Vous avez grandi sur une ferme, comment était-ce? Avez-vous toujours eu un intérêt pour la science?
L’enfance à la ferme familiale était occupée! On avait beaucoup de terre et beaucoup de tâches à l’extérieur et à l’intérieur. On égrenait le maïs, on fauchait le foin et on prenait soin de quelques centaines de têtes de bétail. C’était un super mode de vie rural et une belle façon de grandir. La science y était plutôt inexistante; j’ignorais même son existence en tant que carrière. Je dirais que ce qui s’en rapprochait le plus était l’émission de télé Quincy au sujet d’un expert légiste, que j’aimais beaucoup. Il avait un microscope et devait trouver de quoi les gens étaient morts. Je voulais être comme Quincy; c’était le meilleur emploi! C’est l’aspect mystère qui m’attirait, je voulais résoudre des choses.
Existe-t-il des parallèles entre l’agriculture et être une scientifique?
Selon moi, l’agriculture est la science originelle. On pratiquait la rotation des cultures, on traitait la kératite des bovins, et on aidait les vaches à vêler par exemple. Je m’intéressais spontanément au fonctionnement des choses et à leur croissance. Je pense que toute cette formation à être une agricultrice, à veiller à ce que les cultures poussent bien, à composer avec la météo et avec toutes les situations imprévues vous apprend à être vite sur vos patins et à être ingénieux – toutes des qualités parfaites pour un bon scientifique.
« Je suis une cultivatrice. J’ai grandi sur une ferme en Ontario et je pense que l’agriculture est la science originelle. »
Les mitochondries sont au cœur de vos travaux. Que sont-elles et pourquoi est-ce si important de les étudier?
À l’instar du corps humain, les cellules ont des structures internes, les organelles, qui réalisent des tâches spéciales. Les mitochondries sont des organelles, qu’on qualifie de « centrale énergétique de la cellule »; elles utilisent l’oxygène que nous respirons pour convertir le glucose et les lipides en énergie cellulaire. Les mitochondries effectuent aussi nombre d’autres tâches biochimiques. Elles ont leur propre ADN qui est un vestige de leurs origines en tant que bactéries.
À mon laboratoire, on s’intéresse surtout à la fonction et au comportement des mitochondries, afin de mieux comprendre les liens entre la dysfonction mitochondriale et des maladies comme la sclérose latérale amyotrophique, le parkinson, la sclérose en plaques et d’autres. On cherche aussi à identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques pour traiter la maladie dégénérative.
Selon vous, qu’est-ce que le succès en science?
On associe typiquement le succès en science à des variables comme la somme du financement que vous obtenez ou le nombre d’articles que vous publiez. Bien sûr c’est important, mais à mes yeux les deux signes prépondérants du succès sont, d’une part, ce qu’on transmet à ses stagiaires – leur insuffler la confiance, la capacité de découvrir les grandes questions et ancrer en eux l’idée qu’il reste beaucoup d’inconnues, et d’autre part, l’impact ou non de nos propres découvertes sur la compréhension de la maladie.
« L’important, c’est que si quelque chose vous intéresse et vous passionne, si votre cœur bat plus vite quand vous vous y consacrez – vous réussirez, c’est indéniable. »