Un traitement pour l'anorexie mentale ?
Des scientifiques de l’Université McGill, en collaboration avec une équipe française composée de membres du CNRS, de l’INSERM et de Sorbonne Université, croient avoir cerné le mécanisme sous-jacent à l’anorexie mentale et trouvé un traitement possible.
Publiées cette semaine dans la revue Nature Communications, les conclusions de l’équipe internationale pourraient permettre d’améliorer la vie de millions de personnes partout dans le monde. Ce trouble alimentaire commun, qui affecte surtout les femmes, est la maladie psychiatrique qui présente le plus haut taux de mortalité.
En travaillant avec des souris, les chercheurs ont constaté qu’un déficit en acétylcholine, neurotransmetteur présent dans une zone du cerveau associée au système de récompense appelée striatum, pouvait induire des comportements excessifs et entraîner la privation alimentaire stricte et volontaire que l’on observe chez les personnes atteintes d’anorexie mentale.
Le Dr Salah El Mestikawy, professeur de psychiatrie à l’Université McGill, chercheur au Centre de recherche Douglas et auteur en chef de l’article, mentionne que l’équipe de recherche a voulu savoir si l’emploi du donépézil, médicament qui augmente la concentration d’acétylcholine dans le cerveau, pourrait avoir un effet sur ces comportements compulsifs autodestructeurs.
« Nous avons remarqué que ce médicament inversait complètement le comportement associé à l’anorexie chez la souris, et nous croyons qu’il pourrait être utilisé dans le premier traitement de l’anorexie mentale basé sur les mécanismes. En fait, nous constatons déjà les effets du médicament sur certains patients atteints de cette maladie. »
La santé des patients atteints d’anorexie s’améliore grâce au donépézil
Menées par la Dre Leora Pinhas, psychiatre indépendante, des études en cours à Montréal et à Toronto donnent des résultats positifs pour dix patients atteints d’anorexie mentale grave traités avec de faibles doses de donépézil. En effet, trois de ces patients sont en rémission complète, et l’état des sept autres s’est nettement amélioré.
Des essais cliniques à double insu, visant à comparer les résultats de patients traités par placebo avec ceux de patients prenant le médicament, devraient être menés cette année à l’Université Columbia, à l’Université de Denver et au centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris.
Toutefois, le Dr El Mestikawy prévient qu’en raison du temps que prendront les essais cliniques et l’approbation gouvernementale, il pourrait s’écouler des années avant qu’un nouveau médicament puisse être utilisé pour traiter les patients anorexiques.
Vers un traitement pour d’autres maladies caractérisées par un comportement compulsif?
Le Dr El Mestikawy précise que le donépézil produit de nombreux effets indésirables gastro-intestinaux et musculaires. C’est pourquoi l’équipe de recherche de l’Université McGill travaille avec l’équipe française, dirigée par Stéphanie Daumas et Nicolas Pietrancosta de l’Université Sorbonne – coauteurs de l’étude –, à l’élaboration d’un nouveau médicament ayant moins d’effets indésirables.
« Nous pensons que le donépézil pourrait également être utilisé pour d’autres pathologies, comme les troubles obsessionnels compulsifs et les dépendances, et nous cherchons activement à collaborer avec des psychiatres de partout dans le monde pour explorer ces possibilités », indique le professeur.
L’étude
« The human VGLUT3-pT8I mutation elicits uneven striatal DA signaling, food or drug maladaptive consumption in male mice », par Mathieu Favier et coll., a été publiée dans la revue Nature Communications.