Répercussions du nouveau modèle de tarification pour les étudiants hors Québec sur le financement et la fréquentation des universités – le point sur la situation

Aux membres de la communauté mcgilloise,   

Depuis que le gouvernement du Québec a annoncé le nouveau modèle de tarification pour les étudiants hors Québec le 13 octobre dernier, nous nous employons à analyser les répercussions potentielles de ces changements sur le financement et la fréquentation des universités, plus particulièrement du point de vue de l’Université McGill. Voici ce que révèle notre analyse préliminaire.    

Si le gouvernement met en œuvre les changements proposés – qui feront passer de 8 992 $ à environ 17 000 $ les droits de scolarité des étudiant(e)s canadien(ne)s venant d’une autre province et qui modifieront le modèle de financement des universités, puisque Québec récupérera une plus grande part des droits de scolarité de l’effectif étudiant international – les conséquences pour l’Université McGill seront très importantes. Il n’y a qu’à penser à la chute du nombre d’étudiant(e)s inscrit(e)s, à la perte importante de revenus, aux conséquences dévastatrices sur certaines facultés et à l’interruption ou à la réévaluation de certains projets d’infrastructure d’envergure.   

Plus important encore, les changements annoncés par le gouvernement du Québec sont une menace à la culture même de l’Université McGill, puisqu’ils auront pour effet de modifier la composition de notre population étudiante et l’expérience de celle-ci sur nos campus.    

Avant d’entrer dans les détails, je tenais à vous assurer que l’Université McGill demeure résolue à collaborer avec le gouvernement du Québec afin de trouver des solutions plus efficaces qui permettront à ce dernier d’atteindre ses objectifs, soit de promouvoir et de protéger la langue française tout en consolidant le réseau universitaire provincial.   

Voici quelques-unes des principales conséquences qu’auront les changements annoncés sur l’Université McGill :   

Le nombre d’inscriptions à l’Université McGill chutera : Nombre d’étudiant(e)s canadien(ne)s non-résidents du Québec (CNRQ) ne viendront vraisemblablement pas étudier à l’Université McGill étant donné que les droits de scolarité exigés en 2024 pour des programmes comparables y seront nettement plus élevés que dans d’autres universités canadiennes. Nous travaillons à élargir notre clientèle provenant du Québec et d’autres pays du monde pour combler le manque à gagner. Selon nos estimations les plus optimistes, tout au plus 80 % des places laissées vacantes par les étudiant(e)s d’ailleurs au Canada seront ainsi revendiquées, et cette proportion ne dépasserait pas 20 % dans le pire des scénarios, d’où une diminution nette de l’effectif étudiant mcgillois.   

Les revenus annuels provenant des inscriptions s’effondreront : Notre analyse indique que la perte de revenus associés aux droits de scolarité sera de l’ordre de 42 à 94 millions de dollars par année, dont 24,5 millions de dollars uniquement en droits de scolarité d’étudiant(e)s de l’étranger. En ce qui concerne les étudiant(e)s CRNQ, les répercussions financières des changements annoncés seront en fonction de nombreux facteurs, mais on estime que cette clientèle diminuera de 20 à 80 %, ce qui se traduira par une perte annuelle de revenus allant de 17,6 à 69,8 millions de dollars.   

Certaines facultés ne compteront plus aucun(e) étudiant(e) d’ailleurs au Canada, et ne pourront rien y faire : Le coup sera particulièrement dur pour l’École de musique Schulich, dont la population étudiante au premier cycle provient à près de 40 % de l’extérieur du Québec. Les nouveaux droits de scolarité, perçus comme prohibitifs, seront vraisemblablement un frein au renouvellement de la clientèle, ce qui mettra en péril l’avenir de l’École. La Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement, la Faculté des sciences de l’éducation et les programmes interfacultaires de baccalauréat ès arts ou ès sciences seront aussi grandement pénalisés.   

Des mesures visant à préserver la stabilité financière de l’Université McGill devront être prises : Étant donné les turbulences financières engendrées par les changements annoncés aux droits de scolarité, il faudra prendre des mesures, notamment geler l’embauche, possiblement réduire de 650 à 700 le nombre d’emplois, reporter des dépenses prévues et procéder à d’autres réductions des dépenses non liées à la rémunération. Il va sans dire que nous mettrons tout en œuvre pour conserver le plus d’emplois possible.   

La réalisation de grands projets d’infrastructure sera compromise : La perte de revenus anticipée réduira notre capacité d’emprunt et de remboursement de la dette. De plus, le coût d’emprunt pour financer les projets d’infrastructure augmentera. De ce fait, l’Université pourrait être contrainte de reporter certains d’entre eux. Déjà, les banques ont haussé le taux d’intérêt à long terme imposé à l’Université à la suite de l’annonce gouvernementale. 

Les équipes universitaires seront grandement touchées : Il nous faudra peut-être dissoudre ou amputer certaines équipes des Redbirds et des Martlets, étant donné que le tiers de nos étudiant(e)s-athlètes viennent de l’extérieur.    

Aujourd’hui plus que jamais, le Québec doit pouvoir compter sur un réseau universitaire dynamique. Chaque université se distingue par son apport à la société, son identité et son rôle dans l’édification de notre province. Pour assurer l’essor de l’économie, maintenir notre niveau de vie, déjà fort enviable, promouvoir la langue française et protéger notre culture, il faut que les assises de toutes nos universités soient solides.     

Pour attirer des talents et des investissements au Québec, exercer une influence à l’échelle mondiale et garantir un avenir prometteur aux générations futures, on se doit de disposer d’un réseau universitaire de grande qualité. Il faut donc y injecter des sommes additionnelles plutôt que d’implanter des mesures qui ne font que rebrasser les cartes. Pierre Fortin, professeur émérite de sciences économiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), estime que les universités québécoises accusent un retard financier de 1,4 milliard de dollars par rapport à leurs pendants ailleurs au pays.    

Ici comme partout dans le monde, l’Université McGill est reconnue pour la qualité de son enseignement et de ses recherches : une tradition d’excellence qui se perpétue encore aujourd’hui. Cette réputation enviable repose sur une communauté aussi extraordinaire que diversifiée – population étudiante, corps professoral, personnel administratif et de soutien – l’image même de l’Université McGill.    

L’incertitude qui a marqué ces dernières semaines ne fait que renforcer ma détermination à faire en sorte que l’Université McGill demeure l’une des meilleures au monde, une terre d’accueil pour les meilleurs étudiant(e)s du Québec, du reste du Canada et des quatre coins du monde.     

Cordiales salutations,  

   

Deep Saini  
Principal et vice-chancelier 
Université McGill

 

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