Photo Marie NDiayeMarie NDiaye

(1967-...)

Dossier

Le roman selon Marie NDiaye 

Sur la crête du roman. Le discours de Marie NDiaye sur l'art du roman, par Xavier Phaneuf-Jolicoeur,  mars 2023

Quand on lui demande s’il y a un genre littéraire dans lequel elle se sent plus à l’aise, l’écrivaine française Marie NDiaye (1967- ) est formelle : « Sans hésitation, dans le roman »[1]. Or à côté de la quinzaine de romans qu’elle a publiés depuis 1985, qui lui ont valu le Femina en 2001 et le Goncourt en 2009, celle qui a décidé à l’âge de 17 ans de « [s]’obliger à n’être rien d’autre qu’un écrivain »[2] a aussi pratiqué la nouvelle, le livre jeunesse, le scénario, et connu le succès au théâtre, quoique, comme elle le rappelle, l’écriture dramatique ait toujours découlé de commandes et non de son désir propre[3].

On a pu la dire discrète[4], mais, au fil des années, NDiaye, qui est généreuse de commentaires sur sa pratique, a peu à peu produit un vaste discours sur celle-ci, presque exclusivement sous forme d’entretiens[5], dont une quarantaine ont été considérés dans la préparation de la présente étude. Ses réflexions se font alors inséparables de la réception de ses livres, s’organisant autour des questions qui lui sont posées, lesquelles en influencent la composition et la direction[6]. Ne s’esquivant presque jamais en entrevue, puisqu’ « on doit bien répondre à une question »[7] – même lorsqu’elle choque par son inconvenance[8] –, Marie NDiaye tente pourtant d’échapper aux catégorisations, insistant pour se dire « multiple »[9]. Elle s’exprime avec un souci de précision qui a pour envers une sorte d’humilité : « Parfois, en interviews, je sens que je n’ai pas les outils pour parler de littérature, n’ayant pas fait Normale sup ou de longues études. Alors je réponds le plus simplement possible »[10]. Mais cette simplicité apparente travaille, chez NDiaye, de concert avec la complexité, la profondeur. On le verra tout au long de ces pages, le roman se présente constamment, dans son discours, comme l’art d’un délicat équilibre.

Une crête assez épineuse :

NDiaye a commencé à écrire si jeune qu’il lui arrive déjà de revenir, avec un certain recul, sur l’évolution de son œuvre, et même sur son propre discours sur celle-ci, commentant alors des changements qu’elle associe à sa « maturité »[11]. Or ces réflexions, issues du jeu des dialogues avec les journalistes, font apparaître une série de points qui se présentent comme des nœuds fort significatifs dans son discours de romancière.

Ainsi, revenant en 2001 sur une première partie de son parcours, elle se déclare désormais en mesure de renoncer aux « perches » que représenteraient « la phrase difficile ou le recours au merveilleux »[12]. Similairement, elle exprime en 2009 sa lassitude « des belles phrases syntaxiquement irréprochables et longues », ardues : « après plus de vingt ans d’écriture, peut-être que je suis plus tranquille et que j’éprouve moins le besoin de montrer que je sais faire »[13]. Elle explique dans un autre des nombreux entretiens de l’année du Goncourt : « Maintenant que je mûris, je suis de plus en plus intriguée et intéressée par la bonté. Elle est plus difficile à comprendre que la cruauté, plus discrète et, par là, plus compliquée à décrire[14] ». À lire NDiaye, il semble que ces traits – si l’on résume : merveilleux, exigence « formelle », tonalité dramatique –, pourtant rattachés à la singulière recherche de son œuvre, soient parfois une échappatoire qui mène à éluder à peu de frais les problèmes romanesques, à éviter d’ « aller au bout de ce qu’on a créé »[15].

Or ce qui fait de ces enjeux, dont on voit que NDiaye les entrelace, de véritables nœuds dans son discours sur son travail, c’est non seulement la fréquence à laquelle ils y font retour, mais le fait que l’écrivaine ne cesse d’y apporter, chaque fois qu’elle est amenée à y revenir, des nuances, voire des contradictions. Ainsi, elle peut affirmer, en 2009, qu’elle a « du mal avec la réalité stricte, des histoires qui ne soient pas débordées par des choses étranges, inquiétantes, magiques »[16]. Elle insiste ailleurs sur le caractère essentiel à ses yeux du « style », « d’autant plus important aujourd’hui, à une époque où la littérature est menacée par les séries », ajoutant aussi que le « propre du roman est de mettre en scène des personnages qui souffrent, qui ont des troubles »[17]. Elle va même jusqu’à déclarer, en 2021 : « romanesquement, ce qui va mal est quand même plus intéressant que ce qui va bien » ; « les drames sont quand même souvent ce qui fonde l’art romanesque »[18].

Sans doute comprend-on mieux de telles variations non en tentant de documenter précisément les étapes de transformations diachroniques du point de vue de NDiaye, mais en décelant, dans les reprises et les tiraillements de ce discours, le symptôme de la tentative obstinée, poursuivie d’œuvre en œuvre, d’écrire à une intersection précaire :

Plus jeune j’avais l’impression qu’il était impossible d’être à la fois littérairement exigeante et accessible à un grand nombre de lecteurs, ou en tout cas j’avais l’impression que cela m’était impossible, alors que maintenant je vois bien comment on peut se tenir sur une crête assez […] épineuse […] entre une exigence littéraire et un plaisir de lecture. [J]’ai l’impression aussi que maintenant, avec le temps, je peux tout à fait envisager de décrire non pas uniquement le drame et la face sombre des choses, mais aussi leur envers et parler non seulement de la brutalité et de la méchanceté, mais aussi de la douceur et de la gentillesse alors que plus jeune ça m’était impossible parce que je trouvais ça trop dur aussi. C’est-à-dire qu’en général il est plus facile de décrire ce qui va mal que ce qui va bien, les mots viennent plus facilement, et il est oui plus facile quand on est jeune de décrire des ogres que des bonnes fées. Ça semble plus intéressant. Alors que maintenant je pense que je peux faire les deux. C’est là un peu que je situe la maturité[19].

NDiaye chercherait ainsi à établir une tension qu’expriment le à la fois, le entre, le mais aussi : « J’essaie de faire une trame où le réel et le merveilleux soient si intimement liés qu’on ne sache plus très bien où est l’un, où est l’autre »[20]. Il s’agit bien de « tenir sur une crête », comme elle l’affirme, reprenant dans un autre entretien la métaphore du relief accidenté, sans verser du côté d’une écriture adressée uniquement à celles et à ceux qui « ont suivi de grandes études » ni « tomber dans la simplicité »[21]. On l’aura compris, ces points d’inflexion que nous venons d’évoquer, loin d’être des indices d’incohérence, donnent au contraire à voir cette cime anguleuse et exiguë sur laquelle s’avance le roman ndiayen.

Exagérer pour savoir :

On ne s’étonnera pas, vu le rôle de cet équilibre vacillant chez elle, que l’ambiguïté soit centrale à la conception du roman de NDiaye, parente de l’étrangeté que la critique associe à son œuvre[22]. « J’aime, en art, l’oblique, l’ambivalent », répond-elle, interrogée sur la dimension féministe de ses livres et cherchant à échapper à une catégorisation a priori[23]. « C’est quand même la force de la littérature, la nuance », insiste-t-elle dans un entretien de 2021, « [s]’il n’y en a pas, on est dans autre chose, dans des récits édifiants »[24].

Mais il semble que cet intérêt pour l’équivoque ne soit pas attribuable à une réticence à révéler certains éléments à la lecture. L’écrivaine trouve plutôt dans cette ambiguïté une façon d’être fidèle à un rapport au monde qui déborde son écriture romanesque. « Il me semble éprouver cela dans la vie », explique-t-elle, « que nos souvenirs sont peu sûrs, notre mémoire des visages et des choses dites, bien trompeuse »[25]. Il s’agirait, alors, non pas de la recherche d’un effet d’insolite, par la soustraction, mais d’une attention accrue à certains aspects de l’existence. Parlant de sa préférence pour « les fins ouvertes, ambiguës », NDiaye explique : « Quand on laisse une fin soit ouverte, soit trouble, on est beaucoup plus réaliste, car nos vies ne sont au fond pas closes sur elles-mêmes »[26]. Et elle revient dans un entretien récent sur son intérêt pour l’ambiguïté – et sur ce réalisme qu’elle lui attribue :

[I]l me semble qu’en pratiquant ainsi je suis une écrivaine hyper-réaliste, c’est-à-dire il me semble que nos vies sont pleines de sentiments ambigus, d’ambivalences, d’incertitudes quant à ce que pensent les autres à notre sujet, d’incertitudes parfois quant aux sentiments qu’on porte aux autres. Il me semble qu’on évolue toujours dans des mondes mouvants où oui, les sentiments sont parfois certains puis se délitent, et on ne les reconnaît plus […][27].

Le préfixe « hyper- », associé au réalisme, réitère et renforce ce que disait plus haut le « beaucoup plus » ; il s’agit de pousser plus loin, démesurément, l’attention au monde[28]. Le roman passerait alors par l’insistance sur l’impression de flou et d’ambiguïté ressentie dans la vie réelle : « J’exagère ce sentiment dans mes romans, j’en fais une hyperbole[29] ».

Mais, à la lumière de cette exagération romanesque ndiayenne, nous apercevons aussi mieux la relation qui unit l’équivoque à un autre aspect de son œuvre, la « cruauté ». Car si ce trait évoque d’emblée des propos de ses personnages qui sont moins voilés qu’inconfortablement directs, il semble qu’il s’agisse encore d’exagérer. L’excès tiendrait alors au fait de dire ce qu’à l’accoutumée on tait, même les pensées les plus fuyantes :

[…] Contrairement à ce qui se passe dans la vie, on dit ce qu’on ne dit pas – on exprime ce qu’en général on se contenterait de penser […]. Qu’on puisse exprimer ce qui relèverait plutôt de la vague impression, d’un sentiment de plaisir, de déplaisir, et qui serait informulable pour des raisons de décence, de délicatesse, de gentillesse ou d’impossibilité ou autre... / Ce qui m’intéresse c’est d’aller droit au but, même si il y a des sortes de codes du roman, et il faut parfois un peu envelopper tout ça pour le rendre absorbable, digeste, supportable[30].

Nous retrouvons alors, dans cette tension entre « l’oblique, l’ambivalent » et le « droit au but », une nouvelle configuration de la crête épineuse qui traverse l’horizon romanesque ndiayen. C’est elle qui fait l’intérêt du roman, comme le montre NDiaye alors qu’elle rattache encore implicitement la cruauté à une forme d’exagération romanesque :

J’aime bien l’idée de faire dire à certains personnages tout ce qu’ils ont en tête, les personnages qui n’ont aucune sorte d’inhibition, qui disent leurs pensées, leurs arrières pensées, bref tout ce qui est normalement indicible car cruel et qui relèverait du trop profondément enfoui ou impoli pour qu’on puisse oser le dire. Ça déstabilise les autres autour d’eux et c’est cette déstabilisation qui est intéressante littérairement[31].

Ainsi, malgré le rapport de l’œuvre de NDiaye avec la magie, le merveilleux, qu’on relie souvent à l’étrangeté, il « n’y a pas [chez elle] énormément d’invention, pas de fabrication », comme elle l’affirme dans un entretien qui porte sur La sorcière (1996), mais qui résonne avec ce que nous venons d’examiner. Au cœur de sa conception du roman se trouverait plutôt une « représentation exagérée » : « Il s’agit d’une exagération, d’une esthétisation. Comment appeler le fait de mettre en image ? »[32]. C’est d’ailleurs cette « question esthétique » qui fait la spécificité de son travail artistique, et du rapport au réel qu’elle déploie dans ses romans, où il ne s’agit « pas seulement de retranscrire, mais de faire aussi quelque chose qui soit beau, qui soit une œuvre »[33].

Cette interrogation menée dans et par le roman paraît souvent aller de pair, dans le discours de NDiaye, avec son potentiel de découverte, voire de connaissance. Ainsi, quand elle aborde sa prédilection pour les histoires violentes, elle déclare qu’elle : « aimerai[t] essayer de comprendre ce comportement ou de savoir ce qui [y] conduit »[34]. Mais elle admet que c’est là un « mystère qui ne s’éclaircit pas », sans solution claire :

[T]out en étant descriptive, précise, j’aime que l’impression du livre relève de l’étrangeté. Comme lorsqu’on s’approche très près d’une affiche et qu’on ne voit plus qu’une somme de petits points. Le dessin d’ensemble disparaît et la chose que l’on voit devient curieuse, bizarre, incompréhensible[35].

L’exagération romanesque, cette approche de trop près du réel, se présente chez NDiaye comme une lucidité contradictoire qui se nourrit d’équivoque – et la provoque. C’est ainsi qu’on peut lire, dans une intervention de 2008 : « Je crois que mon écriture est peut-être une tentative de faire comprendre, de faire voir la profonde étrangeté du réel »[36]. L’exagération permet aussi de s’examiner soi-même : « Exagérer, c’est un moyen de parler de soi sans en parler vraiment[37] ». En réponse à une question voulant que Ladivine (2013) soit une « dénonciation de la condition noire », NDiaye revient sur la force de découverte du roman, expliquant avec prudence qu’elle « aime travailler dans l’ambivalence parce qu’il [lui] semble qu’elle nous fait réfléchir davantage », avant d’ajouter : « [l]es livres qui me restent le plus profondément en mémoire sont souvent ceux dans lesquels je n’ai pas toujours tout compris ou dont je ne suis pas absolument sûre du sens final[38] ».

Voilà ce qu’on gagne à se tenir sur l’étroite crête du roman, alors que la recherche la plus descriptive, la plus méticuleuse, menée entre autres par l’exagération, devient indissociable d’une incompréhension, d’un malentendu, qui donne sa résonance au roman[39]. Où il trouve sa puissance de découverte, sa disponibilité à la lecture – aux lectures.

Lire et lire : entre mémoire et oubli :

Même si elle a consacré sa vie à écrire, Marie NDiaye déclare sans hésiter que « la lecture [lui] importe plus encore » que l’écriture[40]. Elle insiste sur ce point : « Je suis venue à l’écriture par la lecture, essentiellement. J’ai éprouvé, très jeune, le besoin d’essayer de faire à mon tour ce qui me procurait tant de plaisir : des livres »[41]. C’est aussi le seul conseil qu’elle donne à celui ou celle qui commence à écrire, « qu’il faut lire et lire et ne jamais cesser de lire »[42]. Cette prééminence accordée à la lecture des romans d’autrui sur sa propre écriture s’éclaire lorsqu’on constate que NDiaye y fait l’expérience, dans sa forme la plus vive, de la capacité du roman à susciter la réflexion :

[Léa Salamé :] Vous dites, dans un entretien à La Libre Belgique, « En tant que lectrice, j’espère trouver en ouvrant un livre une explication aux choses, à la vie, en sortir éclairée, enrichie de quelque chose qui me manquait. » Qu’est-ce qu’on découvre sur la vie en ouvrant votre livre ?

[Marie NDiaye :] Je me garderai bien de vous répondre, ce serait d’une prétention très grande de ma part. Et puis, je crois que je l’ignore. Je sais ce que j’apprends quand je lis. Je sais moins ce que j’apprends lorsque j’écris. Et d’ailleurs très souvent je suis surprise de mes propres absences de maîtrise ou de mes propres ignorances lorsque j’ai écrit[43].

La distinction entre ces deux rapports au roman tient peut-être au fait que le travail de l’écriture ne permet pas, selon NDiaye, de se laisser affecter de la même façon par une œuvre. C’est ce qu’avance l’écrivaine quand on lui demande comment elle a pu s’attaquer à l’affreuse scène d’infanticide de La vengeance m’appartient (2021) : « Je peux être bouleversée lorsque je lis des romans, mais pas lorsque j’en écris. La technique, la nécessité de construire les phrases empêchent toute émotion puissante. Je n’oublie jamais que j’ai affaire à des personnages et non à des personnes »[44]. Sous cet angle, c’est parce que le roman conduit, s’il est réussi, à l’oubli de sa nature fictionnelle et de l’artificialité des figures qui le peuplent, qu’il peut entraîner l’émotion et, ainsi, la réflexion.

Mais la lecture peut aussi se présenter comme un aide-mémoire pour l’écriture, en ce qu’elle ramène la romancière au choix des mots, au rythme des phrases. C’est en ce sens que NDiaye raconte qu’avant de commencer une séance de travail, elle « li[t] deux ou trois pages d’un auteur ou d’un autre afin de [s]e mettre en jambe en quelque sorte », « souvent un extrait de Malcom Lowry […] ou de William Faulkner, ou de Claude Simon »[45]. Il y a là un mouvement complexe, entre mémoire et oubli : lire est « une manière de [se] rappeler que maintenant [elle] entre en littérature »[46] – la lecture de ces phrases, même en traduction, se présentant comme un « entraînement extrêmement profitable » qui l’ « aide à produire les [s]iennes »[47] –, mais aussi une façon de se souvenir que « le reste doit être provisoirement mis de côté », qu’il faut « évacuer toutes [l]es préoccupations annexes »[48].

La puissance de la lecture, de l’oubli contradictoire et fécond, que NDiaye y associe, paraît découler d’une sorte de légèreté souveraine : c’est le potentiel d’accéder à une multiplicité de voies qui échappent aux prévisions du ou de la romancière. Il est à ce propos amusant d’entendre l’écrivaine rétorquer, ravie, après qu’une lectrice ait livré une longue explication de Mon cœur à l’étroit (2007), à l’occasion d’un échange public : « c’est la force de la lecture »[49]. Cette idée d’une liberté presque totale de la lecture revient souvent chez NDiaye, par exemple quant au titre de La vengeance m’appartient : « […] ce sera à chaque lecteur d’interpréter de quelle vengeance il peut s’agir et surtout, qui parle, ou pense, dans ce titre »[50]. Le référent du pronom « m’ » n’y est jamais précisé : « c’est l’objet d’interprétations possibles multiples »[51]. Dans un entretien de 2013, NDiaye le dit sans ambages : « Je n’anticipe ni ne conteste jamais les interprétations des lecteurs. Cela ne se contredit pas, les impressions. La seule responsabilité que je me reconnaisse, c’est de ne pas ennuyer le lecteur, de faire en sorte qu’il ait envie d’aller au bout[52] ». Ailleurs, l’écrivaine ajoute, recourant à une image qui nous est désormais familière :

[C]’est trop cruel et facile pour un écrivain de tenir le lecteur puis de le laisser tomber sans apporter de réponse à une question. J’essaie de me tenir sur cette frange-là, c’est-à-dire de lancer toutes sortes de questions et de répondre peut-être pas à toutes mais à quelques-unes quand même, tout en ménageant un espace suffisamment narratif pour que demeure un plaisir très basique de lecture. Ce qui fait qu’on lâche un livre ou pas... L’idée, bien sûr, n’est pas de répondre à des attentes précises du lecteur, d’une part parce que je les ignore, d’autre part parce que sinon on fait du Marc Levy. Disons que j’essaie de produire un bel objet, littérairement esthétique, harmonieux, mais aussi accessible. C’est accessible, mais rien n’est donné[53].

Ces « mais » successifs et opposés, employés pour penser l’accessibilité de ses livres, font entendre, dans le dire de NDiaye, cette arrête aiguë qui y est constamment engagée, et qu’il s’agit de suivre dans l’écriture en courant le risque de tomber d’un côté ou de l’autre de la crête – autrement dit, en mettant à l’épreuve ses moyens romanesques.

On fait comme on peut :

Nous avons senti que le discours de NDiaye sur son œuvre, et sur l’évolution de celle-ci, envisage la progression de ses moyens – « avec la maturité, j’ai plus de moyens littéraires »[54] –, tout comme elle revendique une perception plus nette de leurs contours et limites : « [j’ai] une idée plus précise de mes moyens […] » ; « je sais mieux […] ce que je peux et sais faire qu’autrefois »[55]. L’idée semble encore, lorsqu’il est question du rapport entre capacité et incapacité dans l’écriture, d’atteindre un équilibre précaire : « Lorsqu’on écrit, souvent on bricole avec ce qu’on sait faire, et ce qu’on ne sait pas trop faire aussi. Tout n’est pas voulu, étudié, travaillé, pesé… on fait aussi un peu comme on peut »[56].

En 2009, l’écrivaine donne un exemple de ce qu’elle « ne sait pas trop faire », en abordant son incapacité à écrire des romans historiques, des fresques : « Je ne fais pas d’histoires vraiment liées à la société, je n’en ai pas la puissance. […] je n’ai pas ce sens de l’histoire »[57]. Et elle ajoute : « J’aimerais, mais ce n’est pas ma main. Après vingt ans d’écriture, on connaît ses limites. Il y a des renoncements. Souvent, un écrivain fait ce qu’il fait parce qu’il ne peut pas faire autre chose[58]. » NDiaye peut même confier, quand on l’interroge sur ce qui fait qu’un texte tient, à ses yeux : « Ça se sent. Encore maintenant, j’ai l’impression d’écrire parfois des choses qui ne vont absolument pas, c’est vraiment de l’ordre de l’intuition profonde »[59]. En revanche, elle détaille avec limpidité la façon dont ses capacités de romancière se mettent à l’œuvre lorsqu’elle écrit :

Ça se construit toujours de la même façon. Je suis constituée ainsi, je crois, littérairement, et je ne pourrais plus changer. C’est-à-dire que je rêve autour d’une image de ce roman. En l’occurrence [pour La vengeance m’appartient] c’était la première du livre, pendant très longtemps, pendant des mois et plus si nécessaire, et les contours de l’image se précisent au fil des mois et quand l’image est devenue suffisamment nette, c’est le moment de commencer à écrire. C’est un peu comme si je devais pendant tout ce temps accommoder ma vision mentale de cette image jusqu’à ce que la netteté de ses contours devienne assez grande pour que l’excitation romanesque commence, que l’imagination se mette en branle[60].

Cette idée d’une excitation romanesque, qui nous permet de mieux comprendre l’équilibre entre travail et intuition dans la relation de NDiaye à son écriture, on la retrouve dans ses rares lettres accessibles, adressées à l’écrivaine Claudine Galea. NDiaye y insiste en effet sur l’importance de conserver une « méconnaissance » des « fondements de [s]a ferveur créatrice », quitte à « bâcler » le « temps second » de l’analyse et de la pensée : « Le choix du mot, eh bien, si c’est celui qui m’a semblé juste à l’instinct excité de l’écriture, je ne vois pas pourquoi le moment refroidi de la relecture m’en ferait trouver un meilleur […] La sauvagerie du roman - c’est tout à fait ça »[61]. Elle relie d’ailleurs cet « aveuglement devant le danger d’écrire » à la « précocité » de sa carrière, ajoutant : « Si je n’ai pas l’impression que la phrase est bien d’emblée, alors je supprime et j’oublie »[62].

L’activité d’écrire se fait alors « secrète, passionnée, urgente et fatale »[63], mais cet élan, qui agit sur le plan de la phrase, de l’organisation du système poétique de l’œuvre, correspond aussi à une nécessité vitale de l’écriture elle-même. C’est alors que se manifeste sans détour l’étroite imbrication de l’écriture et de la vie dans le discours de NDiaye :

C’est drôle, quand tu dis : continuer à vivre pour pouvoir continuer à écrire. Pour ma part, c’est l’inverse : continuer à écrire pour pouvoir continuer à vivre. Je ne ressens plus cela avec la même intensité qu’autrefois et je m’en trouve mieux. Mais, toute jeune fille, il m’était impossible d’envisager de simplement vivre, cela me semblait insurmontable. J’avais besoin de l’existence parallèle de l’écriture pour accepter de traverser la vie réelle qui, cependant, et c’est cela qui est étrange, ne m’était nullement odieuse, au contraire : j’y étais de plain-pied, et assez souvent heureuse. Mais même cette bonne vie-là n’aurait pu me suffire, n’aurait pu suffire à me donner envie de la vivre[64].

Cette dimension vitale du roman, art qui aiderait alors à « traverser la vie », sera le point d’orgue de notre étude. Elle paraît significative : car lorsqu’on demande à NDiaye ce qui rattache Rosie Carpe (2001) – l’un de ses romans préférés parmi les siens[65] – au reste de son œuvre, elle révèle un des fils conducteurs de cette dernière, un de ses tracés décisifs, le cheminement d’ « êtres perdus qui sont en quête d’une survie ou d’une meilleure vie »[66]. Cette préoccupation, qui fait de l’art romanesque une tentative de prendre en charge les insuffisances de la vie, rattache ses personnages d’ « âme en peine »[67] à la figure de la romancière ndiayenne, comme aux lecteurs et lectrices qu’elle cherche à atteindre ; c’est le « besoin » qui, irrésistiblement, les pousse à s’avancer sur la crête du roman.

 

[1] Tirthankar Chanda, » Marie NDiaye: “Je cherche la musique des phrases” », Radio France Internationale, 14 février 2013. NDiaye ajoute : « Ce n’est pas que je me sente mal à l’aise dans les autres genres, si tel était le cas je ne les pratiquerais pas, mais le roman reste mon genre de prédilection ». S’il lui arrive de concéder qu’au fond toutes ces expériences d’écriture participent du « même geste littéraire », il n’en demeure pas moins que « le roman est au centre » (Nathalie Crom et Marie NDiaye, « Marie NDiaye. Entretien avec Nathalie Crom », Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Cycle « Écrire, écrire, pourquoi ? », 18 mai 2009 [vers 1h02m30s]. Je transcris.).

[2] Andrew Asibong et Shirley Jordan, « Rencontre avec Marie NDiaye », Revue des Sciences Humaines, no 293, janvier-mars 2009, p. 190.

[3] Delphine Chaume, « Marie NDiaye : “La présence dense et concrète de l'ailleurs m'empêche de le voir avec des yeux littéraires.” », podcast « Les Masterclasses », France Culture, 2 avril 2020 [vers 25m35s] : « Finalement, je n’ai jamais écrit de théâtre seulement mue par mon propre désir. Il y avait à chaque fois la demande d’une radio, d’un metteur en scène ou d’une actrice. »

[4] Lucie Clair, « Écrire, quoi d’autre ? », Le Matricule des Anges, no 107, octobre 2009, p. 23 : « elle est “la discrète” des lettres françaises, jusqu’à ce qu’un différend l’oppose à Marie Darrieussecq » ; Jean-Baptiste Harang, « Notre sorcière bien-aimée. Rencontre avec Marie NDiaye autour d’une pièce de théâtre et autres bonnes nouvelles », Libération, supplément « Livres », 12 février 2004 : Marie NDiaye est « entrée avec discrétion et détermination, sans concession ni hâte ni doute, dans la plus pure des aventures littéraires » ; Nelly Kaprièlian, « Marie NDiaye : “J’aime, en art, l’oblique, l’ambivalent” », Les Inrockuptibles, 4 janvier 2021 : « Une voix puissante, une magicienne avec les mots, qui, même bardée de prix littéraires (du Femina au Goncourt), n’a rien perdu de sa discrétion […] » ; Cécile Châtelet parle pour sa part de « retenue » et de « réserve herméneutique » (« Prises de position publiques et politique dans les romans de Marie NDiaye », Elfe XX- XXI, no 10, 2021, par. 1-5).

[5] Il y a tout de même des exceptions, comme une lettre au professeur Jean-Marie Volet, datée de 1992, disponible en ligne, où elle attire son attention sur le fait qu’elle n’a jamais vécu en Afrique et ne peut « être considérée comme une romancière francophone, c’est-à-dire une étrangère de langue française », ainsi que les échanges fascinants tenus en 2021 et publiés en revue : Claudine Galea et Marie NDiaye, « Entrer dans le bois » [lettres échangées durant l’été 2021], dans Frédéric Vossier (dir.), Parages. La revue du Théâtre National de Strasbourg, no 11, février 2022, p. 46-53.

[6] Voir à ce sujet Gérard Genette, Seuils, Seuil, coll. « Point Essais », Paris, 2002 [1987], p. 358 : « L’épitexte médiatique est donc le plus souvent un épitexte médiatisé, et doublement médiatisé : par la situation d’interlocution, où les questions, d’une certaine manière, déterminent les réponses, et par l’opération de transmission, qui donne au médiateur, et à l’appareil médiatique dont il dépend, un rôle parfois très important dans la formulation finale des “propos recueillis” […] ».

[7] Nathalie Crom et Marie NDiaye, « Marie NDiaye. Entretien avec Nathalie Crom », Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Cycle « Écrire, écrire, pourquoi ? », 18 mai 2009 [vers 13m40s]. Je transcris. Cet effort pour répondre aux questions est aussi relevé dans Josyane Savigneau, « Rencontre à livre ouvert avec Marie NDiaye », Les Echos, 6 janvier 2021.

[8] Marie NDiaye explique qu’elle a souvent dû préciser « ce qu’il en est » de ses origines aux médias qui l’y renvoyaient, et que cela lui semble « inapproprié » (Christine Rousseau, « Marie NDiaye : “Je ne suis pas la porte-parole de quoi que ce soit” », Le Monde, 4 novembre 2009). Puisqu’il faut choisir parmi de très nombreux exemples de ce phénomène, lisons cet échange avec les journalistes du Nouvel Observateur qui – et c’est tout à fait symptomatique – n’a absolument rien à voir avec l’œuvre : « N. O. - Vous êtes mariée avec un Blanc. Un mariage mixte est-il plus accepté aujourd’hui qu’à l’époque de vos parents ? / M. Ndiaye. - Jamais je n’ai songé une seule fois que j’avais épousé un Blanc. Votre question me laissant désemparée, je l’ai posée à mon mari. J’aimerais que vous entendiez les vociférations que lui inspire l’adjectif “ mixte”, qui fait de lui un Blanc, de moi une Noire et de nous deux une sorte d’attelage ethnique » (Gilles Anquetil et François Armanet, « Marie NDiaye : “Se définir, c’est se réduire”, Le Nouvel Observateur, 13 avril 2006).

[9] Voir Andrew Asibong et Shirley Jordan, « Rencontre avec Marie NDiaye », Revue des Sciences Humaines, no 293, janvier-mars 2009, p. 192 : « [j]’espère que je n’écrirai jamais en me rappelant précisément que je suis une femme. Je suis un être humain qui écrit, et voilà ! j’essaie d’être multiple justement, et je ne suis pas une femme de 39 ans qui écrit, comme je ne serai pas une femme de 50 ans qui écrit, j’espère ».

[10] Nelly Kaprièlian, « Entretien avec Marie NDiaye, l’écrivaine aux prises avec le monde », Les Inrockuptibles, 30 août 2009 ; voir aussi Cécile Châtelet, « Prises de position publiques et politique dans les romans de Marie NDiaye », Elfe XX- XXI, no 10, 2021, par. 12.

[11] Le mot revient à plusieurs reprises, dans ses entretiens, par exemple dans Claire Chazal, « Le grand entretien. Marie NDiaye », Lire, avril 2019, p. 61.

[12] Catherine Argand, « Entretien. Marie NDiaye », L’Express, 31 mars 2001 ; voir aussi Nathalie Crom, « Marie NDiaye : “Je ne veux plus que la magie soit une ficelle” », Télérama, 21 août 2009 : « L’intervention du merveilleux était alors une aide, voire, je le mesure à présent, une facilité. Maintenant, j’essaie de m’aider aussi peu que possible du recours à la magie et de ne la faire intervenir que quand je le juge vraiment nécessaire. Je ne veux plus que ce soit une ficelle ».

[13] Andrew Asibong et Shirley Jordan, « Rencontre avec Marie NDiaye », Revue des Sciences Humaines, no 293, janvier-mars 2009, p. 192.

[14] Marianne Payot, « Marie NDiaye, la globe-croqueuse », L’Express, 27 août 2009.

[15] Lucie Clair, « La discrète empathie », Le Matricule des Anges, no 107, octobre 2009, p. 28.

[16] Aurélie Raya, « Marie NDiaye, l’exilée volontaire », Paris Match, 17 septembre 2009.

[17] Claire Chazal, « Le grand entretien. Marie NDiaye », Lire, avril 2019, p. 64.

[18] Sylvie Tanette, « Entretien avec Marie NDiaye, autrice de “La vengeance m’appartient”, aux éditions Gallimard », QWERTZ, Radio Télévision Suisse, 13 janvier 2021 [vers 24m55s et 25m15s]. Je transcris.

[19] Librairie Dialogues, « Dialogues avec Marie NDiaye », YouTube, 15 octobre 2009. Je transcris.

[20] Nathalie Crom et Marie NDiaye, « Marie NDiaye. Entretien avec Nathalie Crom », Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Cycle « Écrire, écrire, pourquoi ? », 18 mai 2009 [vers 6m35s]. Je transcris.

[21] Aurélie Raya, « Marie NDiaye, l’exilée volontaire », Paris Match, 17 septembre 2009. Voir aussi Christine Rousseau, « Marie NDiaye : “Je ne suis pas la porte-parole de quoi que ce soit” », Le Monde, 4 novembre 2009 : « J’essaie maintenant de trouver un équilibre entre le plaisir légitime que le lecteur attend d’un livre et une exigence littéraire, esthétique, sans laquelle l’écriture me paraît dénuée d’intérêt ».

[22] Voir, par exemple, les premiers mots de l’ouvrage de Dominique Rabaté qui porte sur l’écrivaine : « Le lecteur qui entre dans l’œuvre de Marie NDiaye est immédiatement saisi par un sentiment d’étrangeté. » (Marie NDiaye, Éditions Textuel, Paris, 2008, p. 9) ; NDiaye fait elle-même de l’ « “étrangéité” » l’une de ses « obsessions » (Catherine Argand, « Entretien. Marie NDiaye », L’Express, 31 mars 2001).

[23] Nelly Kaprièlian, « Marie NDiaye : “J’aime, en art, l’oblique, l’ambivalent” », Les Inrockuptibles, 4 janvier 2021.

[24] Élisabeth Philippe, « Marie NDiaye, romancière puissante », L’obs, no 2932, 7 janvier 2021, p. 67.

[25] Nelly Kaprièlian, « Marie NDiaye : “J’aime, en art, l’oblique, l’ambivalent” », Les Inrockuptibles, 4 janvier 2021.

[26] Josyane Savigneau, « Rencontre à livre ouvert avec Marie NDiaye », Les Echos, 6 janvier 2021.

[27] Sylvie Tanette, « Entretien avec Marie NDiaye, autrice de “La vengeance m’appartient”, aux éditions Gallimard », QWERTZ, Radio Télévision Suisse, 13 janvier 2021 [vers 24m]. NDiaye ajoute : « alors pas tout le temps, ni en permanence, heureusement, il y a des êtres dans nos vies envers lesquels nos sentiments sont assurés et ne bougent pas hein, bien sûr […] ». Je transcris.

[28] Voir aussi Paula Jacques, « Entretien avec Marie NDiaye », émission « Cosmopolitaine », France Inter, 13 février 2005 [2e extrait, vers 4m25s] : « Oui, c’est un portrait assez réaliste de mon propre père. Enfin, réaliste : recréé en même temps, recréé pour en faire une figure littéraire ». Je transcris.

[29] Nelly Kaprièlian, « Marie NDiaye : “J’aime, en art, l’oblique, l’ambivalent” », Les Inrockuptibles, 4 janvier 2021. NDiaye ajoute : « Mais je ne prétends nullement parler de ce qui serait “l’absurdité de la vie”, je ne suis pas convaincue que la vie soit absurde ».

[30] Lucie Clair, « La discrète empathie », Le Matricule des Anges, no 107, octobre 2009, p. 28.

[31] Nelly Kaprièlian, « Entretien avec Marie NDiaye, l’écrivaine aux prises avec le monde », Les Inrockuptibles, 30 août 2009.

[32] Xavier Person, « La vie ordinaire selon Marie NDiaye », Le Matricule des Anges, no 17, septembre-octobre 1996, p. 9. Voir aussi Catherine Argand, « Entretien. Marie NDiaye », L’Express, 31 mars 2001 : « Tout ce que j'écris, c'est une espèce d'exagération des histoires que l'on trouve dans toutes les familles ».

[33] Lucie Clair, « La discrète empathie », Le Matricule des Anges, no 107, octobre 2009, p. 28 ; NDiaye ajoute, à ce propos : « Pour ce récit-là, je voulais moins de romanesque, pas de magie ou à peine, mais une volonté de rendre compte, tout en faisant malgré tout un objet littéraire, pas un documentaire » (p. 29).

[34] Catherine Argand, « Entretien. Marie NDiaye », L’Express, 31 mars 2001.

[35] Ibid.

[36] Manuel Piolat Soleymat, « Entretien : Marie NDiaye. La profonde étrangeté du réel », La Terrasse, no 156, mars 2008, p. 24.

[37] Xavier Person, « La vie ordinaire selon Marie NDiaye », Le Matricule des Anges, no 17, septembre-octobre 1996, p. 9.

[38] Tirthankar Chanda, » Marie NDiaye: “Je cherche la musique des phrases” », Radio France Internationale, 14 février 2013.

[39] Voir les explications de NDiaye dans Aurélie Maurin, « Interview with Marie NDiaye » (trad. Samuel Rutter), The White Review, no 30, mars 2021 : « I feel that that’s how things are in life, that our memories are uncertain, that the ways we recall faces and things that people have said are unreliable. I exaggerate this feeling in my novels. In [En famille (1990)], if nobody recognises Fanny it might be because nobody has truly accepted that she is a part of the family. She isn’t recognised in a proper sense or in a figurative sense. These multiple interpretations of the same term form the entire basis of the novel’s sense of mystery ».

[40] Nathalie Crom et Marie NDiaye, « Marie NDiaye. Entretien avec Nathalie Crom », Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Cycle « Écrire, écrire, pourquoi ? », 18 mai 2009 [vers 48m15s]. Je transcris.

[41] Manuel Piolat Soleymat, « Entretien : Marie NDiaye. La profonde étrangeté du réel », La Terrasse, no 156, mars 2008, p. 24.

[42] Christine Rousseau, « Marie NDiaye : "Je ne suis pas la porte-parole de quoi que ce soit" », Le Monde, 4 novembre 2009.

[43] Léa Salamé, « Marie NDiaye : “Cette période m’épouvante, je la trouve sèche d’un point de vue romanesque”, Le 7/9, France Inter, 4 janvier 2021 [vers 6m15s]. Je transcris.

[44] Élisabeth Philippe, « Marie NDiaye, romancière puissante », L’obs, no 2932, 7 janvier 2021, p. 67 ; voir aussi Gallimard, « Entretien avec Marie NDiaye – La vengeance m’appartient », Questions réponses, YouTube, 8 février 2021 : « Quoi que j’écrive, ça ne m’affecte jamais. Je peux être affectée en tant que lectrice lorsque je lis des choses qui me troublent ou qui me bouleversent, mais ce que j’écris moi me laisse toujours assez détachée. Je suis de toute façon quand j’écris extrêmement concentrée sur la forme, sur le choix de mots, sur le rythme des phrases et ça laisse assez peu de place à des émotions de l’ordre du trouble ou du bouleversement par exemple ». Je transcris.

[45] Nathalie Crom et Marie NDiaye, « Marie NDiaye. Entretien avec Nathalie Crom », Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Cycle « Écrire, écrire, pourquoi ? », 18 mai 2009 [vers 45m40s]. Je transcris.

[46] Ibid. [vers 47m25s]. Je transcris.

[47] Ibid. [vers 1h14m10s]. Je transcris.

[48] Ibid. [vers 47m25s]. Je transcris.

[49] Ibid. [vers 1h21m10s]. Je transcris.

[50] Gallimard, « Entretien avec Marie NDiaye – La vengeance m’appartient », Questions réponses, YouTube, 8 février 2021 [vers 0m12s]. Je transcris.

[51] Ibid. Je transcris.

[52] Nathalie Chifflet, « La grande interview. Les contes sont mon univers de toujours », Le Républicain Lorrain, 17 février 2013.

[53] Nelly Kaprièlian, « Entretien avec Marie NDiaye, l’écrivaine aux prises avec le monde », Les Inrockuptibles, 30 août 2009.

[54] Lucie Clair, « La discrète empathie », Le Matricule des Anges, no 107, octobre 2009, p 29 : « [P]lus jeune c’est plus facile aussi, le drame et la tristesse. Quand on a moins de moyens, on sait mieux faire avec ça. Je me sens mieux en mesure d’évoquer la force, une certaine forme de force, qu’il y a quinze ans. » ; Nathalie Crom et Marie NDiaye, « Marie NDiaye. Entretien avec Nathalie Crom », Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Cycle « Écrire, écrire, pourquoi ? », 18 mai 2009 [vers 33m45s], je transcris : « Mais plus jeune il me semblait impossible de traiter de tout ce qu’il y a de bon aussi dans la vie. Ça me semblait en tout cas très difficile et encore inaccessible à mes moyens alors que maintenant, je m’en sens plus la force finalement » ; Andrew Asibong et Shirley Jordan, « Rencontre avec Marie NDiaye », Revue des Sciences Humaines, no 293, janvier-mars 2009, p. 193 : « Peut-être que plus jeune je me sentais moins la force de prendre à bras-le-corps cette question-ci des villes précises, des géographies. J’ai fait aussi, en étant nettement plus jeune, avec mes moyens de l’époque […] ».

[55] Nathalie Crom et Marie NDiaye, « Marie NDiaye. Entretien avec Nathalie Crom », Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Cycle « Écrire, écrire, pourquoi ? », 18 mai 2009 [vers 1h13m15s].

[56] Andrew Asibong et Shirley Jordan, « Rencontre avec Marie NDiaye », Revue des Sciences Humaines, no 293, janvier-mars 2009, p. 193 ; voir aussi Élisabeth Philippe, « Marie NDiaye, romancière puissante », L’obs, no 2932, 7 janvier 2021, p. 67 : « Je crois simplement que je compose avec mes insuffisances. Je suis bien obligée d’écrire avec la matière que j’ai et cette matière n’est pas si considérable. Je ne suis pas de ces écrivains qui brassent les généalogies, les siècles et les histoires mondiales. Mes ressources comme écrivaine sont assez limitées. C’est moins un choix qu’une utilisation raisonnable de mes ressources ».

[57] Nelly Kaprièlian, « Entretien avec Marie NDiaye, l’écrivaine aux prises avec le monde », Les Inrockuptibles, 30 août 2009 ; voir aussi Sylvie Tanette, « Entretien avec Marie NDiaye, autrice de “La vengeance m’appartient”, aux éditions Gallimard », QWERTZ, Radio Télévision Suisse, 13 janvier 2021 [vers 22m00s] : « je fais avec mes ressources qui ne sont pas considérables en vérité ».

[58] Nelly Kaprièlian, « Entretien avec Marie NDiaye, l’écrivaine aux prises avec le monde », Les Inrockuptibles, 30 août 2009.

[59] Claire Chazal, « Le grand entretien. Marie NDiaye », Lire, avril 2019, p. 64.

[60] Sylvie Tanette, « Entretien avec Marie NDiaye, autrice de “La vengeance m’appartient”, aux éditions Gallimard », QWERTZ, Radio Télévision Suisse, 13 janvier 2021 [vers 10m25s]. Je transcris.

[61] Claudine Galea et Marie NDiaye, « Entrer dans le bois » [lettres échangées durant l’été 2021], dans Frédéric Vossier (dir.), Parages. La revue du Théâtre National de Strasbourg, no 11, février 2022, p. 49.

[62] Ibid., p. 51-52.

[63] Ibid., p. 49.

[64] Ibid, p. 52.

[65] Nathalie Crom et Marie NDiaye, « Marie NDiaye. Entretien avec Nathalie Crom », Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Cycle « Écrire, écrire, pourquoi ? », 18 mai 2009 [vers 1h30m15s] : « Mes deux préférés, je crois, sont Rosie Carpe et puis celui que je viens d’achever [Trois femmes puissantes]. […] Parce que ce sont les deux qui me donnent le plus l’impression d’avoir déjà fait au mieux, c’est-à-dire d’avoir livré le meilleur de ce que je puis faire. Et ce sont les deux seuls en tout cas qui ne m’inspirent aucune espèce de regret, aucune volonté de modifier une chose ou une autre ». Je transcris.

[66] Paula Jacques, « Entretien avec Marie NDiaye », émission « Cosmopolitaine », France Inter, 4 novembre 2001 [2e extrait, vers 8m20s]. Je transcris.

[67] Ibid. Je transcris.

Bibliographie

Ouvrages cités

Sélection d'entretiens :

Argand, Catherine, « Entretien. Marie NDiaye », L’Express, 31 mars 2001, [en ligne], consulté le 10 mars 2023.

Asibong, Andrew et Shirley Jordan, « Rencontre avec Marie NDiaye », Revue des Sciences Humaines, no 293, janvier-mars 2009, p. 187-199.

Chanda, Tirthankar, « Marie NDiaye: “Je cherche la musique des phrases” », Radio France Internationale, 14 février 2013, [en ligne], consulté le 10 mars 2023.

Chaume, Delphine, « Marie NDiaye : “La présence dense et concrète de l'ailleurs m'empêche de le voir avec des yeux littéraires.” », podcast « Les Masterclasses », France Culture, 2 avril 2020, [en ligne], consulté le 10 mars 2023.

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Chifflet, Nathalie, « La grande interview. Les contes sont mon univers de toujours », Le Républicain Lorrain, 17 février 2013, [en ligne], consulté le 10 mars 2023.

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Jacques, Paula, « Entretien avec Marie NDiaye », émission « Cosmopolitaine », France Inter, 4 novembre 2001 et 13 février 2005, disque compact inclus dans Dominique Rabaté, Marie NDiaye, Paris, Éditions Textuel, coll. « Auteurs », 2008.

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Correspondance :

Galea, Claudine et Marie NDiaye, « Entrer dans le bois » [lettres échangées durant l’été 2021], dans Frédéric Vossier (dir.), Parages. La revue du Théâtre National de Strasbourg, no 11, février 2022, p. 46-53.

NDiaye, Marie, « À l’attention de M. Jean-Marie Volet », 2 janvier 1992, [en ligne], consulté le 10 mars 2023.

Critique :

Châtelet, Cécile, « Prises de position publiques et politique dans les romans de Marie NDiaye », Elfe XX- XXI, no 10, 2021, [en ligne], consulté le 10 mars 2023.

Rabaté, Dominique, Marie NDiaye, Paris, Éditions Textuel, coll. « Auteurs », 2008.

Roth, Leah et Karin Schwerdtner, « Bibliographie critique : interviews (d’auteures contemporaines) : bibliographie choisie », Women in French, 26.2, automne 2012, p. 15-30.

Moudileno, Lydie, « Marie NDiaye : entre visibilité et réserve », dans Daniel Bengsch et Cornelia Ruhe (dir.), Une femme puissante. L’œuvre de Marie NDiaye, Amsterdam, Rodopi, coll. « Franco Poly Phonies », 2013, p. 159-175.

Théorie :

Genette, Gérard, Seuils, Seuil, coll. « Points Essais », Paris, 2002 [1987].

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