au cours des 25 années passées dans l’administration des services de santé, et sa vision de l’avenir des soins infirmiers.

 

Pourquoi êtes-vous devenue infirmière?

Pendant mes études de premier cycle en physiologie à McGill, j’ai eu la chance de me voir offrir un poste d’assistante de recherche pour une grande étude épidémiologique. Recueillir les données de centaines de nouveau-nés chez eux auprès de leurs parents m’a appris qu’il y a des moments critiques où les jeunes familles ont besoin d’un soutien professionnel pour prévenir la maladie et composer avec des symptômes inattendus.

Le programme de maîtrise en sciences infirmières (entrée directe) de McGill offre ce type de formation professionnelle. J’ai décidé de m’inscrire à ce programme et de devenir infirmière.

Une formation complémentaire et une bourse de recherche en administration des services de santé à l’École Wharton de l’Université de Pennsylvanie m’ont préparée à poursuivre ma carrière comme gestionnaire des services de santé, directrice générale et maintenant présidente-directrice générale adjointe.

Quel que soit le poste que j’occupe dans le réseau de la santé, je suis toujours fière d’ajouter les lettres « inf. » à la fin de ma signature.

 

D’après vous, quel est le principal mythe concernant les infirmières ou les soins infirmiers?

La plupart des gens ne croient pas que les interventions des infirmières sauvent des vies et contribuent de manière importante au rétablissement du patient.

Il est pourtant prouvé scientifiquement que lorsque les infirmières et les médecins unissent plus efficacement leurs efforts, moins de gens décèdent et les taux de mortalité peuvent être réduits de 40 %! Cet effet puissant n’a pourtant pas encore été bien compris ou mis en œuvre pour le bien de la population.

Quand, en tant qu’infirmières, nous réussirons à faire la une des journaux en raison de l’importance de notre travail et du fait qu’il sauve des vies, la profession infirmière deviendra une carrière de premier choix pour les jeunes.

 

À propos des grands titres sur les infirmières surchargées, épuisées et autres, qu’est-ce qui doit changer selon vous? 

Les grands titres qui parlent des infirmières surchargées ne rendent pas vraiment notre profession attrayante pour les jeunes. Nous avons une responsabilité et un rôle à jouer pour mettre en valeur le fait que les infirmières et les autres professionnels de la santé sauvent des vies. Les infirmières, les médecins et les autres professionnels d’ailleurs sont tous à divers moments surchargés et épuisés. Je l’ai été moi aussi à plusieurs occasions dans ma carrière. Dans la grande majorité des cas, c’est dû aux postes prévus au budget qui sont laissés vacants et qui mènent à une pénurie de personnel.

Attirer les jeunes vers les professions de la santé en présentant ces dernières comme des carrières de choix est une responsabilité que nous partageons tous en tant que citoyens soucieux de préserver notre système de santé public.

 

Qu’est-ce qui doit être fait en termes de politiques sur les soins infirmiers?

Grâce au leadership de notre directrice nationale des soins infirmiers, Mme Sylvie Dubois, on peut voir les politiques influencées par trois projets pilotes provinciaux qui étudient l’impact du ratio patients-infirmière sur les résultats cliniques.

Il existe une foule de recherches qui démontrent un effet positif sur la prévention des décès et la réduction des complications quand les infirmières s’occupent d’au plus cinq patients à la fois. C’est avec ces projets pilotes au Québec que nous voyons, pour la première fois, des résultats de recherche influencer des politiques par une direction concertée.

On a aussi besoin de développer des politiques similaires pour l’avenir des infirmières praticiennes au Québec. Je suis enchantée d’assister à la création de postes d’infirmières praticiennes en santé mentale dans notre province. Même si nous avons réussi à diminuer les taux de mortalité par suicide au cours des dernières années, le suicide représente encore entre 22 % et 30 % de tous les décès chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans. En se joignant aux médecins de famille, psychologues, psychiatres et autres professionnels de la santé, les infirmières praticiennes feront une différence dans la prévention du suicide.


Comment les infirmières peuvent-elles s’impliquer davantage dans l’élaboration des politiques?

Les infirmières qui choisissent de faire carrière en administration des services de santé, qui se portent candidates à des postes de PDG ou de hauts fonctionnaires et qui y sont nommées ont une véritable occasion de participer à l’élaboration des politiques.  

Nous n’avons pas encore atteint notre plein potentiel de mobilisation autour des membres de notre profession qui parviennent à de tels postes. Il est primordial que les acteurs administratifs, cliniques et universitaires parviennent à un consensus pour ensuite pouvoir influencer et défendre des politiques qui mettront en valeur le rôle de premier plan que jouent les infirmières pour sauver des vies.

Je pense que nous avons beaucoup à apprendre de nos collègues médecins dans ce domaine.


Quelles sont les approches adoptées par les infirmières pour provoquer des changements de politiques?

Comme Annette Kennedy, présidente du Conseil international des infirmières, l’a dit à Barcelone en mai 2017 : « Nous devons être présentes dans tous les forums pour influencer les politiques de santé. Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous atteindrons notre objectif. »

J’ai pu assister et participer directement à un processus pour influencer un mouvement auprès des directrices de soins infirmiers au Québec en 2009, alors que nous étions la seule province à ne pas avoir de directrice provinciale des soins infirmiers aux tables ministérielles pour influencer les politiques. En tant que coprésidente fondatrice de l’Association des directeurs et directrices de soins infirmiers du Québec, j’ai codirigé une série de rencontres avec le gouvernement et assuré le leadership qui nous a permis de mobiliser nos efforts pour amener le gouvernement à créer un tel poste. Nous avons ainsi pu assister en septembre 2011 à la toute première nomination d’une directrice nationale des soins infirmiers au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.

En tant qu’infirmières, ce type de mobilisation pour atteindre nos objectifs est essentiel dans notre marche vers l’avenir. 


Qu’est-ce qui vous a aidé pendant ces 25 années que vous avez passées dans l’administration des services de santé?

En tant que citoyenne du Québec et du Canada, j’ai compris au fil des ans toute la valeur de notre système public de santé et de services sociaux, qui est un trésor national dont la préservation passe par l’investissement et, de notre part à tous, la décision de le soutenir jour après jour. Ce soutien prend la forme des impôts que nous payons ou des décisions que nous prenons sur la façon de recevoir les soins de santé dont nous avons besoin.

Notre système public de santé et de services sociaux est l’épine dorsale de notre société démocratique qui fait l’envie des citoyens des autres pays du monde.

C’est un privilège de travailler à préserver ce trésor national qui donne du sens à mon travail, me motive et me soutient en tant qu’administratrice des services de santé. Savoir qu’un patient et sa famille peuvent bénéficier de soins vitaux sans supporter en plus le poids d’une possible faillite personnelle en finançant ces soins est une grande motivation pour moi.

 

Si vous pouviez revenir en arrière, que vous diriez-vous à l’aube de votre carrière?

Je me dirais de ne jamais, jamais abandonner et de saisir les opportunités de carrière d’une infirmière devenant PDG ou haute fonctionnaire.

 

Quelle est votre vision de l’avenir des soins infirmiers, et que faut-il pour que cette vision devienne réalité?

Ma vision comporte deux volets. D’abord, je vois les infirmières comme de véritables partenaires dans les forums décisionnels et dans la prestation de soins aux patients. L’enseignement interprofessionnel au niveau universitaire est une avenue prometteuse pour atteindre cet objectif. Grâce au leadership combiné du doyen Eidelman, MDCM, des vice-doyens et des directeurs des écoles de la Faculté de médecine, dont Anita Gagnon, inf., Ph. D., de multiples efforts sont déployés à McGill pour mettre cela en place, ce qui est très enthousiasmant.

Quand des infirmières, des médecins, des physiothérapeutes, des orthophonistes et des ergothérapeutes étudieront ensemble dans les mêmes classes, le partenariat entre eux pour le bien des patients se fera naturellement une fois qu’ils se retrouveront dans le réseau de la santé. Nous pourrons alors mettre fin aux idées fausses qui existent aujourd’hui dans nos professions respectives, et finalement sauver plus de vies. 

Ensuite, je vois des infirmières qui visent à atteindre des postes de PDG et de hautes fonctionnaires au sein de notre système public de santé et de services sociaux. Je vois tous les membres de la profession infirmière se regrouper autour de ces leaders pour influencer les politiques et ainsi dessiner un avenir où nous pourrions un jour voir une infirmière élue ministre de la Santé et des Services sociaux au Québec! 

 

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