Droit comparé canadien

Une enquête sur les échanges entre le droit civil et la common law à la Cour suprême du Canada.

Introduction

L’objectif de ce projet, financé généreusement par une subvention du Fond pour le Droit de demain de l’Association du barreau canadien, est d’effectuer une reconnaissance des échanges entre le droit civil et la common law au sein de décisions privilégiées, tant historiques que contemporaines, de la Cour suprême du Canada. Le projet étudie la manière dont la relation entre les deux traditions a été conceptualisée et mis en place à des moments différents de l’histoire de la Cour suprême. On se questionne, par exemple, quelles ont été les tendances prédominantes de la conversation et comment celles-ci ont changé à travers les 150 ans d’histoire de cette institution « bi-juridique » ? Que-ce qui est distinctif du droit comparé canadien ?

L’élan initial pour cette enquête provient de la divergence entre les opinions du juge Nicholas Kasirer et du juge Russell Brown dans CM Callow c. Zollinger[1], et Wastech Services Ltd c. Greater Vancouver Sewerage and Drainage Disctrict[2], des affaires provenant de l’Ontario et de la Colombie britannique respectivement, deux juridictions de common law, concernant le droit des contrats. Selon le juge Kasirer, « la comparaison entre la common law et le droit civil, au fil de leur évolution au Canada, est un exercice qui est particulièrement utile » pour la Cour. Il continue, « Les principes tirés de la common law ou du droit civil peuvent servir de “source d’inspiration’’ pour l’autre … [et comme une] occasion d’établir un “dialogue”»[3]. Il démontre comment l’exigence contractuelle de la bonne foi du droit civil peut aider à mieux interpréter et appliquer l’obligation d’honnétêté dans le droit des contrats en common law.

Contrairement, le juge Brown est d’avis qu’un tel exercise, est «inutile, malavisé et totalement injustifié»[4]. Selon le juge Brown, le droit civil et la common law constituent « deux énormes casse‑tête… [dont] les pièces… sont taillées différemment, de sorte que celles de l’un ne peuvent pas s’imbriquer (ou, du moins, s’imbriquer facilement) dans l’autre »[5]. Donc, s’engager dans une comparaison peut seulement mener à la confusion et augmenter le coût de la justice[6]. Seulement là où il y a une « lacune » démontrable, un tel exercise peut-il être utile ou instructif[7]. Anticipant cette objection, le juge Kasirer a pointé à la difficulté d’établir l’existence d’une lacune dans le droit, et il est critique de la notion même du besoin de trouver une lacune afin d’avoir recours à la consideration d’une autre tradition juridique[8].

La position du juge Kasirer peut être characterisée comme « polyjurale », tandis que celle du juge Brown est « monojurale »[9]. Cependant, cette dichotomie n’est pas exhaustive. Comme l’a démontré notre recherche, il y a plusieurs refractions différentes aux manières selon lesquelles les relations entre les deux traditions ont été concéptualisées et exprimées à travers le temps. Dans ce qui suit, on tient un prisme aux jugements de la Cour suprême depuis son inception en 1875 à aujord’hui et tentons de décrire les multiples réfractions. On procède en divisant la jurisprudence en cinq périodes (1875-1910, 1910-1950, 1950-1980, 1980-2000, 2000-20002) et après en identifiant et analyzant les affaires principales en droit comparé de style canadien pour chaque période. Certaines conclusions préliminaires peuvent être tirées sur la base des 10 études de cas (deux pour chaque période) dans la section suivante. On ajoute que ces conclusions sont, dans les meilleures des cas, provisoires, car il reste du travail a faire en ce qui a trait à la détermination des variétés dans le raisonnement du droit comparé dans le contexte canadien.

L’équipe de recherche « Droit comparé canadien » a été composée de David Howes (de l’Université Concordia et professeur adjoint de l’Université McGill) comme chercheur principal et les professeur.e.s. Rosalie Jukier, Mark Antaki (les deux de l’Université McGill), Alexandra Popovici (Université de Sherbrooke) et Catherine Valcke (Université de Toronto) en tant que co-chercheuses et chercheurs, ainsi que cinq étudiant.e.s. dans le programme BCL/JD (ou « transsystémique ») à l’Université McGill : Grace Forster, Joseph Ho, Garima Karia, Mario Michas et Andrea Pavaluca, dont leurs

 

[1] CM Callow c Zollinger, 2020 CSC 45 [Callow].

[2] Wastech Services Ltd c Greater Vancouver Sewerage and Drainage District, 2021 CSC 7 [Wastech].

[3] Callow, supra note 1 au para 60, juge Kasirer.

[4] Wastech, supra note 2 au para 115, juge Brown.

[5] Callow, supra note 1 au para 162, juge Brown.

[6] Ibid au para 170, juge Brown.

[7] Ibid au para 163, juge Brown.

[8] Ibid au para 59, juge Kasirer.

[9] David Howes, « From Polyjurality to Monojurality : The Transformation of Quebec Law, 1875-1929 » (1987) 32 RD McGill 523 à la p 525.

Le Centre Crépeau remercie la Chambre des notaires du Québec et le Ministère de la Justice Canada pour leur appui financier. 

  

 

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