La perturbation du transport de calcium dans le cerveau serait associée à l’autisme et à la déficience intellectuelle. C’est ce que révèle une nouvelle étude d’une équipe de recherche de l’Université McGill. Publiées dans la revue Nature, les conclusions chamboulent non seulement une croyance bien implantée chez les neuroscientifiques, mais elles pourraient aussi ouvrir la voie à de nouveaux traitements.
Les scientifiques ont découvert que de minuscules structures protéiques sur les cellules cérébrales, connues sous le nom de récepteurs AMPA, peuvent transporter du calcium. Bien que de précédentes études aient émis l’hypothèse d’un lien entre les perturbations dans la signalisation calcique et les troubles neurologiques, le rôle précis des récepteurs AMPA dans le transport du calcium et la manière dont les mutations de ces récepteurs contribuent à l’autisme et à la déficience intellectuelle n’avaient pas été établis auparavant, selon l’auteur principal Derek Bowie, professeur au Département de pharmacologie et de thérapeutique de l’Université McGill.
« La plupart des gens savent que le calcium est vital pour la santé des os, mais dans le cas du cerveau, le calcium est une molécule de signalisation essentielle qui régit l’apprentissage et la mémoire. Notre étude est la première à montrer que les perturbations dans le transport du calcium par l’entremise des récepteurs AMPA peuvent être à l’origine de l’autisme et de la déficience intellectuelle », affirme Derek Bowie.
« Par ailleurs, l’étude propose de nouvelles orientations pour les stratégies thérapeutiques visant à corriger ces déséquilibres calciques. »
Un regard neuf sur la science de l’apprentissage et de la mémoire
Pendant plus de 30 ans, les scientifiques pensaient que les récepteurs AMPA ne pouvaient pas transporter de calcium. Ils sont parvenus à cette conclusion bien avant la découverte des protéines « auxiliaires » qui interagissent avec ces récepteurs dans le cerveau. Les auteurs de l’étude ont été étonnés de constater que cette hypothèse n’avait jamais été reconsidérée.
Pour remettre en cause la théorie actuelle, l’équipe de l’Université McGill a recréé des récepteurs AMPA en laboratoire en incorporant ces protéines auxiliaires pour en reproduire l’état naturel dans le cerveau. Les données expérimentales ont ensuite été modélisées par le laboratoire d’Anmar Khadra, professeur au Département de physiologie de l’Université McGill. Ensemble, ils ont découvert que les récepteurs AMPA sont non seulement capables de transporter le calcium, mais que leur capacité à le faire est de loin supérieure à ce que l’on pensait auparavant.
« Notre découverte signifie que tous les manuels portant sur cette fonction cérébrale devront être révisés afin de prendre en compte nos conclusions », souligne Derek Bowie.
- ARTICLE CONNEXE : Une étude fait la lumière sur la transmission synaptique du calcium, processus en cause dans certaines affections neurologiques
Les scientifiques précisent qu’au-delà de leur lien avec l’autisme et la déficience intellectuelle, les récepteurs AMPA jouent un rôle dans une gamme de troubles neurologiques, notamment la sclérose latérale amyotrophique (SLA), le glaucome, la démence et le glioblastome multiforme, un cancer du cerveau. Cette percée ouvre la voie à la mise au point de médicaments ciblant les récepteurs AMPA : une source d’espoir pour les patients présentant ces pathologies.
L’étude
L’article « GluA2-containing AMPA receptors form a continuum of Ca2+-permeable channels », par Federico Miguez-Cabello, Derek Bowie et coll., a été publié dans Nature.
L’étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Fonds de recherche du Québec, la Fondation CureGRIN et le Fonds de recherche SynGAP.
Photo de gauche à droite: Derek Bowie, Xin-tong Wang, Federico Miguez-Cabello