Ce texte d’opinion a été publié en français dans Le Devoir le 27 novembre 2023
Le 13 octobre dernier, le gouvernement du Québec a annoncé son intention de plus que doubler les droits de scolarité exigés des étudiants canadiens universitaires hors Québec et d’imposer une récupération des droits de scolarité versés par les étudiants internationaux. Fièrement québécoise, l’Université McGill fournit de nombreuses et importantes contributions à la société. Tout en étant ancrée au Québec, elle assume un rôle de calibre mondial en enseignement supérieur et en recherche fondamentale. À ce titre, les mesures proposées par le gouvernement risquent de nuire gravement à la capacité de l’Université de promouvoir le français, de renforcer l’économie et de faire rayonner le Québec, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde.
Avant même que la nouvelle politique du gouvernement soit adoptée, les répercussions se font déjà sentir. L’agence de notation Moody’s a donné un avertissement concernant les conséquences importantes de cette décision sur la cote de crédit de l’Université. En effet, une augmentation des taux d’intérêt pour nos projets d’infrastructure en cours coûterait à McGill et au gouvernement plusieurs dizaines de millions de dollars.
Nous partageons la volonté du gouvernement de protéger et de promouvoir la langue française. D’ailleurs, bien avant l’annonce de ces mesures, l’Université avait présenté son plan de francisation à la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry. Le programme Rayonnement du français, qui représentait un investissement de 50 millions de dollars sur cinq ans pour la francisation des membres de la communauté mcgilloise, était au centre de cette volonté.
Malgré les difficultés actuelles, l’Université maintient son engagement de protéger et de promouvoir le français. Le 6 novembre dernier, nous avons présenté, conjointement avec les autres universités anglophones, une proposition visant à aider les étudiants non francophones de l’extérieur du Québec à mieux s’intégrer à la société québécoise, sur le plan tant linguistique que culturel.
Un récent sondage montre d’ailleurs que 64 % des Québécois préfèrent que l’on francise les étudiants de l’extérieur du Québec plutôt que de doubler leurs droits de scolarité. Le gouvernement a l’occasion de faire des universités anglophones de véritables partenaires dans la promotion du français, pourquoi ne pas la saisir ?
Ce que nous avons toujours souhaité, c’est de permettre aux plus grands talents de la planète de venir étudier à McGill, de choisir de rester au Québec et de contribuer à notre société. Bien que McGill ait une capacité extraordinaire d’attirer ces talents, elle se mesure néanmoins à d’autres universités. Si les droits de scolarité des étudiants de l’extérieur de la province augmentent comme le gouvernement le propose, les universités québécoises seront de loin les plus coûteuses au pays. Elles ne pourront tout simplement plus se mesurer à leurs homologues canadiennes dans la course aux meilleurs étudiants. Ainsi, la mesure proposée nuira non seulement à nos universités, mais aussi à notre capacité de recherche fondamentale et d’innovation, et affaiblira ainsi le Québec.
Il est important de rappeler que McGill est au coeur de nombreux réseaux de recherche, collaborant avec d’autres universités au Québec, au Canada et à l’étranger. Ces réseaux permettent le regroupement de talents, d’idées et de connaissances dont une économie a besoin pour se développer. McGill a ainsi contribué, en partenariat avec d’autres universités du Québec, à nourrir de riches écosystèmes d’innovation, par exemple dans les domaines de l’intelligence artificielle en créant Mila avec l’Université de Montréal, de la recherche médicale avec l’Université de Sherbrooke, ou des batteries avec l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Au moment où le Québec fait face à de nouveaux défis, le gouvernement doit permettre à l’Université McGill de continuer à promouvoir l’innovation dans les domaines d’avenir et à favoriser l’attrait des meilleurs talents, quelle que soit leur origine.
Il faut donner au Québec les moyens de ses ambitions. De notre point de vue, cela passe également par une plus grande confiance en la culture du Québec, et en sa richesse et sa vitalité. Les universités québécoises, tant francophones qu’anglophones, sont un vecteur de notre culture. Elles permettent à des milliers d’étudiants de tous les horizons de la découvrir, de s’en imprégner, puis de la partager tout au long de leur vie, et ce, partout où ils se trouvent.
Limiter l’accès aux études supérieures en exigeant des droits de scolarité trop élevés plutôt que d’accueillir, de franciser et d’intégrer les d’étudiants hors Québec à notre main-d’oeuvre est un non-sens. Cela ne ferait que freiner l’essor de notre économie et empêcherait notre culture de s’épanouir, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières.
Nous recommandons donc au gouvernement du Québec de reporter toute décision le temps d’étudier en profondeur la question des droits de scolarité, afin de s’assurer que ces derniers sont concurrentiels par rapport à ceux des autres universités canadiennes. L’avenir du Québec en dépend. L’économie et la prospérité du Québec dépendent de la contribution unique de chaque université.