Un entretien avec Ashkan Behzadi

Non seulement le compositeur Ashkan Behzadi est-il finaliste pour le Concours Graham Sommer, mais il a également complété un baccalauréat en architecture à Téhéran ! Lisez ce profil et apprenez-en davantage à propos de ses réflexions sur le parallèle entre l’architecture et la musique, et sur la représentation d’idées extramusicales dans le processus de composition, entre autres.

Même si le compositeur irano-canadien Ashkan Behzadi décrit sa toute première composition comme étant « immature et naïve », on ne peut certainement pas dire la même chose de sa production actuelle. Ses œuvres sont jouées par des ensembles à travers le monde entier, incluant l’ensemble Oerknal et TAK, et plus récemment il fut nommé finaliste du Concours Graham Sommer pour jeunes compositeurs.

Ashkan commence à explorer la composition à l’âge de 13 ans, alors que son professeur de piano de l’époque l’encourage à écrire de plus en plus. Éventuellement, il en apprend plus à propos du processus créatif de ses compositeurs favoris, et après avoir étudié et imité le style de Bach, de Debussy et de Rachmaninov, c’est l’œuvre de Bartók qui le motive à suivre des cours de composition. Plus tard, il décide de faire carrière en composition et poursuit donc cette passion à l’université, étudiant à l’École de musique Schulich de l’Université McGill et au Columbia University, où il est actuellement doctorant. Toutefois, avant ses études en composition, Ashkan a complété un baccalauréat en architecture à Téhéran.

En pensant à cette époque de sa vie, il explique qu’il ne lui reste qu’un souvenir très vague de ses études en architecture. « Quand je ressors mes vieux croquis et mes travaux scolaires, je suis toujours surpris de la manière dont je dessinais les édifices », décrit Ashkan. « Néanmoins, d’un point vue théorique, je crois que le processus de composition est en fait assez semblable au processus architectural entrepris lorsqu’on dessine un édifice – un ensemble de musiciens, c’est un peu comme le paysage architectural! Comme un architecte, le compositeur commence avec des croquis, des esquisses, et aussitôt qu’on a une idée globale de ce qu’on veut construire, on approfondit les détails de la construction. Le travail détaillé, et la qualité de l’implication avec ces détails sont tant de parties essentielles du processus de création qui donne la structure au produit final. Aussi, tant les compositeurs que les architectes sont appelés à régler des problèmes d’ordre pratique et à faire face à d’importantes limitations ».

Il n’est pas rare qu’un compositeur cite son ethnicité comme ayant influencé le travail de composition. Sur ce thème, Ashkan explique qu’il tente de ne pas trop s’en faire avec les questions de représentation d’idées non musicales dans son travail. « Si je deviens trop préoccupé par la représentation — ou la non-représentation — de mon identité culturelle ou nationale dans ma musique, je risquerais de perdre ma relation intime avec le matériau de mon travail, ainsi que ma proximité avec la texture musicale de mon métier. Ce constat m’a poussé, d’une part, à m’éloigner de plus en plus de l’incorporation directe de matériau extramusical dans mon travail et, d’autre part, à me plonger de plus en plus profondément dans cette sphère où l’on “pense à partir de l’intérieur de la musique”, ou encore à partir “des problèmes inhérents de la forme”, comme Theodor Adorno l’a si bien dit. Donc, pour ce qui est des problèmes d’identité, de frontières et de limites, l’enjeu pour moi réside dans la nature changeante de l’identité et des frontières qui ont représenté la musique, historiquement et traditionnellement.

«Ceci étant dit, je suis conscient du fait que“penser à partir de l’intérieur de la musique” présente son propre lot d’embûches et de limites, à moins que ses principes se distinguent minutieusement de “ l’art pour l’art ”. À mon avis, il est clair qu’en tant que compositeur, on doit constamment réfléchir à la signification et à la vérité d’une œuvre, et on doit évaluer — de manière critique — l’aliénation inévitable que représente le rôle de compositeur. Le compositeur est un personnage qui produit un objet joué par quelqu’un d’autre, pour être enfin consommé par une tierce personne dans une salle de concert ou par l’intermédiaire d’un enregistrement. Il est donc primordial de maîtriser le méandre des relations de production et de consommation du monde dans lequel nous vivons. De fait, l’expression “penser à partir de l’intérieur de la musique” rehausse l’importance de la signification dans chaque composition; le fait que dans chacune d’entre elles se trouve un moment d’autoréflexion qui tient compte des conditions du possible, et de l’impossible, pour un certain genre musical à un certain moment historique. En revanche, cette expression met également l’accent sur cette forme de la pensée, très particulière et inhérente à la force expérientielle de l’œuvre, et qui ne peut être redécouverte qu’à travers une critique des divers outils, techniques, formules musicales ou arrangements qu’un compositeur utilise pour concevoir une œuvre.»

En plus de ses activités en lien avec le Concours Graham Sommer, les prochains projets d’Ashkan incluent une pièce pour accordéon et deux percussions écrite pour le Trio K/D/M, une œuvre pour voix en gaélique, un éventuel concerto pour orchestre de chambre avec le Oerknal Ensemble et un cycle (d’une durée d’une heure) pour voix et violon basé sur une sélection de poèmes d’amour persans.

Écoutez une sélection de ses compositions sur SoundCloud.

Headshot of Ashkan Behzadi

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